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vendredi 31 mars 2023

Le suicide, un acte « volontaire » pas forcément couvert par les assurances

Publié le 27 mars 2023

CHRONIQUE

Rafaële Rivais

L’acte qui consiste à se donner la mort étant « incompatible » avec la notion d’accident, il ne peut être couvert par les contrats d’assurance dédiés aux accidents corporels, comme la « garantie accidents de la vie », juge la Cour de cassation.

Le code des assurances (article L 132-7) dit que « l’assurance en cas de décès doit couvrir le risque de suicide à compter de la deuxième année du contrat ». Si l’assuré se suicide au cours de la dixième année, l’assureur doit donc payer ? Las, non : tout dépend de la catégorie d’assurance qui avait été souscrite, comme le rappelle l’affaire suivante.

Le 17 août 2013, M. X est retrouvé mort sur une place de Grenoble, après être tombé d’une grande hauteur. Sa veuve demande à la compagnie Swisslife, auprès de laquelle il avait, le 19 novembre 2003, souscrit un contrat « garantie accidents de la vie », les sommes auxquelles elle-même et ses deux fils pensent avoir droit (192 156 euros), en cas de décès de l’assuré. Le contrat stipulant que le suicide est une « clause d’exclusion de garantie », elle évoque une « chute accidentelle » de son mari.

La compagnie, qui lui demande un justificatif, reçoit la copie d’un certificat médical, dont elle doute qu’il soit vraiment établi par le médecin légiste. Le texte dit en effet : « La cause du décès de M. X, couverte par le secret professionnel et le secret de l’enquête judiciaire, n’entre pas dans les critères d’exclusion du contrat Swisslife garantie accident de la vie contrat n°… ».Soupçonnant que l’assuré s’est suicidé, elle réussit à obtenir le dossier pénal que Mme X lui refusait, et apprend que le défunt avait laissé une lettre d’adieu. Elle refuse de payer.

Le 27 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Grenoble l’y contraint, en jugeant qu’elle ne prouve pas que le décès résulte d’un suicide. Le 6 avril 2021, la cour d’appel de Grenoble confirme ce jugement, mais en lui substituant le motif suivant, qu’elle invoque d’elle-même : l’article L 132-7 du code des assurances doit jouer, puisque l’assuré est mort dans la dixième année de son contrat. Quant à la clause d’exclusion liée au suicide, elle est « réputée non écrite ».

Condition de la garantie

Swisslife, qui n’a pas pu répondre à cet argument, faute de respect du contradictoire, se pourvoit en cassation, et son avocate, Me Elodie Le Prado, fait observer que l’article L 132-7, relatif au suicide de l’assuré, « n’est pas applicable aux assurances contre les accidents corporels ». En effet, ces assurances excluent, par principe, le suicide, acte « volontaire »,« incompatible avec la notion d’accident », conçue comme provenant d’une « cause extérieure et indépendante de la volonté de l’assuré ».

L’article L 132-7, qui joue même en cas de suicide, ne concerne donc que les assurances « sur la vie », gérées par capitalisation (les sommes dues par l’assureur proviennent des cotisations versées par le souscripteur tout au long de sa vie). Il ne s’applique pas aux « assurances non-vie », qui sont des opérations d’assurance par répartition du risque (les sommes dues au titre des sinistres survenus au cours d’une année proviennent des cotisations payées par l’ensemble des souscripteurs dans l’année).

La Cour de cassation lui donne raison, le 9 février (2023, 21-17.681). Elle juge que le caractère accidentel du décès est « une condition de la garantie » du contrat couvrant les accidents corporels. Ce qui signifie que l’assureur n’a pas besoin d’insérer dans sa police une clause d’exclusion du suicide.Swisslife l’avait sans doute fait pour éviter toute difficulté, puisque la jurisprudence n’avait pas encore été fixée en la matière.

La Cour renvoie les parties devant la cour d’appel de Lyon. On ignore si Mme X s’y rendra – l’huissier ayant tenté de lui notifier le mémoire de Swisslife a en effet dû dresser un procès-verbal de recherches infructueuses, après avoir constaté qu’elle était inconnue du voisinage et de l’agence de gestion locative, et après avoir en vain consulté les services municipaux. Si c’est le cas, ce sera à elle de prouver que le décès de M. X résulte d’une chute involontaire.

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