La Grande Dépression de 1930 s’était accompagnée d’une vague de suicides. La crise russe du début des années 90, la crise asiatique de la fin des années 90, ont, elles aussi, été suivies d’une augmentation importante des taux de suicides. Qu’en est-il de celle de 2008, dont nous vivons aujourd’hui les conséquences ? Selon l’Organisation Internationale du Travail (OIT), 212 millions de personnes auraient perdu leur travail au cours de l’année 2009, une augmentation de 34 millions par rapport à 2007.
Cela a-t-il eu un impact sur l’évolution des courbes de suicides ? C’est ce que cherche à évaluer une étude réalisée dans 54 pays. Les auteurs ont relevé les taux de suicides répertoriés en 2009 et les ont comparés avec la tendance des courbes observée entre 2000 et 2007.
La crise de 2008 semble avoir eu en effet un réel impact sur l’incidence des suicides, puisque les auteurs dénombrent 4 900 suicides de plus que ce qui était attendu au vu de la tendance enregistrée les années précédentes. Mais ce constat doit toutefois être nuancé, car l’évolution n’est pas la même pour les hommes et les femmes. Les premiers semblent en effet plus touchés, avec une augmentation globale de 3,3 %, alors qu’il n’apparaît pas de modification du taux chez les femmes.
D’autres nuances doivent être apportées, puisque les variations du taux de suicide chez les hommes sont différentes selon l’âge, allant, chez les européens, d’une augmentation de 5,8 % chez les plus jeunes (15-24 ans) à 3,6 % chez les 45-64 ans et un taux stable chez les plus de 65 ans, alors que la plus grande augmentation sur le continent américain se retrouve chez les 45-64 ans (5,2 %).
L’amplitude des pertes d’emploi et du chômage semblent les éléments déterminants, et il faut souligner que les augmentations d’incidence de suicide les plus importantes se sont produites dans les pays où le niveau de l’emploi était déjà bas avant la crise. C’est par exemple le cas des pays nouvellement intégrés dans l’Europe, où l’augmentation du taux de suicide peut atteindre 13,3 % contre une augmentation de 6,4 % dans les pays de la « vieille Europe ».
Selon les auteurs, ce travail pourrait toutefois sous-estimer l’impact réel de la crise économique sur les suicides, car certains pays pourtant très touchés, comme l’Australie et l’Italie, ne sont pas inclus dans les données. Ils remarquent aussi que le nombre des suicides ne reflète qu’une petite partie des drames provoqués par la crise. Les tentatives de suicide notamment sont largement plus nombreuses, et, selon les estimations, pour chaque suicide comptabilisé, l’on peut estimer qu’environ 10 personnes ont éprouvé des idées suicidaires.
Dr Roseline Péluchon
Chang SS et coll. : Impact of 2008 global economic crisis on suicide: time trend study in 54 countries. BMJ 2013; 347: f5239. doi: 10.1136/bmj.f5239.
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