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vendredi 3 novembre 2017

« “La santé hors les murs” va transformer l’hôpital et la relation entre les acteurs »

Dans une tribune au « Monde », un collectif de directeurs d’établissements, publics et privés, appelle au courage politique et managérial pour la transformation et la mutualisation de l’offre territoriale de soins.

LE MONDE ECONOMIE  | Par 

Tribune. Aucun secteur d’activité n’échappe aujourd’hui à la vague de technologies de rupture qui bouleverse nos schémas économiques et sociaux traditionnels. A la fois acteur de santé et lieu emblématique des soins pour tous, l’hôpital se transforme et se numérise. L’innovation émerge sur tous les terrains, technologique, organisationnel, mais aussi et surtout politique et managérial. Les transformations préfigurant l’hôpital de demain sont déjà à l’œuvre, apportant des changements de fond qui nécessitent dès aujourd’hui de les appréhender dans un véritable esprit de conquête.


L’innovation technologique d’abord, à travers la révolution numérique en cours, modifiera substantiellement les pratiques : la télémédecine et l’e-santé en esquissent déjà les contours. Les techniques opératoires gagnent également en précision et en sécurité grâce à la robotique. Sans s’arrêter à la dimension « geek » de ces évolutions, des transformations plus profondes sont en cours.

Le développement de la médecine prédictive, rendu possible par les progrès de la génétique, modifiera considérablement les approches diagnostiques et thérapeutiques, pour un parcours patient toujours plus personnalisé. Nous assistons en parallèle à l’avènement de la « smart santé », qui place le patient au centre du système. Ce dernier est enfin reconnu en tant qu’acteur de sa prise en charge et propriétaire de son dossier médical, auquel il aura de plus en plus facilement accès sur smartphone.


Logique d’offre territoriale de soins


Ces changements de vision et d’approche ne peuvent se traduire en bénéfice concret pour le patient sans innovation organisationnelle. Peut-être moins visible pour le grand public, mais déterminante pour les professionnels de santé et les patients, la « santé hors les murs » va transformer l’hôpital et la relation entre les acteurs. D’un lieu de vie abritant équipements de haute technologie et compétences pointues, il deviendra un lieu de passage, gérant des flux entrants et sortants de patients et une plate-forme multisite de services et de compétences dans une logique d’offre territoriale de soins.

Il est nécessaire de dépasser les nombreux freins institutionnels et réglementaires
Ainsi, déjà, sur certains territoires, des établissements de statuts différents mutualisent équipements et savoir-faire afin de raccourcir les délais de prise en charge. Ce sont là les prémices d’une collaboration réussie entre des acteurs pourtant en concurrence sur le terrain. L’innovation politique est essentielle car elle garantit la pérennité du système. Dans tous les pays, l’Etat constitue un acteur incontournable, notamment sur la question des arbitrages politiques et budgétaires. Les freins institutionnels et réglementaires sont nombreux, en France comme ail­leurs ; il est nécessaire de les dépasser.

La feuille de route politique doit permettre la généralisation d’expérimentations réussies, posant de facto la question de la compatibilité entre, d’une part, des objectifs macroéconomiques d’optimisation des dépenses – parfaitement louables – dans une logique de performance accrue (par ailleurs difficile à définir dans le ­contexte hospitalier actuel), et, d’au­tre part, des objectifs de modernisation d’un écosystème bousculé par les transformations à l’œuvre.


Courage managérial et politique


Le courage managérial est une autre condition nécessaire pour opérer cette mutation de l’hôpital. Entre prise de conscience et frilosité, ces vingt dernières années ont vu se renforcer des logiques protectionnistes, par exemple sur les capacités d’accueil en nombre de lits et de fauteuils de médecine ambulatoire. Autre exemple édifiant : la dispersion de plateaux techniques toujours plus onéreux, là où les besoins nécessiteraient au ­contraire des logiques de concertation et une mise en commun de moyens.

C’est une vision à la fois collaborative et compétitive de l’hôpital « en étoile » qui est ici proposée
Le véritable courage managérial consisterait alors à explorer des modèles réellement innovants, dans une logique de prise en charge intelligente du parcours de soins. Ainsi, l’expérimentation de projets médicaux inter­établissements sur un territoire don­né permettrait de transformer la contrainte économique, issue de la relation concurrentielle agressive et de la coopération imposée, en une véritable opportunité.

C’est une vision à la fois collabo­rative et compétitive de l’hôpital « en étoile », autour d’un plateau technique commun exploité par différents partenaires (établissements publics et privés, industriels, chercheurs…), qui est ici proposée.

C’est donc dans une stratégie de ­conquête audacieuse, faite de courage politique et managérial, que l’hôpital de demain doit être conçu. Innovons et impliquons vraiment le patient ! Tout comme les acteurs de l’économie numérique proposent une offre en fonction des besoins de leurs clients, utilisons l’immense potentiel de la numérisation et imaginons un management intelligent pour créer des parcours de soins personnalisés, qui s’adaptent aux spécificités d’un territoire sous l’impulsion des différents acteurs de santé et dans un objectif commun d’amélioration de la prise en charge des patients.

Souhaitons que la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) en préparation s’en fasse l’écho et accompagne le secteur tout entier dans ce virage si difficile à négocier mais tellement prometteur.

Les signataires : Malik Albert, directeur du groupe Saint George, groupe de santé privé dans la région PACA ; Anne Albert-Cromarias, enseignante-chercheuse au Groupe ESC Clermont ; Christian Fillatreau, directeur général adjoint de l’institut Bergonié, centre régional de lutte contre le cancer de Nouvelle-Aquitaine ; Khaled Meflah, directeur général du centre François-Baclesse, centre régional de lutte contre le cancer de Basse-Normandie ; Benoît Nautré, directeur général adjoint du Centre Jean-Perrin, centre régional de lutte contre le cancer d’Auvergne.

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