Si certains sujets abordés dans la presse spécialisée reviennent périodiquement, d’autres thèmes sont au contraire très rarement abordés. Aussi est-ce un témoignage exceptionnel que nous livre The British Journal of Psychiatry, sous la plume d’un psychiatre passé soudain, comme il dit, « de l’autre côté de la barrière », comprenons par là qu’il s’est retrouvé hospitalisé en psychiatrie, « dans un service où il exerçait. »
Il précise avoir éprouvé « suite à un événement traumatisant, des idées délirantes de persécution, convaincu que sa vie était en danger. » Durant cette sinistre « descente dans la psychose paranoïaque », ce médecin s’est retrouvé alors un malade parmi ses propres malades, vivant alors « son pire cauchemar » : il n’était plus « le docteur », mais devenait « leur égal. » Il se souvient de « sa gêne d’être là » et se remémore l’«embarras » analogue de ses collègues, « inscrit sur leur visage. » Vivant alors de l’intérieur la même épreuve que ses patients, il explique avoir trouvé une ressource supplémentaire, pour contrer sa souffrance, dans la volonté de vouloir « s’éloigner de ses malades pour se rassurer qu’il n’était pas l’un d’entre eux », précisément. Mais «hélas, il l’était, aussi perturbé, mais tout aussi humain, et vulnérable pour la maladie mentale. »
De cette douloureuse expérience, ce psychiatre en tire notamment une leçon pour combattre la stigmatisation, car il en arriva même à « s’auto-stigmatiser » en partageant les « attitudes négatives exprimées sur la maladie mentale » puis, une fois l’épisode aigu passé, en conservant un « sentiment de honte et de culpabilité. » Il note que son psychiatre a « tenté de minimiser la qualification psychotique et la gravité » de sa maladie, peut-être pour « prévenir la discrimination à l’encontre d’un médecin avec un antécédent psychiatrique. »
Alors, doit-il cacher cette incursion dans la maladie mentale (comme certains le lui conseillent, pour préserver sa carrière) ou à l’inverse témoigner ? Le Dr Tagore a choisi de « partager son expérience de la psychose », car le combat contre la stigmatisation subie par les patients « ne signifie rien, tant qu’on ne met pas ses actes en accord avec ses paroles. » Il souhaite que sa volonté de transparence soit considérée comme « un engagement personnel pour la cause de la déstigmatisation de la maladie mentale. » Et, pour son avenir professionnel, il espère que cette expérience puisse « l’aider à devenir un meilleur psychiatre. » Un métier dont il est fier, car les professionnels s’efforcent de « traiter les patients avec compassion, empathie et humanité. »
Dr Alain Cohen
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