Une équipe franco-saoudienne s’est penchée sur les billets afin d’évaluer leur contamination. Aucun n’est épargné : tous les biffetons sont des nids à microbes.
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | | Par Pierre Barthélémy
Après avoir lu cette chronique, vous risquez de regarder de travers votre banquier – si ce n’était pas déjà le cas avant –, votre distributeur automatique de billets, votre tirelire ou encore votre porte-monnaie. Pourquoi ? Parce qu’ils représentent des bombes bactériologiques en puissance. La faute à l’argent qui, même s’il a été honnêtement gagné, est toujours de l’argent sale, biologiquement parlant.
Que le ou la paranoïaque, le ou la mysophobe, le ou la nosophobe qui sommeille en vous (vous ignoriez qu’il y avait autant de monde là-dedans) retracent mentalement le parcours de tout ce flouze, qui passe de paume pas très propre en pogne pas lavée, d’un portefeuille glissé près d’une aisselle à une poche de pantalon, du tiroir-caisse du proctologue à celui du tripier, avant de finir dans votre main…
« Vecteur passif de contagion », c’est la terminologie officielle pour désigner ces objets dont la surface est contaminée par des pathogènes. Et c’est aussi ce qu’est le pognon, du moindre billon au plus gros biffeton, si l’on en croit une étude franco-saoudienne publiée en 2014 par la revue Future Microbiology. Ses auteurs y ont fait la synthèse de toute la littérature biomédicale consacrée à la capacité des espèces (au sens monétaire du terme) à prendre des microbes en stop. Signalons au passage que la question n’est pas nouvelle, car le texte mentionne une étude de 1924 intitulée « Papier-monnaie sale ».
100 bactéries par centimètre carré
Plongeons dans l’analyse du pèze et disons d’emblée que rien n’est épargné : même si le cuivre, souvent présent dans les pièces, limite le nombre des micro-organismes, même si les billets en polymères (utilisés en Australie et en Nouvelle-Zélande) sont plus « hygiéniques » que ceux faits en papier, la science montre que l’argent finit toujours par être contaminé. La palme du cradoque revient toutefois au bon vieux billet de banque en papier : il existe des variations suivant les pays, mais, parmi les exemples cités dans l’étude, on ne descend jamais sous la barre des 80 % de « tickets » souillés, avec un beau 100 % de réussite pour les billets ghanéens analysés.
Le nombre de 100 bactéries par centimètre carré n’est pas rare, mais le record en la matière revient à certains billets birmans, pour lesquels, sur la même surface, on avait quelque 10 millions de bactéries, dont beaucoup d’origine fécale, à se demander si certains ne prennent pas le papier-monnaie pour du papier toilette.
Que trouve-t-on dans ce bestiaire ? Sur les 17 pays et grandes régions du monde auscultés (de l’Europe aux Etats-Unis en passant notamment par l’Inde, la Chine, le Nigeria ou le Canada), pour ainsi dire tout y passe : la célèbre bactérie intestinale Escherichia coli, le staphylocoque doré, des salmonelles, des streptocoques, des entérocoques, des champignons et vous reprendrez bien aussi des œufs de ténia ou d’ascaris. Au Bangladesh, on a même découvert la bactérie responsable du choléra sur des billets collectés chez des marchands de légumes, bouchers et poissonniers…
L’étude précise que la transmission de bactéries et de virus par le biais de l’argent est possible entre humains. Il est donc indispensable de se laver les mains après en avoir touché, surtout si l’on vous a rémunéré pour préparer à manger ou soigner une carie. Les lecteurs qui, par souci d’hygiène, voudraient passer illico presto à la technologie du paiement sans contact et se débarrasser définitivement de leur liquide peuvent l’adresser sous pli fermé à l’auteur de ces lignes, 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris.
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