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lundi 25 septembre 2023

Chaque automne, la hausse des primes d’assurance-maladie affole les Suisses

Par (Genève, correspondance)  Publié le 21 septembre 2023

Dans un pays qui ne connaît pas la Sécurité sociale, les citoyens sont tenus par la loi de souscrire une assurance-maladie privée individuelle dont le coût est nettement revu à la hausse tous les ans, au point qu’un tiers des ménages ne parvient plus aujourd’hui à la payer sans soutien financier de l’Etat.

Alain Berset, président de la Confédération suisse et responsable de la santé, devant les Hôpitaux universitaires de Genève, en mars 2020.

C’est un rituel qui revient quand les feuilles jaunissent. Chaque année depuis onze ans qu’il est en fonction, la mine penaude et concernée, le ministre suisse de la santé, Alain Berset (Parti socialiste suisse), vient annoncer à ses concitoyens au Palais fédéral, à Berne, des adaptations « difficiles et douloureuses » tout autant que « malheureusement inévitables ». De quoi s’agit-il ? De la hausse des primes mensuelles d’assurance-maladie pour l’année suivante, en ascension perpétuelle, et que l’Etat est incapable de juguler depuis qu’il a institué, en 1996, la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal).

Dès son origine, la consonance de l’acronyme est devenue pour les citoyens helvétiques aussi déplaisante que la réalité qu’il représente. Année après année, le mois de septembre vient apporter une nouvelle claque au budget des ménages. Après une hausse de 6,6 % en 2023, un nouveau saut de 8 % à 9 % devrait être dévoilé ces tout prochains jours pour 2024. S’ensuivront le chœur des récriminations, quelques semaines de tempête, en attendant la hausse de l’année d’après, dans un mélange de fatalisme et de libéralisme assumés.

« J’en ai marre, comme presque tout le monde dans la classe politique, disait ainsi l’an dernier à la même période Gerhard Pfister, le président du parti Le Centre. Rien ne change. Le système de santé en Suisse a une qualité exceptionnelle, mais c’est devenu beaucoup trop cherEt personne parmi les acteurs du secteur, les assurances, les médecins, les hôpitaux et les cantons, n’a intérêt à réduire les coûts. » Dans certains cas, les primes ont doublé en moins de vingt ans. Il n’est ainsi pas rare que l’addition assurance-santé d’un couple et de leurs deux enfants atteigne 1 500 francs suisses (1 562 euros) par mois, alors que le salaire médian dans le pays tourne autour de 6 000 francs (6 250 euros).

Un système hautement inégalitaire

Conçue à l’origine comme un système mixte public-privé pour stimuler l’investissement, modérer les dépenses et maintenir le très haut niveau du système de santé helvétique, la LAmal était surtout soucieuse d’éviter les dérives bureaucratiques du NHS britannique ou de la « Sécu » française, les deux repoussoirs le plus souvent cités. Compromis typiquement helvétique, elle oblige de fait les individus à s’assurer, mais ils ne peuvent le faire que chez des assureurs, plusieurs dizaines, qui se livrent une féroce guerre à la conquête de nouveaux clients, en chassant les « bons risques ». Les jeunes en bonne santé obtiennent ainsi de bons tarifs.

Dans les faits, les différences tarifaires sont infimes. C’est d’abord le code postal qui fait foi. Les Romands (qui gagnent pourtant moins) paient davantage que les Alémaniques, les citadins que les campagnards, les vieux que les jeunes. Système hautement inégalitaire selon les uns, qui responsabilise face à la dépense médicale superflue pour les autres, il n’est en fait que semi-mutualisé. Les actuaires sont parvenus à affiner leurs calculs de coûts et de rendements à un niveau qui permet de différencier les primes non seulement en fonction du sexe et de l’âge, mais aussi du canton et même de la commune de résidence. En clair, et en grossissant un peu le trait, les solides habitants d’un village du canton rural d’Appenzell, qui geignent moins, n’ont jamais vu de psy et se soignent avec des herbes naturelles, paient leur assurance quatre fois moins cher que les habitants mal en point de la métropole de Bâle.

Ces nuances prêteraient à sourire si le marché de l’assurance-maladie ne restait pas d’une rare opacité sur la transparence des coûts et bénéfices réels, « grâce au travail des lobbys au Parlement », comme le soulevait le politicien centriste Gerhard Pfister. Les actionnaires des assureurs privés, tous très rentables, n’ont par exemple jamais critiqué le système actuel.

« Tourisme » entre les caisses-maladie

Les clients, eux, ont toutefois la possibilité de changer d’assurance chaque année après l’annonce de la hausse des prix. Ce qui donne lieu entre octobre et décembre à un « tourisme » entre les caisses, que la Confédération encourage d’ailleurs pour stimuler la concurrence dans le secteur. Plusieurs sites en ligne de « comparateurs de primes » permettent en théorie de se faire une idée de l’offre. Ce qui donne souvent lieu à des transhumances cocasses.

L’an dernier, la petite caisse KPT a ainsi vu affluer 200 000 nouveaux assurés (+ 50 %) après que ses tarifs se sont avérés les plus séduisants. Ce qu’elle n’avait ni prévu, ni souhaité : le nouveau bataillon a failli provoquer l’effondrement de sa structure administrative. Un quart des assurés suisses ont changé de caisse fin 2022. « Après avoir longtemps subi les hausses de coûts sans systématiquement changer de caisse, l’assuré compare et agit en devenant ainsi lui aussi un acteur du système de santé », dit Loïc Mühlemann, porte-parole de Groupe Mutuel, le numéro deux du secteur en Suisse.

A chaque fois que les partis de gauche ont présenté des projets de création d’une caisse publique unique, avec des primes indexées sur les revenus pour davantage de solidarité entre les citoyens, ils ont été battus dans les urnes. En 2007, 71 % de non. En 2014, encore 62 % de refus. La prochaine fois sera-t-elle la bonne ? Le Parti socialiste a lancé une initiative pour limiter le fardeau des primes à 10 % du revenu d’un ménage en 2024. La Suisse est le pays européen où les dépenses sociales sont les plus faibles (16 % du PIB). Le pays est riche, les revenus élevés, mais cela ne suffit plus. Un tiers des ménages ont désormais besoin du soutien financier de l’Etat pour parvenir à payer ses primes d’assurance-maladie.


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