| 02.11.2017
1 035 praticiens pour 12 millions d'élèves, des missions qui se multiplient et un enjeu préoccupant de santé publique : l'Académie de médecine dresse un sombre état des lieux de la médecine scolaire en France et appelle dans un rapport à remédier « d'urgence » à cette situation. La médecine scolaire « connaît aujourd'hui de grandes difficultés qui requièrent une réforme profonde si l'on veut répondre efficacement aux impératifs de prévention chez les enfants et adolescents », peut-on lire.
Un statut de médecin de la prévention
Depuis 2008, l'effectif des médecins scolaires s'est effondré de 20 % atteignant aujourd'hui un millier de praticiens – mais uniquement 896 en équivalent temps plein. Et la pyramide des âges n'est pas rassurante : l'âge moyen est de 54,8 ans et 240 médecins ont entre 60 et 65 ans.
Cette « carence » menace « la qualité et l'égalité du dépistage précoce et de la prévention », accusent les académiciens. En 2011 déjà, la Cour des comptes pointait du doigt les dysfonctionnements inquiétants de la médecine scolaire ; en 2013, le Haut conseil de la santé publique (HCSP) avait émis des recommandations avant que le Sénat lance lui aussi un coup de semonce en 2016.
Rien n'y fait : la médecine scolaire reste sinistrée. Le taux de visite médicale des élèves de six ans est estimé à 71 % d'après plusieurs enquêtes du ministère de l'Éducation Nationale. L'association des médecins scolaires du SNMSU-UNSA rapporte que seuls 57 % des enfants auraient bénéficié d'un dépistage infirmier et/ou un examen médical. « Selon les départements, ces chiffres varient de 0 à 90 % », soulignent les auteurs.
En 2016, le taux d'encadrement varie de 2 000 à... 46 000 élèves par médecin, loin du taux moyen des 5 660 en 2004. Selon l'Académie, la modification du statut est indispensable pour redorer le blason de la profession. Il pourrait s'inscrire dans un nouveau cadre de « médecins de prévention dans la fonction publique », avance le rapport.
« Sans spécialité »
De fait, outre les effectifs limités, « l'attractivité de la médecine scolaire est médiocre en raison de sa faible reconnaissance professionnelle et des mauvaises conditions matérielles », souligne l'Académie. C'est en 1946 qu'ont été créés des postes de médecins et d'infirmiers dans l'Éducation nationale. Depuis, les missions se sont « accumulées » et la prise en charge s'est notamment étendue aux enfants atteints de maladie chronique en 1993, aux élèves en situation de handicap en 2005 et à ceux ayant des troubles d'apprentissage en 2015.
Malgré ces missions élargies, « l'expertise des médecins de l'Éducation nationale est peu valorisée. Ils sont considérés par l'administration comme "sans spécialité" », déplore l'Académie. Les sages suggèrent la mise en place d'une formation universitaire de santé scolaire telle qu'une formation spécialisée transversale (FST) accessible aux internes.
Sentiment d'abandon
Autre difficulté : l'absence, le plus souvent, d'une équipe de santé scolaire structurée et organisée autour des enfants et des adolescents, ce qui donne au praticien « une impression de solitude ou d'abandon ». L'équipe – médecins, infirmiers, psychologues et assistantes sociales – « est fragmentée et dispersée », analyse l'Académie. « La coopération médecins/infirmières n'est pas évidente au contraire », peut-on lire. Le rapport préconise à cet égard un enseignement spécifique pour les infirmières avec « une valence sociétale et environnementale » afin de renforcer l'équipe des praticiens.
Autre objectif : se donner les moyens d'assurer pour les 800 000 enfants de 6 ans un examen de santé, aujourd’hui très insuffisamment réalisé et inégalitaire, en « spécifiant, dans un texte précis, le contenu de la mission des médecins et celui des infirmières ».
Nerf de la guerre, la rémunération reste le principal handicap au recrutement. Un médecin de l'Éducation nationale en début de carrière émarge à 1 700 euros net par mois en seconde classe et finit à 2 900 euros nets mensuels. Seuls ceux qui terminent en première classe peuvent franchir la barre des 3 500 euros net. Des indemnités annuelles augmentent les émoluments mais elles varient selon les académies et rectorats. Seules quatre académies sur trente versent des indemnités de plus de 10 000 euros brut annuels, les autres plafonnent à 8 000 euros.
Une évaluation de la médecine scolaire avait été demandée en avril 2015 par le Premier ministre Manuel Valls. Mais les résultats du comité d'évaluation ne sont toujours pas connus…
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