L'Europe est confrontée à l'arrivée massive de nouvelles drogues de synthèse, drogues dont les effets peuvent être très graves, voire mortels, selon l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies. Afin de promouvoir l’usage d’une terminologie claire sur ce problème, l’ONUDC (Office des Nations Unies contre la drogue et le crime) a réuni ces drogues qui circulent sur le marché sous les noms de ‘drogues de synthèse’, ‘euphorisants légaux’, ‘euphorisants végétaux’, ‘sels de bain’, ou ‘réactifs de laboratoire’ sous le vocable ‘Nouvelles substances psychoactives’ (NSP). Il s’agit donc « de substances dont il est fait abus, consommées pures ou sous la forme de préparations, qui ne sont contrôlées ni par la Convention unique sur les stupéfiants de 1961 ni par la Convention sur les substances psychotropes de 1971 mais qui peuvent toutefois représenter une menace de santé publique ». Le terme ‘nouvelles’ ne se réfère pas nécessairement à des inventions inédites – certaines NSP ont été synthétisées pour la première fois il y a 40 ans – mais à des substances qui sont apparues récemment sur le marché et qui n’ont pas été répertoriées dans les conventions ci-dessus.
Des effets mal connus
Ces drogues ont tendance à imiter les effets psychotropes des drogues traditionnelles mais avec une toxicité aiguë et chronique et des effets secondaires encore mal connus. Ces produits sont généralement des drogues de synthèse. « Leur arrivée massive s’est traduite par une hausse du taux de détection de ces substances lors des analyses de recherche de drogues, ce qui a donné lieu à des problèmes sur le plan du droit et des analyses et qui a exigé l’adoption de méthodes sensibles, fiables et reproductibles pour détecter et analyser ces substances », a souligné Marta Torrens (Barcelone). L’analyse des cheveux pourrait s’avérer un moyen fiable pour évaluer l’exposition à ces substances et en particulier pour recueillir des données rétrospectives sur leur usage à long terme car ces NSP sont le plus souvent indétectables dans l’urine, le sang ou la salive, les jours qui suivent la consommation. Les cheveux en gardent la trace, des mois après l’utilisation.
Si l’on se réfère à l’EMCDDA - Europol report, de 2015, il n’y avait que 98 nouvelles substances détectées au départ, mais leur nombre dépasse aujourd’hui 560, dont 380 (70 %) ont été détectées au cours des 5 dernières années, via le Early Warning System (EWS). Ces substances, que l’on ne retrouve pas dans la liste internationale des produits interdits, n’ont engendré que très peu de littérature scientifique, et on ne dispose pas (ou peu) de données pharmacologiques, cliniques et toxicologiques à leur propos. Dans le rapport de l’EMCDDA, ce sont les cannabinoïdes de synthèse qui prédominent (61 %), suivies par les cathinones de synthèse (17 %), les phénéthylamines (5 %), les benzodiazépines (3 %), les arylcyclohexylamines (3 %), les opioïdes de synthèse avec surtout les dérivés du fentanyl (1 %), les multiples autres produits représentant 10 % des substances mises à jour.
« Miaou miaou » ou « vague d’ivoire »
La stratégie publicitaire est agressive et consiste notamment à donner à ces substances des noms accrocheurs comme “miaou miaou”, “top cat”, “bubbles” ou “vague d’ivoire”. Les commerçants en ligne donnent aussi très souvent une description ambiguë de leurs articles, qui sont généralement vendus comme “research chemicals”, parfums d’ambiance, engrais ou sels de bain, accompagnés d’un avertissement ou d’une mise en garde du type ‘impropre à la consommation humaine’ ou ‘uniquement à des fins de recherche’.
Focus sur les cathinones de synthèse
Présentées par Marta Torrens, ces diverses drogues ont des effets multiples. On ne s’attardera pas ici sur les cannabinoïdes de synthèse, mais sur les cathinones de synthèse dont l’essor, à l’échelle mondiale n’a été mis en évidence que récemment par l’ONUDC. Ces cathinones de synthèse dérivent de la cathinone, principe actif du khat. Elles ont des effets stimulants similaires à l’amphétamine. Elles ont différents effets sur le comportement et peuvent influer sur l’activité locomotrice, la thermorégulation, l’apprentissage et la mémoire. Les effets néfastes à court terme constatés sont variables et peuvent comprendre la perte d’appétit, une vision floue, l’anxiété, une dépression après usage, une confusion, des hallucinations, une psychose de courte durée ou un épisode maniaque, de l’anxiété, un état paranoïaque, des pertes de mémoire et de l’agressivité.
« Pensez-y ! »
Pour mieux appréhender le phénomène, la Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues Et les Conduites Addictives a mis en ligne une brochure ‘Nouveaux produits de synthèse, nouvelles substances psychoactives (1). Il s’agit d’un document de 28 pages qui se veut le plus exhaustif possible. A cet effet sont listées à la fois les nouvelles substances psychoactives et les nouveaux produits de synthèse, c’est-à-dire "les substances psychoactives nouvellement arrivées sur le marché, naturelles ou synthétiques, classées ou non produits stupéfiants ou psychotropes au niveau national". Le guide propose également un protocole accompagnant la prise en charge thérapeutique lors d'une suspicion d'intoxication à ces produits et termine en rappelant : « Pensez-y ! Devant tout trouble inexpliqué psychiatrique, neurologique, cardiologique mais aussi respiratoire, digestif, ophtalmologique ORL, musculaire, néphrologique… Ayez ensuite 3 réflexes : traiter les symptômes non spécifiques, récupérer tout indice au diagnostic : anamnèse, échantillon du produit consommé, toxicologie sang + urine, et avertir l’Equipe de Liaison et de Soins en Addictologie (ELSA) et le CEIP- Addictovigilance dès que possible”.
Dr Dominique-Jean Bouilliez
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