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jeudi 5 mars 2015

Dans la peau d’un explorateur du cerveau

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO |  | Par 


Quelle drôle de salle d’attente que celle du docteur Steven Laureys ! Depuis une quinzaine d’années, ce neurologue et chercheur belge reçoit dans son service au CHU de Liège des hommes et des femmes du monde entier qui n’ont jamais vraiment récupéré après un coma, et dont il évalue le degré de conscience.







Ses collègues lui envoient aussi des cas énigmatiques, comme celui de ce quadragénaire en pleine forme qui lui a assuré : « Docteur, je suis mort, je suis cérébralement mort. » En étudiant son activité cérébrale grâce à un examen par PET-scan au glucose, Steven Laureys a mis en évidence de troublantes anomalies. « Son réseau de la conscience de soi faisait apparaître une consommation énergétique très réduite », écrit-il dans un ouvrage passionnant qui vient d’être traduit en français, Un si brillant cerveau. L’homme était en fait atteint d’un syndrome de Cotard, une pathologie rare où les individus s’imaginent qu’ils sont morts, ou que leurs organes le sont.

Alliant ouverture d’esprit et rigueur scientifique, le docteur Laureys s’intéresse aussi au cerveau des « rêveurs lucides », des personnes qui ont vécu une expérience de mort imminente, et même des astronautes. Dans le cadre d’un projet avec l’Agence spatiale européenne, il analyse ainsi les IRM de ces voyageurs de l’espace, pour essayer de « cartographier ce qui se passe précisément dans leur cerveau afin de rendre possibles de longs vols vers Mars ».


Vulgarisateur talentueux


Grâce à des récits tirés de sa propre expérience ou de celle d’autres équipes, ce vulgarisateur talentueux invite ses lecteurs à un tour d’horizon complet et digeste des connaissances actuelles du fonctionnement du cerveau et des altérations de la conscience.
Il donne aussi à voir les coulisses, pas toujours glamour, du métier de chercheur : le temps infini passé à récolter des financements, rançon d’une bureaucratie européenne « kafkaïenne » ; les sacrifices familiaux ; les rivalités entre équipes…
Steven Laureys souligne notamment les écueils du système de relecture par les pairs des articles soumis à des revues scientifiques : les relecteurs connaissent le nom des auteurs dont ils doivent valider le travail, mais l’inverse n’est pas vrai. C’est ainsi que son équipe n’a pas réussi à publier un travail pourtant novateur dans les revues les plus prestigieuses. A posteriori, Steven Laureys apprit que l’article avait été écarté par des collègues qui menaient le même type de recherches et voulaient être les premiers.

Très engagé dans les réflexions sur la fin de vie – il est amené à prendre des décisions d’euthanasie (que la loi belge autorise depuis 2002) –, le docteur Laureys invite chacun à réfléchir sur ce qu’il souhaite faire en cas de coma irréversible ou de mort cérébrale, et à faire connaître ses intentions. « Vous simplifierez ainsi la vie de votre famille », écrit-il. Sans compter les sept vies que le don d’organes peut potentiellement sauver.

Un si brillant cerveau. Les états limites de conscience, de Steven Laureys (Odile Jacob, 294 pages


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