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vendredi 4 octobre 2013

Des milliers de médecins cubains attendus au Brésil

LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 

Des médecins cubains lors d'une visite à des enfants indigènes, à Brasilia, le 6 septembre.
Des médecins cubains lors d'une visite à des enfants indigènes, à Brasilia, le 6 septembre. | REUTERS/© Ueslei Marcelino / Reuters

Sourires crispés et démarche hésitante, douze hommes et femmes d'Europe et d'Amérique latine parcourent les longs couloirs aseptisés d'un centre d'examens médical de Rio de Janeiro, précédés de quelques "huiles" locales et suivis par une armée de journalistes. Dans quelques heures, ce lundi 23 septembre, le petit groupe se dispersera aux quatre coins de la périphérie carioca.
Ils sont médecins et s'apprêtent à exercer dans le cadre du programme "mais médicos" ("plus de médecins"), la première réponse concrète de la présidente Dilma Rousseff à la fronde sociale qui a déferlé sur le Brésil en juin. Ici 12, dans l'Etat de Rio, 58 à Sao Paulo, 62 à Bahia, 72 en Amazonie : ils sont au total quelque 680 professionnels formés à l'étranger, dont 400 Cubains, chargés de constituer l'avant-garde médicale voulue par le gouvernement dans ces zones où les praticiens brésiliens refusent de s'installer – les lointaines banlieues des grandes villes et les régions les plus démunies. Une deuxième vague est prévue en novembre, à laquelle 2 000 médecins cubains et 150 étrangers prendront part, selon le ministère de la santé. Près de 1 000 Cubains supplémentaires débarqueront encore sur le sol brésilien d'ici à la fin de l'année.
Amaya Foces, 43 ans, est un docteur espagnol à la parole facile : "J'ai la formation qu'il faut pour aider les familles à pallier leurs carences." Après une expérience en Angleterre, elle s'apprête à intégrer le poste de santé d'Itaguai, cité-dortoir de 110 000 habitants, à l'ouest de la ville.

Michelle, elle, ira à Japeri, plus au nord, une commune encore plus excentrée et délaissée. A 28 ans, cette généraliste néerlandaise effectuait régulièrement des séjours au Brésil pour retrouver son compagnon. Le 7 juillet, lorsque la présidente a lancé son programme de recrutement, elle dit ne pas avoir hésité. Les tests de langue ont été une formalité. La "bourse" mensuelle de 10 000 reais (3 300 euros) sur trois ans, à laquelle s'ajoute la prise en charge du logement, a "constitué une véritable aubaine", souligne-t-elle.
UN SYSTÈME PUBLIC À BOUT DE SOUFFLE
L'intention exprimée par le gouvernement de faire venir des médecins étrangers remonte à début mai. Par la voix de son ministre des affaires étrangères d'alors, Antonio Patriota, il évoque le projet d'engager 6 000 médecins cubains. La levée de boucliers des instances médicales est immédiate. Elle a pour conséquence d'étaler au grand jour les carences d'un système public à bout de souffle.
Dénoncé par le conseil fédéral de médecine (CFM), le projet est jugé"électoraliste". Dans une lettre à la présidente, l'organisation dénonce l'arrivée "sans critères" de médecins, arguant que les problèmes "ne se limitent pas au manque de docteurs, mais à une gestion de l'ensemble".
Sentant le vent de la polémique, Brasilia finit par mettre en sourdine l'aspect cubain de l'affaire. "En Espagne, 20 000 professionnels de ce secteur sont à la recherche d'un emploi, soutient Alexandre Padilha, le ministre de la santé. Nous n'allons pas laisser passer cette occasion."
Sur le papier, le Brésil compte 331 000 médecins, 1,2 million d'infirmiers et aides-soignants, une capacité en principe quasi suffisante pour répondre aux besoins de la population. Toutefois, l'accès aux soins en zone rurale et dans le Nord et le Nord-Est reste très inégal. "En quinze ans, 15 000 "équipes" ont été créées alors qu'il en faudrait plus du double", a reconnu l'ex-ministre de la santé Adib Jatene. Pour Mario César Scheffer, professeur de médecine à l'université de Sao Paulo, "les mesures favorables au système privé se multiplient, alors que le sous-financement du système public est chronique". Un tiers de la population a aujourd'hui recours aux opérateurs privés.
CRITIQUES SUR LA RÉMUNÉRATION DES PRATICIENS
Après les manifestations de juin, le conflit avec les organisations de médecins s'est encore durci lors de la divulgation du système de paiement des praticiens cubains. Plusieurs médias affirment, sans être démentis, que sept dixièmes de la "bourse" mensuelle seraient directement versés aux autorités de l'île, le reste revenant au médecin. "La question n'est pas de savoir s'il faut plus de docteurs. Nous savons aussi que les Cubains sont bons. Non, la critique porte sur le financement négocié avec La Havane", souligne Paulo Madureiro, professeur de médecine à l'université d'Unicamp.
De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer une atteinte au droit international du travail. Le point culminant a sans doute été, en août, à Fortaleza, où des médecins cubains ont été accueillis au cri d'"esclaves". L'image du docteur Juan Melquiades, noir de peau, conspué par une haie de manifestants en blouse blanche suscita à son tour une vague d'indignation. Début septembre, l'envoyée spéciale du quotidien Folha de S. Paulo à La Havane rappelait combien une candidate au départ se réjouissait à l'idée de gagner près de quarante fois son salaire mensuel de 26 dollars.
Le 20 septembre, le CFM a adouci sa ligne et a accepté d'octroyer une autorisation "temporaire" d'exercer. En revanche, la moitié des conseils régionaux de médecine persistent dans leur volonté de boycottage, empêchant de nombreux médecins de commencer leur activité. Au niveau national, 3 511 villes ont réclamé des médecins, soit un total de plus de 15 000 praticiens.

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