Ce week-end, lassée d’être coincée dans une alternative unique quant à notre bande-son familiale (Les parents : « On écoute Orelsan ? » /Les enfants : « Non, Envole-moi ! »), j’ai mis un vieil album de Blur. Modern Life Is Rubbish, 1993, un chef-d’œuvre. A ce stade, il peut être utile de vous faire savoir que mon objectivité est compromise, étant donné que j’ai nourri une passion durable pour le groupe de britpop mené par Damon Albarn, au point d’en faire le sujet de mon mémoire de maîtrise, il y a bien longtemps.
Mais that’s not the point, comme dirait Damon. Tandis que je fredonnais avec un bonheur infini le refrain de For Tomorrow, j’ai repensé à mes 16 ans. Et là, j’ai vraiment eu une pensée de vieille schnock : je me suis dit que c’était mieux avant.
J’ai soudain eu la conviction que mon adolescence était plus légère que celle des jeunes gens que je vois autour de moi. J’ai eu peur que mes enfants, encore petits (8, 5 et 3 ans), ne connaissent jamais cette sensation d’être plus grands que le monde, ces rêves de conquête. Bien sûr, je ne suis pas complètement aveuglée par la nostalgie : rien n’était simple à 16 ans, j’étais mal dans ma peau et torturée et, par ailleurs, j’étais suffisamment privilégiée pour ne pas être lestée d’inquiétudes matérielles.
Mais voilà, par-delà les circonstances individuelles, j’ai eu l’impression que quelque chose avait changé. La joie légère et mélancolique de cet album, la badinerie de ces musiciens qui avaient entrepris de raconter une Angleterre éternelle, comme si rien d’autre sur terre n’avait d’importance, tout cela m’a semblé appartenir à un monde dont nous aurions définitivement verrouillé la porte. Un monde d’avant le Brexit, le Covid-19, la menace climatique, la guerre en Ukraine, la crise politique permanente. Un monde où je pouvais être adolescente et ne penser qu’à moi, à mon nombril, mon arcade percée et au prochain concert de Blur – et parfois, manifester contre Jean-Marie Le Pen avec la certitude que la jeunesse triompherait.
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