par Elsa Maudet publié le 26 septembre 2023
Depuis quelques jours, les yeux de l’éducation nationale sont tournés vers le Danemark. Au côté de la Suède et de l’Islande, le royaume scandinave est en effet l’un des pays d’Europe où le harcèlement scolaire est le plus bas. Le ministre Gabriel Attal s’y est d’ailleurs rendu la semaine passée, afin de découvrir les méthodes qui fonctionnent. Si aucune recette magique ne peut être dupliquée d’un pays à un autre, a fortiori quand les cultures et les systèmes éducatifs sont si différents, certains exemples peuvent être bons à suivre. Il en va ainsi de la méthode «Fri For Mobberi» («libéré du harcèlement»), déployée dans 40 % des crèches, 60 % des écoles maternelles et 45 % des écoles élémentaires danoises. Elle a fait ses débuts en France à la rentrée 2022 et concerne à ce jour des écoles maternelles des XVIIIe, XIXe et XXe arrondissements de Paris, de Saint-Ouen, Montreuil (Seine-Saint-Denis) et Eragny (Val-d’Oise), ainsi que des crèches de Paris et Saint-Ouen.
Le principe ? Créer des communautés bienveillantes d’enfants dans lesquelles aucun membre ne peut se sentir exclu, et où le harcèlement n’aura donc normalement aucune chance de s’immiscer. «Il s’agit de faire en sorte que les enfants puissent développer des dynamiques de groupe positives. L’idée n’est pas forcément qu’ils soient tous ensemble tout le temps – ils gardent un libre arbitre dans leurs amitiés – mais qu’ils soient bons camarades les uns avec les autres, qu’ils veillent au bien-être de tout le monde»,nous expliquait Margot Neuvialle, coordinatrice du programme à la Ligue de l’enseignement de Paris, en février.
Pas toujours facile de rassurer avec des mots
Pour ce faire, les enseignants, Atsem ou animateurs du périscolaire qui ont été formés à la méthode sont équipés d’une petite mallette, où se trouve notamment une peluche, l’ami ours. «Il faut qu’il soit posé à un endroit accessible dans la classe, comme ça les enfants peuvent aller le voir quand ils ont un chagrin et lui raconter ce qui se passe ou le donner à un camarade pour le consoler. En maternelle, ce n’est pas toujours facile d’aller voir un copain pour le rassurer avec des mots ; lui donner un petit ours est plus simple», précisait Margot Neuvialle. Des planches de discussion permettent de lancer des échanges, qui visent à faire prendre conscience aux élèves de situations d’exclusion et à développer chez eux des réflexes d’entraide.
Fri For Mobberi s’appuie en outre sur le toucher : les enfants sont invités à «dessiner» avec leurs doigts des mouvements sur le dos de leurs camarades, car «pas mal d’études montrent que le toucher physique permet la sécrétion d’ocytocine, qui favorise l’attachement à l’autre et permet de créer un lien social, et augmente la concentration». Ces gestes, appelés massages, permettent également d’introduire la notion de consentement. «Les enfants qui massent doivent demander “est-ce que tu peux me prêter ton dos ?”, une façon dès tout petit de comprendre qu’on n’aime pas tous les mêmes choses et qu’il faut toujours l’accord des autres. Chaque enfant qui n’a pas envie qu’on le touche a le droit d’être observateur, de pratiquer l’automassage ou le massage avec objet médiateur (une balle, un sac de riz…)», détaillait Margot Neuvialle.
«Une corrélation positive significative»
Au Danemark, le programme est suivi par la recherche universitaire depuis une quinzaine d’années. Bilan ? «D’abord, 70 % des professionnels qui travaillent avec le programme trouvent que les enfants sont plus bienveillants les uns envers les autres. Ensuite, il y a une corrélation positive significative entre l’utilisation du programme et l’esprit de groupe des enfants et leur capacité à gérer les conflits par eux-mêmes. Enfin, les enfants deviennent plus empathiques», exposait Margot Neuvialle. En France, ce volet scientifique est assuré par l’université Paris-VIII.
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