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dimanche 18 novembre 2012

Neurologie : volte-face sur l'électrochoc


Les effets thérapeutiques de l'électroconvulsivothérapie reposent, au moins en partie,
sur des propriétés de neuroplasticité.
Les effets thérapeutiques de l'électroconvulsivothérapie reposent, au moins en partie, sur des propriétés de neuroplasticité. | Editions Solal

Les idées reçues ont la vie dure. Lancez la conversation sur les électrochocs autour de vous et vous obtiendrez immanquablement un flot de réactions négatives : association spontanée au film Vol au-dessus d'un nid de coucou avec Jack Nicholson (qui date de 1975, soit près de quatre décennies) ; image d'un traitement psychiatrique brutal, voire inhumain, en tout cas dépassé... Pourtant, un ouvrage collectif récent sur le sujet, L'Electroconvulsivothérapie. De l'historique à la pratique clinique : principes et applications (éditions Solal, 403 p., 45 euros), invite à en finir avec la réputation sulfureuse de cette technique, aussi appelée sismothérapie.
Coordonné par deux psychiatres, les docteurs David Szekely et Emmanuel Poulet, et rédigé par plus de cinquante contributeurs, ce livre de référence s'adresse avant tout à un public de professionnels. Mais il a le grand intérêt de montrer que les pratiques actuelles sont scientifiquement validées et correctement encadrées, du moins dans un pays comme la France. Plus étonnant, on réalise à travers les nombreuses références scientifiques citées que l'électroconvulsivothérapie fait toujours l'objet d'un champ intense de recherches pour préciser ses modes d'action, optimiser l'efficacité et réduire les effets secondaires, évaluer de nouvelles indications...
CRISE CONVULSIVE GÉNÉRALISÉE
Depuis la première expérience (réalisée en 1938 par deux médecins italiens, Ugo Cerletti et Lucio Bini, chez un homme schizophrène), le principe reste inchangé : il s'agit, en délivrant un courant électrique au moyen d'électrodes placées sur le crâne, de provoquer une crise convulsive généralisée. Les modalités ont en revanche beaucoup évolué, et le cadre réglementaire est précisément défini.
Ainsi, l'anesthésie générale est devenue systématique, tout comme l'information et le consentement écrit du patient ou dans certains cas de son représentant légal. Surtout, comme le soulignent le docteur René Benadhira et ses collègues de l'hôpital Ville-Evrard (Neuilly-sur-Marne) dans leur chapitre sur l'évolution de l'activité d'électroconvulsivothérapie dans le monde, elle est devenue "un traitement très technique, et c'est désormais sur ce terrain-là que le débat se situe" : type de courant utilisé, position des électrodes, rythme d'administration...
En France, comme dans la plupart des autres pays où elle est pratiquée, la sismothérapie est principalement proposée dans les troubles de l'humeur. "Malgré les progrès thérapeutiques récents (...), l'électroconvulsivothérapie (ECT) reste un traitement essentiel de la dépression. Sa place est unique dans les dépressions sévères, et l'ECT permet encore d'améliorer la survie du malade", écrivent Walid Choucha et Philippe Fossati, du service de psychiatrie adulte à l'hôpital la Pitié-Salpêtrière, à Paris.
EFFICACITÉ PARFOIS SPECTACULAIRE
"En urgence, dans les cas de dépression les plus graves avec un risque suicidaire majeur ou bien une opposition à l'alimentation ou à l'hydratation qui mettraient à court terme le pronostic vital en jeu, c'est un traitement qui doit être considéré en première intention, car il agit plus vite que les antidépresseurs", précise David Szekely, praticien au CHU de Grenoble. L'indication la plus fréquente reste toutefois la dépression multirésistante aux antidépresseurs. Dans les épisodes dépressifs majeurs, le taux de réponse à la sismothérapie est de 80 % à 90 %, alors qu'il est limité à 60 %-70 % avec les médicaments antidépresseurs, indiquent les docteurs Chocha et Fossati, en précisant que les dépressions des personnes âgées représenteraient plus d'un tiers des ECT en psychiatrie.
L'efficacité parfois spectaculaire de cette approche sur les symptômes dépressifs est aussi reconnue par les patients eux-mêmes, comme en témoignent des récits sur des blogs  ou lors d'émissions médicales (voir par exemple un documentaire sur le site de l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille). L'électroconvulsivothérapie est aussi une option thérapeutique dans d'autres maladies neuropsychiatriques, en particulier certaines formes de schizophrénie.
ABSENCE D'EFFETS DÉLÉTÈRES DES ÉLECTROCHOCS
Son mode d'action n'est pas encore totalement élucidé. Des études chez l'animal et chez l'homme, en particulier avec les nouvelles méthodes d'imagerie, suggèrent que les effets thérapeutiques reposent, au moins en partie, sur des propriétés de neuroplasticité. Une étude récente en IRM a ainsi montré que la sismothérapie induit une augmentation de volume de l'hippocampe structure cérébrale impliquée notamment dans la mémorisation. Les examens anatomiques en imagerie ont aussi permis de vérifier l'absence d'effets délétères des électrochocs sur l'encéphale. Pour autant, il est bien connu que cette thérapie peut entraîner des troubles cognitifs, principalement confusion juste après la séance et atteintes de la mémoire, des effets secondaires dont les patients doivent être avertis. Les auteurs soulignent toutefois que l'effet amnésiant persiste rarement au-delà de six mois, et qu'il peut être limité en adaptant les paramètres de stimulation.
Curieusement, les données d'activité des nombreux centres privés et publics pratiquant l'ECT en France restent méconnues. Selon la Caisse d'assurance-maladie, 21 124 séances ont été réalisées en France en 2011 dans des établissements privés. L'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) a de son côté enregistré 8 534 actes de sismothérapie en 2011 dans les hôpitaux publics, mais ces chiffres ne comprennent pas les séances réalisées dans les établissements spécialisés en psychiatrie, probablement les plus nombreuses.
En clair, il est actuellement impossible de savoir précisément combien de malades sont traités par sismothérapie dans l'Hexagone. Pour le docteur David Szekely, le manque de données est d'autant plus paradoxal que tous les centres pratiquant cette technique font l'objet d'une autorisation spécifique des agences régionales de santé. Avec l'Association française de psychiatrie biologique et neuropsychopharmacologie (AFPBN), le psychiatre envisage de réaliser une cartographie recensant tous ces centres et le nombre de patients traités.

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