Marion Gronier, photographe indépendante, avait depuis longtemps en tête le projet de travailler sur le sujet de la psychiatrie. Elle a pu le réaliser au sein des Hôpitaux de Saint-Maurice, en travaillant avec des malades et des soignants sur des autoportraits.
Ce n’est pas le service psychiatrique d’un hôpital, c’est une galerie de photographies. Ce n’est pas de l’art-thérapie mais un travail artistique. Ce ne sont pas des patients mais des photographes. Ils étaient d’ailleurs là lors du vernissage, le 19 mai, « en présence des artistes ». Ils s’appellent Antoine, Stella, Olivier, Monique, Afaf, etc., et Marion Gromier les voit comme des professionnels à part entière. Elle ne sait d’ailleurs même pas pourquoi ils sont là. « Je ne sais rien d’eux ou si peu car je ne voulais pas être parasitée », raconte cette photographe indépendante qui présente une exposition inédite au sein des Hôpitaux de Saint-Maurice, après un travail d’un an et demi.
Le rendez-vous est donné ce jour-là porte P41, qui s’ouvre sur un bâtiment désaffecté de l’hôpital, bientôt en travaux. L’exposition prend place dans un long couloir, un alignement de chambres et d’autres types de pièces : un ancien bureau du personnel, une pharmacie. Les lieux ont été vidés mais à part ça tout est resté en l’état. Derrière chaque porte se trouve désormais « l’univers d’une personne » : des séries d’autoportraits mis en valeur par une scénographie minimaliste. Dix-huit séries réalisées par des usagers et des soignants du service psychiatrie adultes du pôle 94G16, dans le cadre d’un atelier consacré à la question de la représentation de soi par la photographie.
« Vous m’avez laissé beaucoup de liberté »
Il a rassemblé des usagers de l’hôpital de jour des HSM à Alfortville, de son centre médico psychologique (CMP) de son centre d’accueil thérapeutique à temps partiel (CATTP), tous rattachés à cet hôpital touché récemment par un mouvement de soignants. De petits groupes de quatre personnes, qui ont favorisé les échanges et libéré la parole des plus « renfermés », a constaté Marion Gronier.
« Vous m’avez laissé beaucoup de liberté », lui lance ainsi Olivier, hospitalisé à Saint-Maurice depuis 1998. Cette « tête à mimiques à la Mister Bean » comme il se définit, est le seul des participants à exposer dans deux pièces. Un cœur boule à facettes est resté accroché dans l’une d’elles, laissé délibérément. Un symbole de fête qui semble assez loin de sa propre vie, liée à la psychiatrie depuis l’âge de 15 ans. Ces photos de lui accrochées sur lesquelles on le voit devenir flou progressivement, « ça représente bien mon parcours », explique Olivier. Aujourd’hui il l’assure, « ça va mieux ». « Il m’a fallu 25 ou 30 ans pour craquer nerveusement. Maintenant j’aimerais me lancer dans des études de sophrologie », annonce-t-il à Marion Gronier. Ensemble, ils discutent du texte introductif de l’exposition, des photos sélectionnées.
Une galerie comme une autre ?
« Je ne suis pas art thérapeute », insiste cette photographe qui aime le travail du portrait et mène essentiellement des projets personnels. Pour autant, exposer dans un hôpital n’est pas anodin. Ni autour d’un service de psychiatrie. « Je m’attache aux sujets sociaux et j’aime les marges, explique-t-elle, le fait de donner à voir des milieux peu connus et peu vus. »
Car l’exposition est aussi une occasion d’ouvrir l’hôpital sur l’extérieur, de faire venir des visiteurs comme ils le feraient dans n’importe quelle galerie. En voyant les portraits, impossible d’ailleurs de savoir qui est soignant, qui est usager. « Faire participer tout le monde est un principe auquel je suis attaché », explique le professeur Alain Cantero, chef du pôle 94G16.
Il y a quelques années, la peur du « voyeurisme » l’a poussé à refuser une première demande de Marion Gronier. Le projet tel qu’il s’est monté pour aboutir à l’exposition visible en ce moment l’a finalement convaincu. Il a d’ailleurs retenu l’attention du programme Culture et santé en Île-de-France, porté à la fois par l’agence régionale de santé (ARS) et la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Île-de-France « Il y a un échange, soignants et patients sont au même niveau, assure Alain Cantero. C’est bénéfique pour eux, et cela fait partie des projets qui participent à la déstigmatisation (de la psychiatrie), c’est ce que je trouve intéressant. »
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