par Marlène Thomas publié le 25 mai 2021
C’est l’aboutissement d’une longue bataille. Les horaires du 3919, la ligne d’écoute nationale d’information et d’orientation pour les femmes victimes de violences sexistes et sexuelles, seront étendus dès la fin du mois de juin. Une nouvelle convention pluriannuelle d’objectifs, signée ce mardi entre l’Etat et la Fédération nationale Solidarité femmes (FNSF), créatrice et gestionnaire de ce dispositif depuis 1992, acte cette mesure promise par le gouvernement lors du Grenelle contre les violences conjugales.
L’extension se fera en deux temps. Dès le 28 juin, ce numéro gratuit et anonyme sera accessible 24h /24 du lundi au vendredi, et de 9 à 18 heures le week-end. Puis, le communiqué du ministère chargé de l’Egalité entre les femmes et les hommes détaille qu’«avant la fin du mois d’août, ses plages horaires seront totalement étendues : 24h /24 et 7j /7».
L’urgence était palpable. Face à la recrudescence de violences au sein du couple durant les confinements et couvre-feux, la fédération a fait «face à un pic inédit des appels». Près de 160 000 ont été reçus en 2020, «soit 70 % d’augmentation comparé à 2019»,indique-t-elle dans un communiqué parallèle.
«Reconnaissance»
«C’est la reconnaissance qu’une ligne d’écoute nationale pour les femmes victimes de violences, ça nécessite à la fois de la formation, de l’expertise et un environnement d’associations, qui font partie des piliers du 3919, de la réponse que l’on peut apporter aux femmes», témoigne auprès de Libération la directrice de la FNSF, Françoise Brié. La ligne d’écoute s’appuie sur un réseau de 73 associations, qui permet notamment d’orienter les femmes en détresse vers des relais locaux et centres d’hébergement. La convention prévoit d’ailleurs un renforcement de l’animation de ce réseau, permettant un accompagnement social, psychologique et juridique.
Avec ces horaires étendus, les femmes habitant en outre-mer pourront également joindre ce numéro d’écoute. Un enjeu majeur. L’amélioration significative de son accessibilité aux femmes en situation de handicap est aussi prévue, «avec notamment un système de transcription écrite et en langue des signes pour les personnes malentendantes», détaille Françoise Brié.
La signature de cette convention «concrétise ainsi l’engagement pris par le gouvernement lors du Grenelle des violences conjugales», fait valoir le ministère. Après son immersion au 3919, le jour de l’ouverture du Grenelle des violences conjugales (date ô combien symbolique, le 3/9/19), le président de la République avait lui-même demandé l’ouverture de ce service 24h /24. Une extension horaire arrachée de haute lutte par la FNSF. Le gouvernement avait en effet opté en premier lieu pour l’ouverture d’un marché public, lancé en décembre, impliquant une mise en concurrence de l’association avec des entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS).
Faisant front commun avec la FNSF, qui avait saisi la justice pour faire annuler ce marché, les associations féministes avaient alerté sur les conséquences néfastes de cette décision à coups de tribuneset d’une pétition au fort retentissement. Après trois mois de bataille, le gouvernement avait fini par reculer fin janvier.
Elisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Egalité, déclare dans son communiqué : «Il s’agit, pour toutes les femmes victimes de violences – dans l’Hexagone ou en outre-mer, ainsi que pour les personnes sourdes, malentendantes et aphasiques – d’une avancée majeure et qui répond à des attentes fortes, exprimées de longue date, parce que l’urgence n’attend pas et que les cris d’alarme ne peuvent se heurter à un enjeu d’horaires d’ouverture classiques ou d’accessibilité au handicap.»
Une quinzaine de recrutements
Pour la Fédération nationale Solidarité femmes, l’heure est donc au renforcement des effectifs avec le recrutement supplémentaire de plus de quinze écoutantes et personnes chargées du pré-accueil des appelantes. Ces nouvelles arrivantes sont formées «avec les écoutantes déjà en poste et reçoivent aussi une formation juridique et théorique sur les questions d’inégalités femmes-hommes, d’accompagnement des femmes victimes», précise la directrice en notant que certaines «se rendront aussi dans les associations de terrain pour voir comment se déroulent les réponses apportées en second niveau derrière la première écoute du 3919».
Cette convention va aussi permettre à la FNSF de renforcer le recueil et l’analyse des données sur les violences sexistes. «On aura plus d’appels, donc plus de données à analyser. L’idée est aussi de faire des analyses plus fines sur certains publics comme les jeunes femmes, les publics LGBT + ou sur certains territoires», ajoute Françoise Brié. Une amélioration globale de l’écoute et de l’accompagnement des victimes ainsi que de leurs enfants.
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