par Karim Bouamrane, Maire de Saint-Ouen-sur-Seine, vice-président du conseil départemental délégué à la culture, président du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris (SGP)
publié le 25 mars 2023
Le 8 mars dernier, nous avons décidé de mettre en place le congé menstruel pour les agentes de Saint-Ouen, la ville dont je suis maire. Ce congé s’adresse aux femmes souffrant de règles douloureuses et incapacitantes ainsi que d’endométriose.
Cette décision est le fruit de dialogues avec les associations féministes qui mènent le combat depuis de nombreuses années et d’échanges nourris avec Enora Malagré, audonienne engagée pour la lutte et la reconnaissance de l’endométriose. Ces réflexions ont permis de mettre en lumière la souffrance quotidienne des agentes de la ville. En tant que responsable politique et en tant qu’employeur, il était inconcevable qu’un quart de l’administration de Saint-Ouen subisse cette situation chaque mois dans l’indifférence.
Les chiffres sont sans appel. Une femme sur deux souffre de règles douloureuses. Une sur dix est atteinte d’endométriose. Le Japon, l’Indonésie, la Corée du Sud, Taïwan et la Zambie ont adopté la création d’un congé menstruel depuis plusieurs décennies. Depuis le 16 février 2023, l’Espagne est le premier pays européen à avoir suivi cet exemple. Pourquoi la France n’a-t-elle pas encore légiféré sur ce sujet ?
C’est une question de santé publique et de bien-être au travail. Ces douleurs invisibilisées impactent la santé physique et mentale de la moitié des femmes. Privées de la reconnaissance de leur souffrance, elles travaillent sans bénéficier d’aucun aménagement.
C’est une question de justice sociale. Alors que les femmes sont les premières victimes de la crise inflationniste, nous ne pouvons pas accepter que, tous les 28 jours, celles souffrant de règles incapacitantes soient obligées d’avoir recours à un arrêt maladie impliquant un jour de carence et donc une perte de pouvoir d’achat.
Lever le tabou sur les règles douloureuses
C’est une question républicaine. Nous devons lever le tabou sur les règles douloureuses pour avancer vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Pour répondre à cette urgence, nous avons trouvé une solution légale que toutes les collectivités peuvent mettre en œuvre. Sur avis médical, les agentes peuvent dès aujourd’hui bénéficier d’un aménagement de poste, d’un recours accru au télétravail ou de deux jours de congé pris dans le cadre légal des autorisations spéciales d’absence (ASA) instaurées durant la crise sanitaire.
Lors de son conseil du jeudi 16 mars, la Ville de Paris s’est engagée, à son tour, à accorder le congé menstruel. D’autres villes s’apprêtent à le faire. Ce mouvement doit prendre de l’ampleur et entreprendre une avancée sociétale concrète pour le droit des femmes.
Mais cette solution demeure expérimentale et donc fragile. Pour répondre à l’idéal républicain d’égalité, la France doit se donner les moyens de ses ambitions. Le congé menstruel doit se traduire dans un socle juridique clair et précis afin de sanctuariser ce droit protecteur.
J’en appelle donc aux législateurs afin qu’une loi voie le jour et entérine concrètement le congé menstruel.
D’autres combats restent à mener pour avancer vers l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Tâchons, aujourd’hui, d’être à la hauteur.
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