De plus en plus nombreux, de plus en plus jeunes… et de plus en plus sollicités, les grands-parents revendiquent leur place.
D’accord, y a quand même peu de chance de voir des grands-parents escalader des grues pour réclamer un statut ou des droits de visite, comme le souligne avec facétie Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie. Mais gaffe quand même, les pépés et les mémés d’aujourd’hui ne sentent pas la naphtaline. Selon le dernier relevé de l’Insee publié le mois dernier, les femmes deviennent grand-mère pour la première fois à 54 ans, et les hommes grand-père à 56 ans. Pas un âge de croulant. Surtout, ils sont de plus en plus nombreux : 15,1 millions de Français (8,9 millions de grands-mères et 6,2 grands-pères) sont désormais grands-parents, contre 12,6 millions en 1999.Autant parler d’une force avec laquelle il faut compter. Voilà l’esprit du colloque qui se tiendra demain à Paris sous la bannière du ministère aux Personnes âgées et de l’Ecole des grands-parents européens (EGPE), association d’aide et de dialogue qui fêtera bientôt ses 20 années de vieux et loyaux services. Au programme, des débats sur l’identité et le rôle de cette foule de papys-mamys (avec des juristes, des sociologues), histoire de mieux reconnaître leur place et surtout d’encourager la «GPA». Non, pas la sulfureuse Gestation pour autrui, mais la Grand-parentalité active. Encore un bien joli concept. Mais comment faire ? Voici trois pistes.
À quand un congé grand-parental ?
«Après des années de silence, il est grand temps de faire émerger des chiffres sur le rôle clé des grands-parents», expose Armelle Le Bigot Macaux, présidente de l’EGPE. Leur poids, selon une note du Centre d’analyse stratégique, est énorme : ils assurent 23 millions d’heures de garde hebdomadaires. Un volume horaire équivalent à ce que réalisent les assistantes maternelles. Soit un sérieux complément aux modes de garde collectifs. Comme se plaît à badiner Michèle Delaunay : «Imagine-t-on une grève des grands-parents ? Rien ne marcherait plus.»Problème, nombre de ces grands-parents sont toujours actifs (environ 30% des 55-59 ans). D’où cette idée de la ministre : pourquoi ne pas envisager une sorte de congé grand-parental ? Alstom s’y est mis. L’entreprise Rhodia aussi qui propose un quatre-cinquième ouvert à tous les salariés de plus de 50 ans. La contrepartie ? Le salarié s’engage à prolonger son activité professionnelle d’une durée équivalente au temps passé en congé grand-parental, au-delà de la date prévue pour son départ en retraite. Autre suggestion : permettre aux grands-parents d’inscrire leurs petits-enfants dans la crèche de leur entreprise (lorsqu’elle existe). Bref, l’idée est là de faciliter la conciliation entre vie grand-parentale et vie professionnelle. Mais mamy sera-t-elle en première ligne comme l’est souvent la mère ?
À quand un papy Nova ?
Avant, bon papa en retraite racontait sa guerre à ses petits enfants, pendant que bonne maman leur faisait des desserts comme Mamie Nova. Stop. D’abord, les études de genre n’ont pas encore fourré leur nez dans la grand-parentalité et il est difficile de savoir précisément qui est l’ascendant le plus actif (même si on suppute fort que c’est mamy). Ensuite, comme le souligne le sociologue François de Singly (grand-père qui se fait appeler «Nono»), «la grand-parentalité n’est plus autant associée à la retraite, au sentiment d’avoir achevé sa vie. Du coup tout change. Les relations avec les petits-enfants sont moins axées sur la transmission. On n’est plus exclusivement grand-père ou grand-mère. Et, souvent, les femmes qui ont des parcours plus heurtés accèdent à des postes à responsabilité à la cinquantaine, là où certains hommes qui ont démarré tambour battant peuvent se sentir essoufflés. On voit ainsi des grands-mères qui n’ont pas forcément envie d’être aussi "dévouées" que l’étaient leurs mères, alors que des grands-pères peuvent se rattraper de leur vie de père.» Le combat pour la grand-parentalité active pourrait-il rejoindre les militants de la parité avec papy en tête de cortège ? En attendant, il y a des grands-parents qui souffrent.
À quand un statut ?
Ils aident mais n’ont aucun droit. «Leur nom ne figure dans une aucune loi», se désole Armelle Le Bigot Macaux de l’EGPE. Et alors ? Eh bien si la loi du 4 mars 2002 sur l’autorité parentale stipule qu’«un enfant a le droit d’entretenir des relations personnelles avec ses ascendants» et que«seuls des motifs graves peuvent s’y opposer», l’ascendant grand-parent ne peut en retour rien exiger. C’est grave ? «Quand on s’éloigne du premier cercle des parents, on passe à quelque chose de plus électif, pose François de Singly. Au nom de quoi aurais-je des droits sur mes petits-enfants ? Comment réguler l’affection ? Ce serait un peu comme créer un droit de voir ses amis.» Certes. Mais sur les 500 appels reçus chaque année par la ligne d’écoute de l’EGPE, beaucoup se plaignent de ne plus voir leurs petits-enfants. Vont-ils se mettre à réclamer un statut (comme les beaux-parents) ? L’idée défendue tant par le ministère que par l’EGPE serait plutôt d’encourager la médiation, comme dans les divorces. Il faut dire que l’heure est grave, puisque certains vont désormais jusqu’à parler d’«aliénation grand parentale». Rien que ça.
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