Par Solène Cordier Publié le 28 mai 2021
Annoncé depuis plusieurs mois, le projet de loi visant à « améliorer la prévention et la protection de l’enfance » sera examiné en première lecture à l’Assemblée nationale la première quinzaine de juillet. Le texte devrait être présenté en conseil des ministres d’ici au 16 juin, selon le secrétariat d’Etat à l’enfance, qui le considère comme « une étape supplémentaire pour garantir véritablement aux enfants un cadre de vie sécurisant et serein, et aux professionnels un exercice amélioré de leurs missions ».
Plusieurs mesures sont prévues pour améliorer le sort des quelque 330 000 jeunes suivis par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Parmi elles : l’interdiction des placements hôteliers, une pratique décriée mais ayant cours dans plusieurs départements – ces derniers sont les chefs de file de la protection de l’enfance, une compétence territorialisée depuis la décentralisation. En janvier, après la diffusion d’un nouveau documentaire télévisé accablant sur la prise en charge des enfants placés, le secrétaire d’Etat Adrien Taquet avait annoncé vouloir mettre un terme à l’accueil dans des hôtels. Selon le document de présentation du projet de loi, des exceptions (urgence, mise à l’abri) seront cependant prévues par décret et « strictement encadrées avec des exigences renforcées d’accompagnement éducatif ».
D’après un rapport de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) paru en 2020, le nombre de mineurs protégés hébergés à l’hôtel pourrait se situer entre 7 500 et 10 500, dont une immense majorité de mineurs isolés étrangers. Le projet de loi contient par ailleurs plusieurs dispositions qui visent directement ce public : l’obligation pour tous les départements de recourir au controversé fichier d’aide à l’évaluation de la minorité afin d’« éviter le nomadisme administratif », ainsi qu’un nouveau mode de répartition de ces jeunes sur le territoire.
Rémunération minimale
Autre disposition importante et réclamée de longue date : des normes d’encadrement seront imposées aux établissements accueillant des mineurs, qui permettront de fixer le nombre d’enfants pris en charge par les professionnels de la protection de l’enfance, aujourd’hui bien souvent débordés. Les structures devront en outre formaliser « une politique de lutte contre la maltraitance » et nommer un référent externe que les enfants pourront saisir directement en cas de problème. Enfin, les antécédents judiciaires de l’ensemble des professionnels au contact des enfants feront l’objet de contrôles lors de leur recrutement et pourront être réitérés pendant la durée de leur mission. Ces mesures répondent directement aux dysfonctionnements relevés dans les foyers de l’ASE.
Une partie est également consacrée à la modernisation du métier d’assistant familial, ou « famille d’accueil », à la démographie vieillissante et qui peine à se renouveler. Ces professionnelles (en grande majorité des femmes), bien que mal connues, sont centrales dans l’organisation de la protection de l’enfance ; elles accueillent en effet près d’un jeune placé sur deux, soit 76 000 mineurs à la fin 2018, selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques. Le projet de loi prévoit la fixation d’une rémunération minimale pour l’accueil d’un seul enfant, ainsi que le maintien de la rémunération en cas de suspension, une revendication de longue date de la profession. Enfin, afin de protéger les enfants, un fichier national des agréments des assistants familiaux devrait voir le jour, pour empêcher qu’ils exercent dans un autre département après le retrait de leur agrément.
Le travail parlementaire à venir permettra d’enrichir le texte, certains députés étant très engagés sur le sujet, à l’image de l’élue de la Nièvre Perrine Goulet (MoDem). Une proposition de loi déposée récemment par cette dernière et l’ensemble du groupe MoDem et Démocrates apparentés suggérait plusieurs évolutions sur la protection de l’enfance, dont certaines figurent dans le projet de loi. Les autres feront probablement l’objet d’amendements, par exemple le fait d’ériger le préfet comme le « référent protection de l’enfance » au sein du département, ce qui marquera ainsi l’investissement de l’Etat pour cette politique décentralisée.
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