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vendredi 22 septembre 2017

Au Brésil, un juge veut autoriser les psychologues à « soigner » l’homosexualité

Un groupe de thérapeutes veut revenir sur une résolution de 1999 interdisant les traitements de « réorientation sexuelle ».

LE MONDE | Par 
Un jeune Brésilen avec le drapeau arc-en-ciel de la communauté homosexuelle, pendant un festival, à Rio, le 17 septembre 2017.
Un jeune Brésilen avec le drapeau arc-en-ciel de la communauté homosexuelle, pendant un festival, à Rio, le 17 septembre 2017. LEO CORREA / AP

Sur les réseaux sociaux brésiliens, le ton vire au caustique. « Demain, je ne vais pas à l’école, écrit Taynara. Je me sens très, très gay, je vais faire une attestation. Qui sait, je serais peut-être internée. » Depuis le choc, provoqué lundi 18 septembre, par la décision d’un juge de Brasília d’autoriser les psychologues à « soigner » les homosexuels, ricaner est devenu le remède le plus approprié au sein de la communauté LGBT (lesbienne, gay, bisexuelle et transgenre) pour affronter l’absurdité. « C’est grotesque. Le Brésil est le pays où l’on tue le plus d’homosexuels [343 personnes LGBT ont été assassinées en 2016], on n’avait pas vraiment besoin de ça », souffle Lucas Galdino, organisateur de la Gaymada à Sao Paulo, manifestation sportive mensuelle « pour faire sortir les gays de chez eux ».


La décision, préliminaire, du magistrat, répond à la demande d’une vingtaine de psychologues, dont Rozangela Alves Justino, missionnaire évangélique réputée pour ses outrances. Le petit groupe de thérapeutes compte revenir sur la résolution de 1999 du Conseil fédéral de psychologie (CFP) interdisant aux professionnels de traiter l’homosexualité, sachant que celle-ci n’est ni une déviance ni une maladie, comme le reconnaît l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 1990.


« C’est un recul gigantesque »

« Notre objectif est de suspendre ET d’annuler la résolution du CFP (…), car elle porte préjudice au patrimoine public, à la liberté scientifique, au libre exercice de la profession et au droit du consommateur », nous explique Rozangela Alves Justino. Le juge, Waldemar Claudio de Carvalho, n’est pas allé aussi loin. Mais, sans remettre en cause la résolution, il reconnaît à la profession le droit de réaliser des thérapies de « réorientation sexuelle » à la demande des patients. « Une décision extrêmement dangereuse », résume Pedro Paulo Bicalho, directeur du CFP. « Nous savons tous les méfaits des soi-disant “thérapies gay”. La profession ne peut pas participer aux violences contre les homosexuels », s’étrangle-t-il, déterminé à faire appel.

« C’est un recul gigantesque dont on ne mesure pas encore l’ampleur », estime Ana Uziel, professeuse à l’Université de l’Etat de Rio de Janeiro


« Il existe une demande pour ce genre de thérapies. Les personnes homosexuelles, en souffrance, sont poussées à consulter par leur entourage social, religieux, explique Heder Bello, psychologue à Rio de Janeiro, chercheur sur les thérapies de réversion sexuelle et sur l’interface entre psychologie et christianisme. Le rôle du psychologue n’est pas d’accentuer la stigmatisation, de conforter le patient dans l’idée que l’homosexualité est l’origine du mal, encore moins de répondre à un préjugé moral. Notre rôle est de garantir la singularité du sujet. On ne peut rejeter son homosexualité, sauf à la refouler. »

Inquiets, les défenseurs de la cause LGBT redoutent que les mots du juge ne soient qu’un prélude à la remise en question de divers droits (mariage entre homosexuels, adoption, procréation assistée). « C’est un recul gigantesque dont on ne mesure pas encore l’ampleur », abonde Ana Uziel, professeuse à l’Université de l’Etat de Rio de Janeiro, spécialiste de l’étude du genre et de la diversité sexuelle.

Dans un pays en pleine crise morale, marqué par un mouvement religieux ultraconservateur appuyé par certaines Eglises évangéliques, cette décision prend une résonance particulière. Mais le Brésil n’est pas un cas isolé. « Dans le monde en général on assiste à une homophobie réactionnaire. Le sujet semble archaïque mais il est très actuel, observe Eric Fassin, directeur du département sociologie et études de genre à Paris-VIII. Les homophobes avancent masqués. Rares sont ceux qui se revendiquent ouvertement homophobes. La plupart utilisent désormais des arguments détournés comme la science pour pousser leurs idées. »

Vendredi 22 septembre, des manifestations sont prévues dans les grandes villes du pays comme à Sao Paulo ou à Rio de Janeiro en réaction à la décision du juge. Parmi les slogans : « L’amour n’est pas une maladie. »

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