par Frédérique Roussel publié le 30 septembre 2023
Passionné de vampires, Guillermo del Toro, le réalisateur de Pinocchio et du Labyrinthe de Pan, racontait avoir dévoré le Traité sur les apparitions et les vampires à l’âge de 7 ans, son livre préféré sur le sujet. «Il m’a impressionné par son aridité factuelle, expliquait-il en 2009 à Libération. Quelque chose présenté comme réel a un poids différent.» Son auteur, Dom Augustin Calmet (1672-1757), un savant bénédictin du XVIIIe siècle, y recense tous les témoignages, croyances et rituels relatifs aux vampires, aux personnes enterrées encore vivantes et aux revenants. «La méthode Calmet est dangereuse, il accumule les cas, et ne les critique qu’à peine – car plus lui semble superflu, écrit Philippe Charlier, médecin légiste et archéo-anthropologue qui a établi cette édition du Traité. Il a beau conclure avec force son ouvrage que rien ne permet d’être certain de l’existence des vampires, que tout plaide en faveur d’une superstition, rien n’y fait. C’est raté, car il y a trop de faits, même lorsqu’ils sont faux.» Ce livre fascinant, qui porte sur les revenants en corps, les excommuniés, les vampires, les brucolaques…, constitue le deuxième tome de l’édition de 1751 de l’abbé de Senones. Les éditions Jérôme Millon ont publié, entre autres, l’autre volet, le Traité sur les apparitions des anges, des démons, et des âmes des défunts, présenté et annoté par Gilles Banderier (2020).
Mandaté par l’Eglise pour déconstruire la croyance, Augustin Calmet affiche pourtant une position si ambiguë que Voltaire va la critiquer. Il «loue tout sans distinction […], parle de tout avec une ingénuité et une bonne foi imbécile qui enchante», écrit le philosophe. A l’époque des Lumières, où la croyance aux vampires s’accroît, cette crédulité irrationnelle agace. A l’orée de sa synthèse, Calmet précise pourtant bien qu’«il est de conséquence pour l’intérêt de la religion de détromper ceux qui le croient véritable, et de détruire une erreur qui peut avoir de très dangereuses suites». Censé statuer sur la non-existence du vampire, il va aider à propager son image. L’édition de ce texte pilier de la vampirologie rappelle combien le rôle de cette créature, dit Philippe Charlier, «cristallise les peurs et tous les fantasmes autour de la mort en ce XVIIIe siècle. Son exhumation et la cérémonie de son annihilation jouent le rôle d’un bouc émissaire, d’une catharsis». Du modèle de la créature terrifiante et rustre que l’on combat et qui exorcise un mal-être social au XVIIIe siècle, le XIXe siècle à partir du Vampire de Polidori puis du Dracula de Bram Stoker, en fera un personnage littéraire.
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