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vendredi 22 septembre 2017

Flexisécurité : « Une évaluation d’impact sur la santé devra être mise en place »

Dans une tribune au « Monde », l’épidémiologiste Thierry Lang explique qu’une « fluidité » accrue sur le marché du travail peut aggraver la sélection, déjà existante, aux dépens des travailleurs dont la santé est altérée.

LE MONDE ECONOMIE  | Par 

Tribune. Flexisécurité : l’idée fait rêver, chacun est satisfait. Les employeurs n’hésitent pas à recruter, puisque la flexibilité leur permettra de licencier sans grande difficulté les salariés qui se trouveraient en surplus, du fait des aléas micro ou macroéconomiques. Les salariés se savent exposés plus volontiers à une perte d’emploi, mais le volet sécurité rassure, car les indemnités chômage seront plus élevées et l’aide au retour à l’emploi facilitée transforme le chômage en un simple changement d’emploi.

L’expérience des pays scandinaves, qui ont mis en musique ce concept, est souvent citée en exemple. Elle aurait pourtant de quoi nous faire réfléchir.


Il est connu et bien établi que ne pas être en bonne santé est un obstacle pour trouver un emploi. Il est tout aussi établi que ne pas être en bonne santé expose à perdre plus rapidement son emploi en période de crise. Quel effet attendre de la flexisécurité ?


Parangons de l’Etat-providence


Un chercheur norvégien, Kristian Heggebo, a eu l’idée de comparer l’impact de l’état de santé dans le maintien dans l’emploi dans trois pays : la Norvège, la Suède et le Danemark (« Unemployment in Scandinavia During an Economic Crisis : Cross-National Differences in Health Selection », Social Science and Medicine n°130, 2015). Comme on le sait, ils partagent le même système de protection sociale et sont souvent classés parmi les parangons de l’Etat-providence.

Seul, parmi ces pays, le Danemark a mis en place la flexisécurité dans les années 1990. De 2004 à 2013, malgré la crise économique de 2008, les taux de chômage sont restés stables en Norvège (à un niveau bas) et en en Suède (à un niveau élevé). En revanche, ils ont grimpé rapidement après 2008 au Danemark. Mais, si en Suède ou en Norvège, l’état de santé n’est pas lié au fait d’être plus ou moins au chômage, ce n’est qu’au Danemark que la mauvaise santé apparaît comme un facteur qui favorise le chômage.


L’« effet travailleur sain »


En d’autres termes, la « fluidité » du marché du travail risque de renforcer la sélection par l’état de santé. Cette sélection existe déjà dans nos sociétés. Il ne s’agit pas nécessairement de discrimination délibérée, mais les trous dans la carrière, un absentéisme pour maladie plus élevé, des préjugés ou des anticipations sur la productivité sont autant d’obstacles qui sont déjà présents aujourd’hui.

Ceux qui ont accès à un emploi et le gardent sont en meilleure santé que le reste de la population
Cette réalité est qualifiée par les chercheurs d’« effet travailleur sain », pour signifier que, malgré les conséquences potentielles de conditions de travail difficiles sur la santé des travailleurs, ceux qui ont accès à un emploi et le gardent sont en meilleure santé que le reste de la population. Il s’agit aujourd’hui de s’assurer que la flexisécurité ne constituera pas un phénomène massif de sélection par l’état de santé, donc d’exclusion renforcée des moins bien portants et des malades.

Même s’il n’est pas certain que l’expérience de nos voisins scandinaves se reproduise en France, la crainte de voir se renforcer l’exclusion par la santé doit impérativement nous conduire à suivre les effets de la « flexisécurité à la française ». C’est l’exemple même de loi pour laquelle une évaluation d’impact sur la santé devrait être mise en place. Un comité interministériel sur la santé existe. C’est sa fonction de veiller à ce que les lois issues d’un ministère ne ruinent pas les efforts des autres. L’enjeu est de taille. Il s’agit de s’assurer que cette flexisécurité ne conduise pas à écarter encore un peu plus de l’emploi ceux et celles dont la santé a déjà été altérée.

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