Depuis Montaigne et ses pages sur sa «maladie de la pierre» (calculs rénaux avec coliques néphrétiques), l’autopathographie est une spécialité française. Auto-patho-graphie : genre littéraire qui consiste à décrire de l’intérieur les affres de la maladie. Songez à Jacques Audiberti notant les progrès de son cancer de l’intestin dans Dimanche m’attend. A Matthieu Galey enregistrant dans son Journal l’avancée de sa sclérose latérale amyotrophique. A Annie Ernaux faisant face au cancer du sein. A Hervé Guibert, bien sûr, vivant-écrivant son sida. A deux ou trois auteurs très contemporains nous entretenant de leur cancer de la prostate de manière quasi entomologique. A cent autres.
La France est la première destination touristique mondiale, ce dont nous nous félicitons. C’est aussi le pays qui sait le mieux transformer la pathologie en littérature, ce dont nous nous félicitons encore plus. Cette remarquable aptitude est reconnue par la planète entière puisque les 21 et 22 novembre se tiendra à la Queen’s University de Belfast un colloque intitulé «French Autopathography: Disability, Disease and Disorders from First-Person Perspectives». Oui, c’est bien un art français, mais il reste à disséquer. Pour nourrir leurs deux journées de paix, de littérature et de paracétamol, les organisateurs du colloque ont lancé un appel à contribution pas piqué des hannetons. «Coïncidant avec l’essor du nombre de cas de cancer et de sida à partir des années 80, la multiplication des récits de maladies ou d’invalidité par les patients eux-mêmes a fourni des perspectives nouvelles qui viennent en renfort de la littérature médicale traditionnelle et des récits à la troisième personne»est le début du texte. La suite appelle les chercheurs à réfléchir autour de thèmes comme Caractères structuraux et idéologiques de l’autopathographie francophone, et autre Langue française et douleur (ici, nous précise-t-on, il ne faudra pas oublier l’observation d’Elaine Scarry selon laquelle «la douleur physique ne fait pas que résister au langage, elle le détruit»).
L’autopathographie française a une grande qualité : elle évite de faire du pathétique avec du pathologique.
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