| 20.03.2017
Réalisée à la suite de l’appel à projets « attentats recherche » lancé en novembre 2015 par Alain Fuchs, président du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), l’enquête sur les lycéens et la radicalité pointe des tendances assez marquées parmi une certaine jeunesse, notamment.
Anne Muxel et Olivier Galland, les deux sociologues du CNRS qui ont dirigé l’étude qui a recruté plus de 7 000 lycéens français de classe de seconde parmi 21 établissements et 4 académies, tiennent d’emblée à lever toute ambiguïté : « C’est un travail exploratoire réalisé sur un échantillon raisonné et non représentatif de la jeunesse française. » De fait, A. Muxel explique qu’ils ont choisi de « surreprésenter certaines catégories en introduisant des critères de sélection des établissements scolaires : lycées situés en zone urbaine sensible (ZUS), où est scolarisée une plus forte proportion de jeunes issus des catégories populaires ou issus de l’immigration ». Les élèves ont répondu en classe à un questionnaire auto-administré en septembre et octobre 2016. Une enquête similaire réalisée par Opinion Way sur un échantillon représentatif de 1 800 jeunes de 14-16 ans en France a servi de témoin. Les résultats de l’enquête qualitative sont encore en cours de traitement.
Éviter le déni ou l’euphémisation
Cette volonté délibérée d’opérer « des traitements statistiques fins sur des segments spécifiques de la population jeune habituellement sous-représentés dans les enquêtes quantitatives », explique que l’échantillon comporte environ 16 % de jeunes en ZUS et 25 % de confession musulmane. Bien que conscients des possibilités d’instrumentalisation politique des résultats de leur travail en cette période préélectorale, ils considèrent, comme l’explique O. Galland, que « le déni ou l’euphémisation est une mauvaise chose qui laisse le champ libre aux extrémismes ». Pour A. Muxel, il est également très important de souligner qu’« il ne s’agit pas d’une étude sur le processus de radicalisation », mais d’un travail qui « cherche à mesurer le degré d’adhésion à la radicalité au sein de la jeunesse ».
Absolutisme religieux et tolérance à la violence
Plutôt que d’utiliser le vocable de « fondamentalisme », les auteurs ont préféré mesurer les réponses en termes d’absolutisme religieux. Ils sont donc 11 % de l’échantillon des lycéens sondés à répondre à la fois qu’« il y a une seule vraie religion » et que, dans l’explication de la création du monde, la religion l’emporte sur la science. Si deux tiers des jeunes musulmans ne se retrouvent pas dans ces idées, 32 % y adhèrent contre 6 % chez les chrétiens et 0,6 % chez les athées. Concernant leur tolérance à la violence et à la déviance (voler un Scooter, affronter la police, dealer, conduire sans permis…), l’enquête montre qu’elle est beaucoup plus élevée chez ces jeunes que parmi l’échantillon représentatif.
La moitié de ceux qui acceptent à la fois cette culture de la violence et qui font part d’un absolutisme religieux reconnaît ainsi qu’il est « acceptable dans certains cas de combattre les armes à la main pour sa religion dans la société actuelle ». L’enquête montre également que, parmi la population étudiée, « la diffusion d’idées radicales en matière religieuse est approximativement 3 fois plus forte chez les jeunes musulmans que dans l’ensemble de l’échantillon » et surtout chez les garçons (2 fois plus souvent que chez les filles). Pour autant, O. Galland tient à rappeler que si l’effet religieux est bien présent chez les jeunes musulmans étudiés, « il ne s’agit en définitive que d’une très petite proportion : l’absolutisme radical est loin d’être majoritaire chez les musulmans ! »
Faible intérêt pour la politique et défiance généralisée
Pour l’équipe de recherche, l’explication purement économique n’est pas pertinente. En effet, « l’idée d’une génération sacrifiée qui serait tentée par la radicalité se heurte au sentiment de relative bonne intégration de ces populations » qui ne sont ni plus ni moins confiantes en l’avenir que l’ensemble de la jeunesse française. En revanche, le sentiment de discrimination est deux fois plus marqué dans l’échantillon analysé, notamment chez les jeunes de confession musulmane ou d’origine étrangère.
Si le degré de politisation reste encore faible à cet âge et que la posture de défiance à l’égard de tout ce qui s’identifie au « système » est largement partagée, l’enquête identifie cependant « des signes de familiarité avec une culture de la protestation politique ». Ainsi, pour 20 % des lycéens de l’échantillon, en majorité des garçons, la violence politique trouver une justification, voire être une tentation.
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