par Marlène Thomas publié le 16 décembre 2022
Cet article est issu de L, la newsletter féminisme et sexualités publiée le samedi.
Il berce l’imaginaire des enfants, s’affiche tout sourire des chocolats aux chaussettes, constelle les balcons de son habit rouge et blanc : vous aurez reconnu le Père Noël. Ce vieil homme barbu est pour tous l’artisan de la magie de Noël. Mais n’en déplaise au mythe construit depuis des siècles, le Père Noël aurait dû être une femme ! Pour l’heure, elles restent reléguées au rôle de figurantes, incarnées par la Mère Noël. Il est facile d’imaginer cette fête comme une entreprise : le père en serait le fier PDG quand la mère serait reléguée au rôle de secrétaire, chargée d’apporter les sablés tout droit sortis du four aux réunions de lutins.
Femme âgée ou hypersexualisée
Il aura fallu attendre 1849 pour la voir apparaître pour la première fois dans la nouvelle A Christmas Legend du missionnaire chrétien américain James Rees. Malgré quelques réinterprétations féministes tardives dans le conte How Mrs. Santa Claus saved Christmas de Phyllis McGinley en 1963, la comédie musicale Mrs. Santa Claus en 1996 ou encore la pub de la chaîne de magasins britanniques Marks et Spencer de 2016, la Mère Noël reste dans l’imaginaire populaire une femme âgée attendant patiemment le retour de son aimé avec son tricot au coin du feu, donnant un coup de main de temps en temps. Autre option plus contemporaine, mais tout droit sortie du moule patriarcal, une madame Noël hypersexualisée, répondant directement aux fantasmes masculins, comme en témoignent les premières images ressortant sur un moteur de recherche à la mention de son nom. Pourtant, dès 1899 l’autrice américaine Katharine Lee Bates tente dans son poème Goody Santa Claus on a Sleigh Ride de lui rendre sa juste place.«Pourquoi devrais-tu avoir toute la gloire de la joyeuse histoire de Noël, pendant que la pauvre petite Mère Noël ne fait que travailler ?» écrivait-elle.
Travailleuses invisibles
Rien n’y fait, la Mère Noël demeure cantonnée au rôle de «femme de», cachée dans l’ombre du Père Noël, star indéboulonnable des fêtes. Une imposture ? Plus d’un siècle après, cette interpellation poétique de Katharine Lee Bate résonne avec justesse. Il suffit de passer une tête dans les foyers pour se rendre à l’évidence : ce sont bien en majorité les femmes qui œuvrent sans relâche pour maintenir (et même créer) la magie de Noël. Une étude des chercheurs belges David Sinardet et Dimitri Mortelmans de 2009 confirmait que les femmes sont majoritairement responsables de l’échange des cadeaux mais aussi du maintien des liens familiaux. Sélection des présents, emballage, composition du menu, décoration intérieure… Elles sont ces petites mains oubliées, ces travailleuses invisibles en manque de reconnaissance sans lesquelles l’édifice de Noël s’écroule. Résultat ? selon un sondage Ipsos publié pour Qare le mois dernier, 48 % des femmes se disent concernées par une charge mentale accrue au moment des fêtes, 14 points de plus que les hommes. Chez les mères de famille de 35-54 ans, ce chiffre bondit même à 58 %. Il serait donc temps de rendre la tête d’affiche à celles qui le méritent et de faire évoluer nos mythes qui prévalent encore trop sur la réalité. Ce qui m’amène à formuler un vœu cette année : cher Père Noël, rend sa juste place aux femmes.
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