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jeudi 14 mai 2015

Si " Le Généraliste " était paru en mai 1909 Dépopulation et folie

15.05.2015


" Un aliéniste de Nantes vient de faire des constatations qui ne sont rien moins que navrantes. En comparant les tableaux qui indiquent les diagnostics portés sur les malades entrés dans son service en 1906 et 1907, le Dr Biaute a relevé, dans cette dernière année, une diminution de la paralysie générale, mais une augmentation notable des folies névrosiques et toxiques.

L'intoxication alcoolique a été 59 fois la cause de désordres cérébraux de diverse nature ; elle entre, pour un sixième, dans l'étiologie des maladies mentales.

L'hérédité a aussi démontré son influence fâcheuse et incontestable dans un plus grand nombre de cas qu'en 1906.

Une autre statistique fournit la preuve de la progression constante de l'aliénation mentale. "

" A l'heure actuelle, il y a diminution de la résistance cérébrale et de la puissance de reproduction "

"Si l'on note, d'autre part, que la population dans notre pays, décroît progressivement, on en conclura, avec le spécialiste nantais, que " l'atavisme vésanique et nerveux produit la déchéance des générations successives, tant au point de vue physique qu'au point de vue intellectuel et entraîne l'extinction des familles par mort prématurée, impossibilité de contracter mariage, ou par stérilité. Il ne faut donc pas admettre que la dépopulation est aussi volontaire que certains le disent. La cause est plus grave et tient à une dégénérescence générale, à une décrépitude de la race par la transmission des psychopathies et des névropathies par l'alcoolisme, dont les effets progressivement nocifs sur la descendance intéressent plus particulièrement notre étude. A l'heure actuelle, il y a diminution de la résistance cérébrale et de la puissance de reproduction, c'est-à-dire altération évidente des attributs nécessaires pour les exigences de la vie sociale et pour la fécondité des mariages ".


Le mal n'est, du reste, pas nouveau comme le rappelle notre très distingué confrère : tous les grands peuples, tous ceux qui ont vu la civilisation arriver chez eux au plus haut degré, ont traversé des périodes aussi critiques. Déja Horace (ode VI du livre III) jetait le cri d'alarme à ses compatriotes : il les avertissait des funestes conséquences des mariages mal assortis ou consanguins ; il leur dénonçait l'horreur des vices de toutes espèces, orgies de la table, vile ivrognerie, débauche et luxure des sens ; il leur faisait entrevoir combien il y avait en tout cela de dangers pour eux-mêmes et pour l'avenir de la patrie ; il leur exposait le sombre tableau des causes dégénératives qui perdent les individus et les peuples, les fautes du père rejaillissant sur les fils et les petits-fils. Il les adjurait, enfin, de revenir à la vie de famille si simple, à l'austérité des moeurs de leurs ancêtres, de retrouver les nobles vertus civiques et militaires des anciens Romains qui avaient fait la République si grande et si glorieuse.

Certains, dit encore le Dr Biaute, admettent la dégénérescence comme fatale et tous les efforts sont alors impuissants pour en arrêter le cours et la dépopulation qui en est la conséquence ; d'autres, hélas, disent la dégénérescence nécessaire dans certaines circonstances de la vie d'un peuple. Pour ceux-ci, le retour à l'état normal ne peut être espéré et obtenu que par la disparition rapide des dégénérés, c'est-à-dire par la dépopulation et ce serait un mal que de l'enrayer.

Nietzsche, en Allemagne, M. Remy de Gourmont, chez nous, ont soutenu cette dernière thèse. Celui-ci a raillé les idées généreuses d'assistance et de lutte contre toutes les misères physiques et morales. " Autrefois, a-t-il dit, on faisait disparaître les faibles. A Sparte, on jetait aux Apothètes, gouffre voisin du Taygète, les enfants infirmes et contrefaits, comme à Athènes on y jetait les criminels ; de nos jours, on ne s'attache qu'à les sauver ; ainsi le veut l'humanitarisme. Mais les faibles, les soufreteux, les alcooliques, les aliénés qui ont conscience de leur devoir qui est de ne pas exister, se suppriment eux-mêmes, qui par le réchaud, qui par l'eau, qui par le revolver, qui par la pendaison, qui par la précipitation d'une tour d'église ou d'une colonne monumentale. Ils sont dans le vrai et très correctement sociaux en ne restant pas à la charge de la charité publique, en s'arrêtant de faire souche de familles malheureuses, et finalement infécondes. Ils font ce que la société devrait faire, ils réparent ses erreurs. Ils sont les meilleurs citoyens du monde ! "

A ces théories, notre aliéniste, que les arguments d'un délicieux ironiste déconcertent plus que de raison, oppose toutes les oeuvres d'assistance, de préservation, de régénération, que nos temps ont vu naître et se développer de plus en plus. Il reconnaît, sans doute, qu'elles sont trop souvent inefficaces ; mais elles répondent, au moins, au noble sentiment de solidarité humaine qui caractérise notre époque. "

(La Chronique médicale, 1909)

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