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jeudi 8 janvier 2015

Bilan médical 2014 Le défi des maladies émergentes

31.12.2014


Ebola, coronavirus, chikungunya, etc. 2014 a été marquée par l’émergence de nouveaux risques infectieux. Mais au-delà de ces maladies virales inédites, d’autres pathologies montent en puissance liées à la pollution, au contexte économique ou encore aux évolutions de la société. 

« Les maladies infectieuses ne disparaîtront jamais. Il en naîtra toujours de nouvelles; il en disparaîtra lentement quelques unes ; celles qui subsisteront ne se montreront plus sous la forme que nous connaissons aujourd’hui… » Dans un livre publié dans les années 30, le microbiologiste Charles Nicolle avait déjà pronostiqué l’émergence ou la résurgence de certaines pathologies infectieuses.

Les nouvelles menaces infectieuses

Près d’un siècle plus tard, les années écoulées lui ont donné raison avec, coup sur coup, plusieurs menaces infectieuses inédites du Mers Cov en Arabie Saoudite à Ebola en Afrique de l’Ouest en passant par la dengue ou le chikungunya aux Antilles. Si, pour le moment, ces pathologies ont peu impacté le quotidien de tous les médecins, elles auront contribué à modéliser leur pratique, en les préparant au pire. Qui désormais ne saura pas appeler le 15 s’il suspecte une infection au virus Ebola ? Qui n’aura pas le réflexe de protéger la collectivité si un Mers-Cov pointe le bout de son nez ?


Tous ces coups de semonce auront aussi mis en exergue l’évolutivité des maladies rencontrées au fil du temps. De fait, comme le souligne le Dr Jean Claude Desenclos (directeur scientifique adjoint à la Direction générale de l’InVS), « le monde bouge, les risques évoluent, les comportements se modifient ». Et au final, la pathologie médicale n’est pas figée, se modifiant en fonction du contexte environnemental, économique ou encore social. Avec ces derniers temps semble-t-il, une accélération du phénomène et l’apparition, la résurgence ou la montée en charge de plusieurs maladies « émergentes » ou « résurgentes » du quotidien moins spectaculaires qu’Ebola ou le Mers Cov mais sûrement plus à même de modifier la pratique médicale.

Par exemple, sur le plan infectieux, « au-delà des nouvelles infections virales dont on a beaucoup parlé, on entrevoit quelque chose de potentiellement beaucoup plus préoccupant, que sont les bactéries multirésistantes », indique le Pr François Bricaire (hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris). Avec selon l’InVs, une très forte augmentation d’entérobactéries BLSE (+309 % depuis 2002). « Ces bactéries existent et posent des problèmes certes à l’hôpital mais aussi en communautaire, avec souvent un portage intestinal qui passe inaperçu », indique l’infectiologue. Tout en soulignant que « si les prescriptions d’antibiotiques inadaptées peuvent être en cause, c’est aussi leur usage massif chez les animaux qui est à incriminer ».

Concernant la tuberculose multirésistante, les choses pourraient en revanche être moins alarmantes qu’annoncées. Dans un BEH publié en juin 2014, l’InVS montre certes que le nombre de souches multirésistantes a augmenté en 2011 et 2012 mais cette évolution concerne essentiellement des cas « importés » notamment de pays de l’ex-URSS. Et même la tuberculose commune tend à régresser, contrairement aux idées reçues.

Le retour de la gale

En revanche la gale a effectué un retour en force, avec notamment plusieurs épidémies signalées en Ephad. Déjà en 2011, un rapport de l’Invs pointait « des données de consommation médicamenteuse et l'accumulation d’informations quantitatives et qualitatives en faveur d’une augmentation de l’incidence de la gale en France ». La tendance s’est confirmée cette année, tandis que l’Ansm fin novembre lançait une mise à disposition exceptionnelle d’un nouvel antiparasitaire importé d’Allemagne en remplacement de l’Ascabiol en rupture d’approvisionnement. L’absence de traitement efficace pourrait expliquer en partie cette persistance de la gale en population générale. Quant à comprendre les raisons de son installation, la précarité croissante souvent mise en avant, semble en fait ici peu impliquée.

Pathologies de crise

En revanche, s’il n’existe pas réellement de pathologies de la pauvreté, la crise économique pourrait avoir contribué à la montée en chargee de plusieurs maladies. Avec notamment un impact de plus en plus suspecté sur la santé mentale. Récemment, le magazine « The Economist » organisait un colloque intitulé « The global crisis of dépression », preuve que le lien entre dépression économique et dépression psychique interpelle de plus en plus. Dans le même temps, l’observatoire des suicides pointait l’effet du contexte économique sur le risque suicidaire. Selon ce document, « sur la période très récente, plusieurs études suggèrent que la crise financière de 2008 se serait traduite par une hausse des suicides et par une dégradation de la santé mentale pour les hommes en âge de travailler dans la plupart des pays concernés, les femmes étant moins affectées ».

Plus généralement, « on sait qu’il existe des inégalités sociales de santé avec des écarts de mortalité et de mortalité prématurée importants entre les catégories sociales et cet écart tend à s’accroître de plus en plus », indique le Dr Désenclos. 

À tel point que cette année, le Collège de la Médecine Générale invite désormais les généralistes à renseigner de façon systématique le dossier des patients sur leur situation sociale.

Un mal-être croissant au travail

Si le chômage peut rendre malade, le travail peut aussi être délétère et l’évolution récente des conditions de travail a sûrement participé à l’explosion des troubles psychosociaux. Inconnu il y a 30 ans, le burn-out est désormais entré dans le langage commun et validé par l’OMS. Et récemment, une trentaine de députés – parmi lesquels un généraliste – demandait même qu’il soit désormais reconnu comme maladie professionnelle à part entière. Preuve là encore que le phénomène devient de plus en plus pregnant. Même si « l’existence du burn-out en tant qu’entité à part entière fait encore débat au sein de la communauté scientifique », certains auteurs le considèrant comme une forme de dépression. 

Autre entité « montante », les TMS « sont en forte augmentation », indique le Dr Désenclos et représentent aujourd'hui « l'une des questions les plus préoccupantes en santé au travail » selon l’InVS.

De nouvelles pathologies environnementales ?

Par ailleurs, l’exposition croissante de la population à certains polluants pourrait bien expliquer la montée en puissance de certaines pathologies allergiques ou respiratoires, voire, pour certains, l’émergence de nouvelles pathologies. 

Récemment quelques politiques et une poignée de médecins appelaient à la mobilisation générale pour une meilleure prévention et prise en charge des pathologies environnementales émergentes (fibromyalgie, syndrome de fatigue chronique, hypersensibilité chimique multiple, électrohypersensibilité) qui toucheraient selon eux au moins 5 % de la population. Mais ces syndromes « sont des entités relativement récentes qui restent mal définies et pour lesquelles il est très difficile de prendre des mesures », indique le Dr Désenclos. 

Et pour le moment rien n’est établi.
Une chose est sûre, en revanche, la pollution pousse de plus en plus de patients vers les cabinets médicaux. Dans une étude d’Airparif réalisée en Ile-de-France, près de 30% des sujets interrogés disaient avoir consulté pour ce motif de consultation.

Si, globalement, ces pathologies qui émergent et qui font la une des médias, le buzz sur Internet ou génèrent des frayeurs chez les Français, ne bouleversent pas au final le palmarès des motifs de consultation en médecine générale, il faut cependant en retenir les effets positifs. Les pathologies infectieuses émergentes ont remis sur le devant de la scène des pratiques hygiénistes oubliées. Le retour de la gale a imposé au médecin de revoir sa démarche sémiologique : d’une étiologie d’élimination, cette parasitose est passée aux premiers rangs des causes à explorer devant un prurit. Tandis que l’impact de la crise ne permet plus d’ignorer les conditions sociales de son patient qui, plus que jamais, doit être considéré dans sa « globalité ». Définitivement, rien n’est acquis.

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