Si le fait de pouvoir conserver ses ovules pour une grossesse potentielle peut être un moteur pour certaines donneuses, la plupart le font par altruisme.
LE MONDE | | Par Gaëlle Dupont
Quand Mélanie a décidé de devenir donneuse d’ovocytes, elle ne savait pas qu’elle pourrait en conserver une partie pour elle-même en vue d’une grossesse ultérieure. La loi l’y autorise pourtant depuis début 2016, date de l’ouverture du don de gamètes aux personnes sans enfants. Elle a d’abord fait ce geste « pour aider une amie ». « Elle avait fait plusieurs tentatives de fécondation in vitro avec ses propres ovules sans succès, explique la jeune femme de 31 ans. Elle avait besoin d’un don. Il lui fallait recruter une donneuse pour remonter la file d’attente. »
Cette pratique est officieuse mais très répandue. La demande d’ovocytes excédant très largement le nombre de gamètes disponibles, les centres spécialisés favorisent les couples qui ont amené une femme à devenir donneuse. Non pas pour eux-mêmes (c’est interdit, le don étant anonyme), mais pour la collectivité. Le temps d’attente pour bénéficier du don, initialement de deux à quatre ans selon les centres, se situe alors entre douze et dix-huit mois. « C’est éthiquement discutable, reconnaît Olivia Gervereau, responsable du don d’ovocytes au CHU de Tours. Nous aimerions pouvoir travailler autrement, mais nous n’avons pas le choix. »
La lourdeur du processus explique la rareté des candidates au don : 540 en 2015, alors qu’il en faudrait le triple pour répondre aux besoins. Piqûres multiples (prises de sang, stimulation ovarienne), échographies répétées, rendez-vous à l’hôpital… « On doit souvent se rendre disponible au dernier moment », poursuit Mélanie. Il arrive que la ponction soit douloureuse, comme ce fut le cas pour elle. Le tout est fait gratuitement, en dehors des dépenses occasionnées par le don qui sont remboursées (transports, repas…).
Une habitude du don
Malgré ces contraintes, Mélanie n’a pas de regrets. « J’ai aidé une amie et potentiellement deux couples à avoir des enfants, estime-t-elle. J’ai la possibilité de procréer naturellement mais pas la volonté de le faire. Autant que mes ovocytes servent à quelqu’un. » La perspective qu’un ou deux enfants porteurs de son patrimoine génétique naissent ne la trouble pas. « Ce n’est pas le fait de donner une cellule qui fait de moi une mère, dit-elle. Les parents sont ceux qui élèvent l’enfant. »
La jeune femme a tout de même souhaité conserver une partie des ovules ponctionnés pour pouvoir éventuellement les utiliser plus tard. « C’est une roue de secours, explique-t-elle. Je ne sais pas de quoi l’avenir sera fait. Peut-être que dans cinq ans je voudrai des enfants et ne pourrai pas en avoir. »
« Ça ne coûte rien, ça ne prend pas tant de temps que cela, et cela peut avoir un impact très positif sur la vie d’autres personnes », Laëtitia, une donneuse
Laëtitia, 27 ans, est arrivée au don comme Mélanie, pour aider un couple d’amis en attente d’un don. Ils ne lui en ont pas fait directement la demande, mais ont évoqué ce problème devant elle. « Ça ne coûte rien, ça ne prend pas tant de temps que cela, et cela peut avoir un impact très positif sur la vie d’autres personnes », résume la jeune femme. Comme beaucoup de donneurs de gamètes, Laëtitia est une habituée : elle a déjà donné son sang, est inscrite sur le fichier des donneurs de moelle osseuse et a donné son accord pour le don d’organes.
C’est également le cas de Lucia, 26 ans, qui a donné ses ovocytes sans même connaître de couple demandeur, « pour aider ». Elle a été sensibilisée au sujet par la souffrance d’une tante infertile. Comme Laëtitia, Lucia a demandé à conserver une partie de ses ovules comme un « dernier recours » en cas de problème pour concevoir à l’avenir, mais ce n’était pas son objectif de départ.
Pas de ruée vers les centres habilités
Heureusement, car pour avoir de bonnes chances d’obtenir une grossesse ultérieure, il faut conserver une quinzaine d’ovocytes. Or, après une ponction, cinq ovules minimum sont réservés au don. Les cellules prélevées sont rarement assez nombreuses pour à la fois satisfaire le don et garantir à la donneuse de bonnes chances de procréer ultérieurement. Ce système a d’ailleurs été fortement critiqué par l’Académie de médecine dans un rapport sur l’autoconservation des ovocytes publié en juin, car « pouvant être perçu comme un chantage ou un leurre ».
Les motivations altruistes de ces jeunes donneuses confirment une tendance ressentie au niveau national. L’ouverture du don aux femmes sans enfants a permis une augmentation du recrutement des donneuses, quoique dans des proportions moindres qu’attendu – de l’ordre de 10 % à 20 % par an selon une estimation de la présidente de la Fédération nationale des centres de conservation des œufs et du sperme, Nathalie Rives.
Alors que la possibilité d’autoconserver ses ovules pour raisons personnelles existe à l’étranger et sera débattue dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique en 2018, l’octroi de cette possibilité en France en échange d’un don n’a pas occasionné de ruée vers les centres habilités. Parmi les donneuses sans enfants, de 50 % à 60 % la demanderaient, mais ce n’est l’objectif principal que pour une minorité d’entre elles.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire