par Laure Equy publié le 29 mars 2023
Peu connue et diversement appliquée, la loi dite Claeys-Leonetti : c’est le bilan de la loi en vigueur dressé par les députés, alors que la Convention citoyenne sur la fin de vie s’apprête à conclure ses travaux sur l’opportunité d’aller plus loin dans la légalisation d’une «aide à mourir». Le président de la mission d’évaluation, Olivier Falorni (Modem) – militant de longue date d’un droit à l’euthanasie– et les corapporteurs Caroline Fiat (LFI) et Didier Martin (Renaissance) doivent rendre publiques, ce mercredi, leurs conclusions que Libération a pu consulter.
Ces parlementaires se sont penchés sur les trois avancées de la loi de 2016, portée par leurs prédécesseurs, le socialiste Alain Claeys et le républicain Jean Leonetti, ouvrant «de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie» : l’accès aux soins palliatifs pour tous, l’expression de la volonté du patient dans des directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance et le droit, très réglementé, à une sédation profonde et continue jusqu’au décès. «Force est de constater que les dispositions de la loi restent largement méconnues des patients, mais aussi des soignants», estiment les députés de la mission, qui ont auditionné près de 90 acteurs ces deux derniers mois.
L’accès aux soins palliatifs demeure «insatisfaisant»
Selon eux, l’accès aux soins palliatifs, «en dépit d’une offre qui progresse», demeure «insatisfaisant» et très hétérogène d’un territoire à l’autre, puisque 21 départements étaient, fin 2021, dépourvus d’unités de soins palliatifs : «Nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y avaient pas accès.» Proposant la «diffusion d’une culture palliative», la mission recommande de pousser le développement de cette offre «dans les établissements sanitaires et médicosociaux ainsi qu’à domicile» et de «lancer une campagne de recrutement et de valorisation des métiers du secteur»tout en généralisant, pour les soignants, «les formations à la fin de vie et à l’approche palliative». Le modèle de financement de soins palliatifs – la tarification à l’activité – est également jugé inadapté.
Si les auteurs du rapport appellent à «préserver ces droits pour les patients», ils constatent que rares sont ceux qui rédigent leurs directives anticipées (des instructions médicales sur sa fin de vie) ou nomment une personne de confiance (chargée d’exprimer ces souhaits si l’on n’est plus en mesure de le faire). Ces avancées demeurent donc «limitées dans les faits», déplore la mission qui suggère de «communiquer largement» sur le dispositif «par une campagne nationale et par des campagnes ciblées» et d’«encourager les professionnels de santé» à en parler avec leurs patients.
La sédation, «un droit inconnu»
C’est surtout sur la possibilité de demander une sédation profonde et continue – une pratique très encadrée qui ne concerne que les patients dont le pronostic vital est engagé à court terme – que la mission a pointé les limites de l’application de la loi : un «recours très rare», «très limité», «variable selon le lieu de prise en charge». Si ce droit est censé être accessible «y compris à domicile», dans les faits, «cette pratique apparaît difficile, voire quasiment impossible à mettre en œuvre hors de l’hôpital». «Les témoignages recueillis ont démontré qu’il s’agit d’un droit inconnu de la plupart des malades et d’un acte médical délicat qui implique une surveillance très régulière», juge Olivier Falorni.
Sept ans après la promulgation de la loi, les parlementaires estiment toutefois que celle-ci, mieux appliquée, répondrait «à la grande majorité des situations de fin de vie» et que «dans la plupart des cas, les malades ne demandent plus à mourir lorsqu’ils sont pris en charge et accompagnés de manière adéquate». Restent les cas n’entrant pas dans ce champ, notamment «lorsque le pronostic vital n’est pas engagé à court terme». Soucieux de rester dans les clous de la mission, les parlementaires ont pris soin, assure Caroline Fiat, de ne pas «aborder la question de l’aide active à mourir», mais les acteurs auditionnés, eux, l’ont mis sur la table. «Il ne faut pas opposer les deux mais donner aussi les moyens à la loi Claeys-Leonetti d’exister», poursuit la députée LFI, autrice – comme Olivier Falorni – d’une proposition de loi pour «une fin de vie digne» sous la précédente législature.
Composée de 180 participants tirés au sort qui ont travaillé près de trois mois, la convention citoyenne doit remettre dimanche sa copie destinée à éclairer la réflexion de l’exécutif. «Dans le contexte actuel, où le lien est distendu avec les citoyens, la convention est l’occasion, pour le Président, de renouer avec les Français et d’entendre ce qu’ils ont à dire sur un sujet de société majeur», exhorte Olivier Falorni. Après avoir dîné, début mars à l’Elysée, avec des représentants des cultes, des médecins, élus et intellectuels pour évoquer cette question, Macron pourrait, selon la Croix, recevoir lundi les membres de la convention.
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