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vendredi 9 janvier 2015

L’aide médicale à mourir, une nécessité

PHILIPPE BATAILLE SOCIOLOGUE, DIRECTEUR D’ÉTUDES À L’ECOLE DES HAUTES ÉTUDES EN SCIENCES SOCIALES (EHESS, PARIS, CADIS)

Le débat national sur la fin de vie des Français est toujours dans l’impasse. Les propositions faites au président de la République par les députés Alain Claeys et Jean Leonetti sur les directives anticipées et sur la sédation n’envisagent pas l’aide à mourir et elles ne tiennent pas compte des procès tenus en 2013. Celui autour de Vincent Lambert, qui est tétraplégique et inconscient depuis six ans (lire aussi pages 4 et 5 du 8 janvier). Et celui de l’urgentiste Nicolas Bonnemaison, accusé de sept assassinats par empoisonnement, qui fut acquitté le 2 juillet par la cour d’assises de Pau. Ces deux grandes affaires, qui intéressent les Français, montrent les nécessités de l’aide à mourir.
L’acharnement thérapeutique dont Vincent Lambert est victime, depuis des années, consiste à l’alimenter et à l’hydrater. Artificielle depuis son accident de la route en 2008, sa vie a longtemps dépendu de l’indécision, ou de la décision, médicale de suspendre l’hydratation et l’alimentation. Seulement, sitôt saisie par les parents Lambert, qui s’opposent au Conseil d’Etat autorisant l’arrêt de tous les traitements dont il dépend pour vivre, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a suspendu le droit de surseoir à son existence avant qu’elle ne se prononce. Réduit à cet état, le tétraplégique pauci-relationnel (1) ne tire nul bénéfice des directives anticipées renforcées (le Conseil d’Etat avait validé le 24 juin celles simplement orales qu’il avait confiées à son épouse). Il peut, certes, tirer parti de la sédation profonde et continue, mais pour de nouveau mourir de faim et de soif. Quel regard la Cour européenne des droits de l’homme va-t-elle porter sur la législation française après son audience du 7 janvier ?
L’acquittement du docteur Nicolas Bonnemaison, par la cour d’assises de Pau en juin, a lui aussi été remis en cause par le parquet général qui a fait appel. Le médecin a, en outre, appris que la Cour de cassation de la section du contentieux du Conseil d’Etat a validé la décision par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins l’a radié définitivement.
Le cas Lambert montre aux Français les difficultés que la médecine française rencontre pour mettre fin à un authentique acharnement thérapeutique. Quant à l’affaire Bonnemaison, elle prouve qu’il est toujours difficile pour un soignant d’être entendu et défendu en rapport avec sa conscience médicale.
A rapprocher ces deux affaires, on voit que la médecine et le droit considèrent l’alimentation et l’hydratation artificielles du grand handicapé comme un traitement, alors que les soins palliatifs sont toujours moralement dus à l’être vulnérable qui agonise, en dépit du bon sens médical d’un urgentiste qui sait que les unités de soins palliatifs (USP) n’accueillent pas en leurs lits l’arrivée à la fin de l’agonie, pas même d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou de gériatrie. Ceux-là meurent bel et bien dans des activités d’urgence.

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