Le nouveau numéro de Pulsations, la revue de l’hôpital cantonal de Genève, est actuellement disponible gratuitement dans les pharmacies. Il est consacré à la psychiatrie et préfacé par un éditorial de chef du département de santé mentale de cette institution, Panteleimon Giannakopoulos.
On se réjouit de le voir annoncer qu’un regard sur la psychiatrie nécessite un « regard pluriel » mais hélas, on ne trouve ce regard nulle part dans cette publication. Pourtant, dans cette même ville de Genève, Jean Starobinski vient de publier un ouvrage intitulé L’encre de la mélancolie qui va bien au-delà des considérations médicales sur les crises psychiques.
L’histoire et la littérature n’intéressent pas les psychiatres, tout occupés qu’ils sont à pianoter sur leurs ordinateurs pour, comme ils disent, explorer le cerveau par la « réalité virtuelle ». Pratique ce concept de réalité virtuelle ! Il permet de ne pas regarder la réalité directement, de ne pas porter un jugement sur elle et de faire un détour par la recherche scientifique.
Mais hélas, il y a pire. Référence est faite, dans Pulsations, au DSM, catalogue fouillé de toutes les maladies mentales. Lors de sa publication il y a quelques mois, des voix se sont élevées, celle de Boris Cyrulnik entre autres, psychiatre lui-même, pour dénoncer ce catalogue. Selon lui, il est destiné à satisfaire l’industrie pharmaceutique, et à convaincre tout le monde que nous sommes guettés ou déjà immergés dans ces maladies. Cette critique d’une approche de la maladie dont la guérison est étroitement liée à un marché, celui des grandes pharmas avec leur énorme production d’antidépresseurs, n’est même pas mentionnée dans Pulsations. Les seuls marchés ouvertement critiqués, aujourd’hui, sont les marchés financiers. Sur le marché des médicaments, silence chez nos grands spécialistes romands de la dépression ou, comme on disait autrefois, de la mélancolie !
Et il y a encore pire. Le DSM et les considérations sur la thérapie des maladies psychiques esquissent l’image d’une santé mentale à retrouver. Devant un individu dépressif, le psychiatre genevois pense que des scanners et des pilules remettraient le cerveau en marche, faisant ainsi disparaître les pathologies.