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vendredi 4 octobre 2013

Jacqueline de Chambrun, résistante, pédiatre, militante associative

Le Monde.fr | Par 

Jacqueline de Chambrun, années 1940
Jacqueline de Chambrun, années 1940 | D.R.

Jeune résistante, puis héroïne du maquis sous l'Occupation, Jacqueline de Chambrun était de l'espèce à "continuer le combat", sous des formes renouvelées et pacifiques, jusqu'à son dernier souffle. Et c'est bien ce qu'elle a fait en tant que pédiatre et militante associative. Elle est morte le 24 septembre à Marvejols (Lozère) à l'âge de 92 ans. "On ne gagne pas toujours, mais ce n'est pas parce qu'on ne gagne pas qu'on ne doit pas continuer encore. Ce qui est important, c'est que des valeurs ne soient pas perdues", disait-elle, entre deux intenses bouffées de cigarette blonde, dans le film qu'un de ses petits-fils, Axel Ramonet de Chambrun, lui a consacré en 2008 et qui n'est pas par hasard intitulé Sans jamais renoncer.
Jacqueline de Chambrun est née le 20 décembre 1920 à Casablanca (Maroc), où ses parents, Marthe et Henri Retourné, de condition modeste, sont venus s'établir. Son père est un rescapé des tranchées de 14-18, sa mère une couturière. Le couple, imprégné des valeurs de la"sociale", se sent en décalage avec la mentalité coloniale. A l'âge de 16 ans, Jacqueline manifeste en faveur des Républicains espagnols, dont elle vivra la défaite comme "un effondrement" en même temps qu'un catalyseur de sa conscience politique. En 1938, ses excellents résultats scolaires lui font obtenir une bourse d'études, en faculté de médecine, à Montpellier (Hérault). Après la défaite, d'abord absorbée par ses cours, elle reçoit son deuxième choc "fondateur" en se dressant contre l'antisémitisme dont étaient victimes, de la part d'une majorité des étudiants, trois de ses condisciples. Ayant échoué à rejoindre le Maroc, elle devient résidente d'un foyer protestant où fermente l'hostilité au nazisme et se fait remarquer par sa participation à "des trucs d'étudiants".
"LIEUTENANT NOËLLE"
Elle est recrutée en décembre 1942 par le réseau Combat et affectée au service social, chargé d'aider les familles des résistants. C'est dans ce cadre qu'elle rencontre son futur mari : Gilbert de Chambrun, jeune diplomate et chef régional de l'armée secrète. En juillet 1943, grâce à la solidarité d'autres résidents du foyer, l'étudiante réussit à s'enfuir quand la Gestapo vient l'arrêter. Après un passage à Paris, elle devient responsable du service social du réseau Combat à Marseille, puis à Lyon où, en janvier 1944, elle échappe encore aux coups de filets de l'occupant.
Sous le nom de "Lieutenant Noëlle", elle est incorporée comme médecin, au maquis du Mont Mouchet (Haute-Loire), le plus important de France après celui du Vercors. Après son écrasement en juin 1944 par les troupes allemandes, elle rejoint un autre maquis qui se consacre au sabotage des trains avant d'appuyer les troupes alliées dans la libération du sud de la France.
LES BORDS DU RHIN
En août 1944, elle défile à Montpellier dans les rangs des vainqueurs, mais terminera la guerre sur les bords du Rhin (elle refuse d'aller plus loin pour ne pas "occuper" à son tour), comme médecin dans le 81ème régiment d'infanterie, commandé par Gilbert de Chambrun. Elle se marie avec ce dernier – le couple aura quatre enfants – en 1945, l'année où il est élu député de la Lozère à l'Assemblée constituante. Il siègera dix ans au Palais-Bourbon, dans les rangs "Républicains et résistants", puis"Républicains progressistes" (une formation à mi-chemin entre les radicaux et les communistes).
Ce grand résistant sera aussi dans les années 1950 vice-président du Mouvement de la paix et longtemps, jusqu'en 1983, maire de Marvejols. Il est mort en 2010, à l'âge de 100 ans. A la fin des années cinquante, à 38 ans, Jacqueline de Chambrun décide de reprendre ses études de médecine et devient pédiatre. Toujours engagée à gauche mais jamais encartée ni inféodée, elle développe une conception militante de son métier.
"PORTEUSE DE LUMIÈRE"
Sous son impulsion est créé en 1968 le premier centre de protection maternelle et infantile (PMI) de Seine-Saint-Denis, dont elle sera le médecin responsable pendant dix-neuf ans. Liant prévention, éducation, soutien aux familles, elle en fait un modèle dans la profession. Très mobilisée sur le terrain des bidonvilles où se concentrent à l'époque les populations immigrées, elle milite aussi à partir des années 1970 en faveur de la contraception et de l'avortement et ouvre des consultations avec le Planning familial.
Le 28 février 1987, elle prend sa retraite de médecin. Le 1er mars, elle est déjà bénévole au Secours populaire français, dont elle deviendra administratrice. Cette organisation, à l'annonce de sa mort, a salué son parcours "porté par le courage, l'audace, les valeurs humaines les plus nobles et essentielles". Pour l'association des psychologues de la petite enfance et pour le syndicat des médecins de PMI, " les associations, les services pour l'enfance, les luttes des femmes perdent une porteuse de lumière".

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