| 02.05.2017
Il faut améliorer la prise en charge des victimes, des familles, et des agresseurs sexuels, en optimisant l'accompagnement psychologique et en développant les réseaux de soins spécialisés, exhorte le centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans un rapport d'expertise remis le 26 avril à Laurence Rossignol, ministre des familles, et à Thierry Mandon, secrétaire d'État à l'enseignement supérieur et à la recherche.
Cette expertise collective, rédigée en un mois par des historiens, sociologues, juristes, et psychologues, s'inscrit dans le cadre du premier plan de lutte contre les violences faites aux enfants (2017-2019) et se veut un « premier canevas d'état des lieux », à approfondir. Ces violences sexuelles dans le cadre familial restent sous-estimées, notamment parce qu'elles sont occultées par des représentations erronées du pédophile prédateur extra-familial, lit-on.
Une cascade d'effets
Le professeur Jean-Louis Nandrino et Claire Ducro, chargée de recherche (laboratoire de sciences cognitives et affectives, Université de Lille -CNRS) rappellent les conséquences des agressions sexuelles intrafamiliales sur enfants ou adolescents (ASIEA). « Une cascade d'effets sur le plan neurobiologique, comportemental, cognitif et affectif », écrivent-ils.
Les ASIEA conduisent en particulier à des modifications de la capacité d'auto-contrôle et de régulation des émotions, qui rendent les victimes très vulnérables aux troubles socio-affectifs, psychiques, mentaux, somatiques (notamment les symptômes médicalement inexpliqués), et médicaux au cours de leur développement, et les exposent à un risque de répétition de traumas et de conduites à risques. Les difficultés sociales et d'adaptation à l'école minent les résultats scolaires. Plusieurs études montrent une prévalence d'abus sexuels subis dans l'enfance plus élevée parmi les agresseurs, sans pour autant permettre de « généraliser la théorie abuseur-abusés », notent les auteurs, puisqu'une prise en charge précoce et adaptée peut jouer un rôle protecteur.
Le juridique et le médical, des voies à combiner et à différencier
Après la révélation d'une maltraitance sexuelle - qui suppose un espace sécurisant et bienveillant - la combinaison des interventions judiciaires et médicales a fait preuve de son efficacité. Elle doit néanmoins être adaptée à chacun, et la voie médicale doit idéalement précéder la judiciaire.
Plusieurs méthodes thérapeutiques sont validées, indiquent les chercheurs en psychologies : les thérapies cognitives centrées sur le trauma (TF-CBT), les thérapies centrées sur l'émotion, l'hypnose ou l'EMDR. « Les traitements axés sur les traumatismes sont plus efficaces que les interventions non centrées sur les expériences traumatiques ; les séances individuelles ont une efficacité plus importante que les thérapies en groupe », souligne Claire Ducro.
D'autres études doivent être menées sur les modalités de l'accompagnement indispensable de l'entourage (non agresseur). La prise en charge des parents est déjà indiquée dans les cas où les enfants sont jeunes (3-6 ans) et présentent des troubles du comportement ; et dans les cas où les parents sont eux-mêmes abuseurs ; ou souffrent de problèmes de santé mentale, ou ont des croyances inadaptées face au traumatisme.
L'accompagnement psychologique des agresseurs reste rare ; et les auteurs de juger nécessaire l'encouragement des réseaux de professionnels à diffuser et valider leurs modèles de prise en charge.
Au-delà des aspects strictement médicaux, le rapport d'expertise du CNRS conclut sur l'importance de poursuivre les recherches pluridisciplinaires et de constituer un réseau de chercheurs spécialisés sur l'inceste, de développer les campagnes d'information et de sensibilisation vers tous les publics et de nourrir les formations des professionnels de l'enfance, de l'éducation et de la santé des apports des sciences humaines et sociales.
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