Jean-Pierre Rosenczweig président du tribunal pour Enfants de Bobigny
Comme quasiment tous les magistrats, le juge des enfants ne travaille pas qu’avec ses codes . Ainsi pour transformer les situations il lui faut prendre en compte les personnes, leur psyché, leurs états d’âme, leurs troubles. Pour venir en aide aux enfants, mais encore aux parents, il lui notamment mobiliser les compétences psychiatriques. Or force est déjà de constater que la pédopsychiatrie est en crise. Comme le constatait la majorité des présidents de conseils généraux réunis le mardi 12 novembre dernier par la ministre Laurence Rossignol dans le cadre de la concertation lancée pour rénover la protection de l’enfance elle est en voie de disparition dans ce pays.
Mais il y a tout aussi grave, sinon plus : l’expertise psychiatrique elle–même est en crise. Privée de cette grille d’analyse la justice risque d’être renvoyé à interroger seulement les actes ? Personne n’y gagnera. Ce cri d’alerte s’imposait. Puisse-t-il être entendu par les pouvoirs public, mais aussi par la profession et les faire réagir alors qu’il est encore temps.
Je crois opportun de laisser la parole à deux experts de l’expertise les drs Daniel Zagury et Jean Louis Senon sur cette terre d’accueil qu’est ce blog. (1)
Tous deux engagés dans la psychiatrie légale depuis une trentaine d’années, nous ressentons le devoir de tirer la sonnette d’alarme face à une situation qui se dégrade à vue d’œil. Nous ne désignons pas du doigt des hommes, dans une posture de saint Just, mais un système qui encourage les pratiques les plus médiocres. Rien de ce que nous dénonçons ici n’est radicalement nouveau, mais c’est l’amplification de certaines évolutions sur fond de désagrégation de la pratique médico-légale, qui appelle un ensemble de réactions urgentes. C’est d’autant plus crucial que cette décomposition coexiste avec un regain d’intérêt et de curiosité pour la clinique médico-légale chez les plus jeunes. Ils en ont compris l’importance mais ne savent pas encore à quel point cet exercice est ingrat, aujourd’hui à la limite de l’impossible. Nous vivons une curieuse époque où le meilleur côtoie le pire et ce qui est tragique, c’est que toutes les conditions sont réunies pour consacrer le pire. Soucieux de transmission, nous sommes donc porteurs d’une lourde responsabilité.
Oui, nous avons constamment défendu la pratique de l’expertise à une époque où il était de bon ton de la regarder avec condescendance et mépris.
Oui, nous avons œuvré, avec d’autres, pour sa reconsidération. En 2007, l’audition publique sur l’expertise pénale coordonnée par la HAS1, depuis régulièrement citée, est venue consacrer la nécessité d’une clarification, accompagnée de recommandations de bonnes pratiques. Elle constatait que l’expertise « remplit de moins en moins le rôle de filtre visant à repérer les malades afin de leur donner des soins ». Elle préconisait notamment de ne pas se prononcer sur la responsabilité dans les expertises en réquisition immédiates et surtout « d’éviter de prévoir de nouveaux cas réglementaires ou législatifs de recours à l’expertise psychiatrique pénale ».
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