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mardi 15 décembre 2015

C’est arrivé le 15 décembre 1915 Mort d’Aloys Alzheimer

Alain Létot
| 15.12.2015
Après des études de médecine à Tübingen, Berlin et Wurtzbourg, Aloys Alzheimer, né le 14 juin 1864, à Markbreit, petit village bavarois près de Würzburg, passe sa thèse de doctorat à Francfort-sur-le-Main en 1887. Elle est consacrée aux « glandes cérumineuses » et c'est l'occasion pour Alzheimer de réaliser ses premières plaques histologiques. L'année suivante, il est nommé médecin assistant à l'hôpital spécialisé des maladies mentales et épileptiques de Francfort et commence à faire des recherches sur la psychose et l'épilepsie, mais, surtout, sur les démences d'origine dégénérative ou vasculaire.

Alzheimer est bientôt rejoint, en mai 1889, par un autre passionné de neuropathologie, Franz Nissl, qui fait découvrir à Alzheimer les nouvelles techniques histologiques pour l'étude des pathologies nerveuses (coloration à l'aniline et imprégnations argentiques).

Le cas Auguste Deter

Aloïs Alzheimer se marie en 1895 mais sa femme meurt très vite en 1901 en lui laissant trois enfants. Cette même année 1901 Alzheimer examine pour la première fois Auguste Deter, une femme de 51 ans qui souffre de troubles de mémoire, du langage et d’autres troubles (désorientation, hallucinations…). Comme son état correspondait à la définition de ce que l’on appelait alors la démence, mais qu’elle était particulièrement jeune pour présenter ces symptômes, on lui diagnostiqua une « démence présénile ». Auguste D. décède le 8 avril 1906.


Comme le Dr Alzheimer n’avait jamais rencontré de cas semblable, il obtient de la famille la permission de pratiquer une autopsie sur sa patiente. Il demande donc qu'on lui envoie le cerveau de « sa » patiente à cette fin ainsi que le dossier médical de la malade qu'il va annoter méticuleusement. Celui-ci, très complet, se compose de trente-deux feuillets : fiche d'admission, attestation, tentative d'écriture par la patiente avec cette note « trouble de l'écriture d'origine mnésique », ainsi que les symptômes détaillés au cours des quatre premiers jours d'hospitalisation. On y lit : « Elle s'assoit sur son lit, l'air hébété. Quel est votre nom? Auguste. Votre nom de famille? Auguste. Quel est le nom de votre mari? Auguste, je crois. Votre mari? Ah, mon mari. Elle semble ne pas comprendre la question. Êtes-vous mariée? À Auguste. Madame D.? Oui, Oui, Auguste D. […] Quand on lui montre des objets, elle ne se souvient pas, après un court instant, ce qu'elle a vu. Entre-temps, elle parle continuellement de jumeaux. Quand on lui demande d'écrire, elle tient le livre de telle façon qu'on a l'impression qu'elle a perdu une partie du champ visuel droit […] Désordre de l'écriture d'origine amnésique. Dans la soirée, son discours spontané est plein de déraillements paraphrastiques et de persévérations. »

En pratiquant l’autopsie d’Auguste Deter, Alzheimer constate d’abord une grande atrophie de son cerveau, particulièrement au niveau du cortex, cette fine couche extérieure de matière grise impliquée dans la mémoire, le langage, le jugement et la pensée en général. Poursuivant son examen au microscope, il utilise la technique d’imprégnation argentique pour colorer ses fines tranches de tissu cérébral. Deux types de dépôts anormaux apparaissent alors à l’intérieur et entre les cellules nerveuses. Ces dépôts étaient déjà connus à l’époque, mais c’est la première fois qu’Alzheimer les observait chez une personne aussi jeune.

Le 4 novembre 1906, lors de la 37e Conférence des psychiatres allemands à Tübingen, en Allemagne, Alois Alzheimer décrit pour la première fois la « maladie particulière du cortex cérébral » de sa patiente Auguste D. La publication écrite de cette présentation suit en 1907, mais c’est seulement en 1911 qu’Alzheimer va publier un article plus détaillé sur l’interprétation de ses observations. Il y relate entre autres le cas de Johann F., un autre patient atteint de ce qu’il était convenu désormais d’appeler la « maladie d’Alzheimer ». Le fait de dénommer la maladie ainsi ne venait pas d’Alzheimer mais d’Emil Kraepelin, son patron au laboratoire de Munich qui l’avait recruté quelques années plus tôt. Considéré par plusieurs comme le fondateur de la psychiatrie scientifique, Krapelin inclut la description du cas d’Auguste Deter dans la huitième édition de son livre « Psychiatrie » publié en 1910.

Bientôt, de plus en plus de cas semblables à ceux d’Auguste Deter et Johann F. furent bientôt rapportés. Le cas de Johann F. est particulièrement intéressant puisque ses problèmes de mémoire, associés à des troubles du langage et du mouvement étaient apparus alors qu’il n’avait que 54 ans. Contrairement à Auguste Deter cependant, l’autopsie de son cerveau révéla bien la présence des dépôts à l’extérieur des cellules nerveuses (aujourd’hui appelés « plaques amyloïdes »), mais pas des dépôts à l’intérieur de celles-ci (les « dégénérescences neurofibrillaires »).

Une mort prématurée

En 1912, Alzheimer est nommé directeur de la clinique psychiatrique de l'université Freidreich-Wilhelm de Breslau (aujourd'hui Wroclaw, en Pologne). Mais alors qu'il est au sommet de sa carrière, le neuropsychiatre meurt prématurément le 15 décembre 1915, à Breslau, à l'âge de 51 ans, des suites des complications rénales et cardiaques d'un rhumatisme articulaire aigu. Après la mort d'Alzheimer il reviendra encore au Pr Emil Kraepelin, dans son renommé « Traité de Psychiatrie » d'individualiser la « maladie d'Alzheimer ». Il s'agit pour lui d'une « démence du sujet jeune, rare et dégénérative », laissant au terme de « démence sénile », les démences vasculaires du sujet âgé.

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