Comment résister à la terreur ? Pour la sociologue Eva Illouz, le concept de « résilience » ne doit pas être utilisé pour faire accepter la violence de la société ultracompétitive.
LE MONDE | | Par Eva Illouz (Sociologue et directrice d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Paris))
R. B. est née en Tchécoslovaquie, en 1933. Elle avait 3 ans quand sa mère fut assassinée à coups de hache sous ses yeux. Peu après, son père fut jeté en prison, victime de l’antisémitisme d’alors, accusé d’un crime imaginaire. Il fut libéré, et se remaria avec une femme médecin dont la santé mentale était fragile. La nuit, elle réveillait fréquemment R. B. et menaçait en hurlant de tuer tout le monde.
En 1944, la Gestapo emmena ses deux parents. En dépit de son jeune âge, R. B. prit la charge de sa petite sœur et réussit à gagner le village où sa belle-mère avait l’habitude de soigner les paysans. Mais sa sœur tomba malade et, à la fin de la guerre, elle dut, avec un grand déchirement, se séparer d’elle, puisqu’une tante accueillait l’enfant en Hongrie. Peu après, le rideau de fer fut tiré. Elle ne revit jamais sa sœur bien-aimée. R. B. se maria et eut deux enfants.