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jeudi 8 février 2024

Témoignage Parents stupéfiants : «Parfois ma fille me demande : “Est-ce que tu te droguais quand j’étais petite ?”»

par Marie-Eve Lacasse  publié le 8 février 2024

Le jour, c’est biberons, devoirs et foot au square. La nuit, c’est spliff, coke et compagnie. «Libé» donne la parole à ceux qui essaient de jongler entre parentalité et vices plus ou moins assumés. Dans le premier épisode de notre série, le témoignage d’Helena, 45 ans, mère d’une fille de 22 ans et longtemps adepte du pétard en cachette.

«A 16 ans, mon premier petit copain était dealer et consommateur d’héroïne, mais je n’en ai jamais pris. Au contraire cette amourette d’été m’a fait l’effet d’un garde-fou, ça m’a vaccinée à vie. Même si c’est aussi à cet âge que j’ai commencé à fumer la cigarette. A 18 ans, je sortais pas mal et j’avais un copain qui dealait de la coke. J’en ai pris quelquefois dans les soirées. Dans les boîtes de nuit de la ville où j’ai grandi, il y a toujours eu beaucoup de drogue, et les riches en prenaient autant que les pauvres. Donc je commence ma vie d’amoureuse et de jeune fille sorteuse» avec des copains un peu plus âgés qui ont tous un penchant pour les drogues. A cette époque, je fais des expériences de shits hallucinogènes, de l’afghan, des produits qu’on ne trouve pas facilement… Mais ça reste festif, occasionnel. Je ne me drogue pas chez mes parents, mais je fume. Il faut dire que je viens d’une famille de fumeurs, mes parents fumaient à la maison et dans la voiture. J’ai aussi connu les cigarettes dans les cafés, je me souviens avoir vu des femmes enceintes fumer… C’était normal, ça faisait partie du paysage. J’ai fumé un paquet par jour pendant plus de vingt ans ; ma tante qui a plus de 80 ans (en pleine forme) fume encore 3 à 5 cigarettes par jour.

«Quand j’ai rencontré le père de ma fille, à 20 ans, c’était un gros fumeur de clopes, et il aimait bien boire aussi. Il était plus âgé. Quand je suis tombée enceinte à 22 ans, je n’ai pas réussi à arrêter de fumer. Avec l’autorisation du médecin, j’en grillais une de temps en temps. Après la naissance de ma fille, j’ai repris ma vie d’avant, assez festive et sociable. Il m’arrivait aussi de sortir avec elle. Une fois, je suis allée à l’inauguration de la boutique d’une copine et suis revenue chez moi en m’appuyant sur la poussette et en ne marchant pas très droit ! Sinon, la plupart du temps, j’essayais d’être hyper lucide. Je suis quelqu’un de sérieux et un soir, j’ai vu le père de ma fille complètement ivre dans une soirée, et ça m’a dessaoulée direct. Tout d’un coup, je me suis transformée en mère ultra protectrice. J’ai tout de suite pensé à mon bébé qui dormait tranquillement dans la chambre de l’appartement, juste à côté. J’ai eu très peur. Je me suis dit : “Imagine que tu sois dans le même état que ton mec ?” C’était impossible.

«Il y a eu plusieurs petites prises de conscience successives, comme ça, qui font qu’aujourd’hui je ne prends plus rien du tout. Par exemple, un jour, en vacances en Tunisie, ma fille avait 2 ou 3 ans, et la personne qui nous hébergeait nous avait donné une boulette de shit marocain. La boulette était sur la table, et là ma fille s’approche, elle la prend, me regarde droit dans les yeux et fait semblant de la croquer ! Soudain, j’ai compris : elle savait que ce n’était pas du chocolat, et que surtout, c’était pour les grands.

«Quand j’ai eu 30 ans, on s’est séparés. J’étais totalement déprimée. Je me sentais hyper responsable et je bossais comme une tarée, donc je fumais un pétard le soir pour me calmer, quand elle dormait, après l’histoire du petit loup gentil. Etrangement, je n’ai jamais acheté de shit avant ce moment-là ; on m’en a toujours donné. Je fumais la nuit, sur le balcon. Je pense que ma fille reconnaissait l’odeur, sans trop savoir que c’était de la drogue. Un jour, à l’adolescence, elle m’a dit : “J’ai trouvé de l’herbe chez papa ! Tu savais qu’il fume ?” Et moi j’ai dit : “Ah bon ?!” J’ai joué à la sainte-nitouche ! Il arrive encore à ma fille de me demander : “Est-ce que quand j’étais petite, tu te droguais ?” Petit à petit, j’ai effacé ce passé un peu rock’n’roll. Aujourd’hui qu’elle est grande, je suis sûre d’une chose : contrairement à ses parents à son âge, elle ne fume pas, ne boit pas, ne se drogue pas.»


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