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mardi 26 septembre 2023

Microbiote humain, ne pas (toujours) se fier à ce que l’on nous dit

Publié le 20/09/2023

Il existe un réel engouement médiatique autour du microbiote humain, son implication potentielle dans diverses pathologies mais aussi les bénéfices (supposés ou démontrés) de formules pré-, pro- ou syn-biotiques. Bien que passionnant, cet enthousiasme s’est accompagné de l’enracinement de certaines idées fausses (ou non suffisamment étayées), relayées par les médias mais aussi par les scientifiques eux-mêmes. Compte tenu de l’importance potentielle du microbiote sur la santé humaine, il est nécessaire de lutter contre ces « mythes » qui, même s’ils peuvent paraitre anecdotiques, une fois cumulés, soulignent que la désinformation est omniprésente dans la littérature scientifique et médicale dans ce domaine.

En premier lieu, contrairement à ce qui est souvent relayé, la recherche sur le microbiote n’est en rien « nouvelle ». Certes, les techniques de séquençage à haut débit ont permis une accélération exponentielle des travaux et des publications ces 15 dernières années, mais ce domaine de recherche n’est pas nouveau comme l’illustrent les découvertes d’Escherichia coli en 1885 et des bifidobactéries en 1899, ou encore l’hypothèse de Metchnikoff sur les bénéfices des microorganismes intestinaux qui remonte au début des années 1900, sans oublier le concept de l’axe « intestin-cerveau » qui, lui, est étudié depuis des siècles.

Quelques chiffres clé

-Le microbiote pèse-t-il vraiment 1 à 2 kg ?

Une affirmation souvent mentionnée, sans référence aucune. Sachant que la majorité du microbiote humain réside dans le côlon, que les selles humaines pèsent en moyenne moins de 200 g (poids humide), il est peu probable que cette affirmation soit vraie. A l’exception peut-être des personnes gravement constipées, le poids total du microbiote humain est très probablement inférieur à 500 g, voire moins dans certains cas.

-1012 bactéries par gramme de fèces ?

Pas tout à fait. En utilisant diverses méthodes quantitatives directes (comptage direct de cellules, hybridation in situ, cytométrie en flux, qPCR), les chercheurs sont capables d’affirmer qu’il y aurait entre 1010 et 1011 bactéries/g de poids humide de matières fécales, et non pas 1012 bactéries/g de matière fécale humaine, comme cela est souvent décrit dans la littérature.

-Chez l’homme, les cellules du microbiote seraient dix fois plus nombreuses que les cellules humaines.

Cette affirmation souvent relayée (même par les auteurs de la présente publication, l’occasion pour eux d’un mea culpa !) semble tirée d’une erreur de calcul remontant aux années 1970. Le ratio le plus probable compte tenu des connaissances actuelles serait plutôt de 1 :1 mais il est important de noter qu’il dépend de nombreux facteurs comme la taille de l’hôte, la quantité de matières fécales dans son côlon ou encore de son origine géographique.

Non, le microbiote n’est pas (totalement) hérité de la mère à la naissance

C’est ici un exemple qui illustre l’importance de la nuance. Oui, certains micro-organismes sont directement transférés de la mère à l’enfant durant l’accouchement mais peu de ces espèces persistent à l’âge adulte. En effet, la diversité du microbiote s’enrichit de façon spectaculaire les premières années de vie jusqu’à atteindre, à l’âge adulte, une configuration unique propre à chaque individu.

Les communautés microbiennes adultes semblent être principalement façonnées par des expositions environnementales stochastiques antérieures, ainsi que des facteurs tels l’alimentation, l’antibiothérapie et le fond génétique de l’hôte. L’héritage « direct » de la mère à la naissance semble jouer un moindre rôle, même si des recherches sont encore nécessaires afin de pouvoir totalement l’affirmer.

La majorité des maladies seraient caractérisées par un « pathobiome » ?

Les auteurs de cette publication regrettent que cette affirmation de plus en plus relayée dans la littérature (scientifique et grand public) ne soit pas plus nuancée. Ce terme de pathobiome, décrit comme « les interactions délétères entre les communautés microbiennes et leur hôte qui conduisent à une maladie », est définitivement trop simpliste car l’impact des micro-organismes et de leurs métabolites sur notre santé dépend fortement du contexte. Un exemple pour illustrer ce propos, Clostridioides difficile, qui peut être porté tout au long de la vie de façon asymptomatique, ne serait délétère que dans un contexte d’âge avancé, d’immunodépression et d’antibiothérapie.

Il est vrai que de nombreuses études ont montré que des affections humaines, notamment les maladies inflammatoires de l’intestin, sont corrélées à des altérations de la composition du microbiote (ou dysbiose). Cependant, la composition du microbiote est extrêmement variable entre les individus, et il est très difficile d’identifier les configurations du microbiote intestinal avec la spécificité et la reproductibilité requises pour la pratique clinique.

De plus, la causalité reste très difficile à établir à partir des études d’association car des facteurs de confusion tels que l'âge, l'indice de masse corporelle (IMC), le sexe et les médicaments ne sont pas toujours pris en compte, de même que les interactions entre les communautés microbiennes ou les changements qui résultent de modifications immunologiques, métaboliques ou fonctionnelles chez l'hôte. Conclure qu'un pathobiome caractéristique joue un rôle dans la plupart des maladies est donc une affirmation qui est loin d’être fondée sur des preuves.

La question de la méthodologie est cruciale

Dans un désir de rendre plus facile et plus robuste la comparaison entre les études, de nombreux chercheurs souhaiteraient une « standardisation » des méthodes. Cependant, comme c’est également le cas en recherche clinique, toutes les méthodes comportent des biais potentiels qu’il est important de connaitre. En effet, même le séquençage à haut débit n’est pas dénué de biais qui peuvent être introduits à chaque étape du séquençage : de la collecte au stockage des échantillons, de l’extraction de l’ADN au choix des bases de données de référence utilisées pour l’analyse. Si tous les chercheurs utilisaient la même méthode, ils seraient tous « aveugles », de façon équivalente, aux limites de l’approche choisie.

Les auteurs de la présente publication soutiennent que l’optimisation et la vérification des résultats obtenus à partir de l’analyse génomique du microbiote par des approches fonctionnelles complémentaires basées sur la culture cellulaire sont préférables au fait de demander à la communauté scientifique d’adopter la même méthode.

En effet, face à une idée répandue selon laquelle il est très difficile, voire impossible, de cultiver en laboratoire le microbiote humain, il est important de rappeler qu’une proportion importante des bactéries et archées composant notre microbiote a déjà été cultivée en laboratoire grâce notamment à des travaux pionniers remontant aux années 1970. Il est vrai que la culture cellulaire nécessite des investissements non négligeables en main d’œuvre et équipements spécialisés mais elle permet une compréhension plus mécanistique des associations entre le microbiote et les phénotypes de l’hôte, ce que ne permet pas le séquençage à lui seul.

Le microbiote et son implication potentielle sur la santé humaine est un vaste domaine de recherche qui traverse largement les murs des laboratoires et suscite un vif intérêt du public. Dans la volonté de vulgariser des informations scientifiques, nous tous devons garder à l’esprit que répéter constamment des affirmations fausses non étayées ne les rendent pas forcément plus vraies…

Dr Dounia Hamdi

RÉFÉRENCE
Walker AW, Hoyles L. Human microbiome myths and misconceptions. Nat Microbiol. 2023 Aug;8(8):1392-1396. doi: 10.1038/s41564-023-01426-7. Epub 2023 Jul 31. PMID: 37524974. 

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