Dans le cadre d’un hackathon organisé en avril, une équipe lituanienne a remporté un prix pour son application Act on crisis. La jeune femme qui en est à l’origine explique à l’hebdomadaire Verslo Zinios ce qui l’a conduite à s’intéresser à l’équilibre émotionnel.
“Nous sommes les représentants de la génération du nouveau millénaire et nous sommes les plus à mêmes de percevoir et de comprendre les questions qui animent les personnes qui composent aujourd’hui la plus grande partie de la société”, explique Ieva Vaitkeviciute, qui a créé, pendant le confinement [du 17 mars au 16 juin en Lituanie], l’application Act on Crisis (AOC), consacrée à l’équilibre émotionnel.
“La santé psychique est un domaine qui m’intéresse depuis longtemps, et ces derniers temps j’ai travaillé dans les nouvelles technologies appliquées à la santé. Dans les conditions actuelles, je ne doute pas de leur importance et de leur nécessité”, poursuit la jeune femme, qui évoque le suicide d’un ministre d’un Land allemand en raison de l’anxiété provoquée par la pandémie [Thomas Schaefer s’est donné la mort le 28 mars 2020].
Lors d’un hackathon international – un marathon dédié à la programmation informatique – organisé durant le week-end de Pâques, les Lituaniens ont remporté la seconde place pour leur application, et un chèque de 10 000 euros.
Exercices de respirations, conversations anonymes
Que propose cette appli ? L’usager d’AOC doit tout d’abord nommer ses émotions, son état. Ensuite, il se voit proposer une panoplie d’actions en fonction de son niveau d’inquiétude, sa maturité émotionnelle et ses traits de caractère. L’application propose une aide articulée sur trois niveaux : des exercices de respiration, des conversations anonymes dans des “chambres” avec d’autres membres éprouvant les mêmes émotions et des consultations individuelles avec des spécialistes.
Interrogée sur les différences avec un appel passé à une ligne d’aide téléphonique, par exemple, Ieva Vaitkeviciute souligne que la première est l’anonymat. L’utilisateur est identifié seulement par une couleur, sans nom ni profil. Les chambres de conversation sont thématiques, et les discussions permettent de s’apercevoir que l’on n’est pas isolé avec son problème, et que se sentir mal n’a rien d’anormal.
“Nous nous adressons à la génération des milléniaux qui valorisent l’intelligence émotionnelle et y perçoivent un lien avec l’intelligence traditionnelle. Demander une aide psychologique n’est pas perçu comme quelque chose de négatif [pour eux]”, explique la jeune femme.
Après des études de psychologie à l’université de Vilnius, Ieva Vaitkeviciute a travaillé dans le secteur associatif, a voyagé à l’étranger, a appris la programmation, a rejoint la start-up estonienne Clanbeat, qui cherche à augmenter l’implication des employés dans leur entreprise par la communication avec les collègues, puis a fini par déménager en Estonie. [Aujourd’hui, elle vit de nouveau en Lituanie.]
Populariser l’hygiène émotionnelle
“On a de quoi apprendre des Estoniens. Ce qui m’a le plus marquée, c’est la coopération entre les secteurs privé et gouvernemental, se rappelle Ieva Vaitkeviciute. On y crée de nombreux projets gov-tech qui permettent d’appliquer les nouvelles technologies au secteur public. Dans le même temps, de l’argent public est investi dans les start-up privées. De plus, certaines agences publiques fonctionnent comme des start-up.” Elle aimerait s’appuyer sur ce principe pour créer sa propre entreprise.
“Après la pandémie, le besoin d’aide psychologique ne s’évanouira pas, bien au contraire”, pense-t-elle. “L’Organisation internationale du travail estime que 195 millions de personnes vont se retrouver au chômage. Et l’on ne parle ici que de pertes d’emploi. Combien d’autres personnes ont vécu la perte de proches durant cette pandémie ?” ajoute Ieva Vaitkeviciute.
Pour elle, durant de telles crises, les gens ne peuvent pas nier leurs émotions négatives. Elles deviennent si puissantes que la raison ne peut les bloquer. Nous avons la possibilité de populariser l’hygiène émotionnelle et d’ancrer sa pratique. Il est vital de tenir compte de ses émotions, même après être sorti d’une grave crise psychologique.
S’il faut certes s’occuper de sa santé émotionnelle, les technologies sont-elles le meilleur moyen pour le faire ? Des études scientifiques ont démontré que les technologies pouvaient provoquer des dépendances ; une nouvelle application devient une raison de plus de consulter son téléphone.
“Je suggérerais de se demander lequel des deux ‘maux’ est le pire : passer une demi-heure devant un écran à converser avec un psychologue ou ruminer ses émotions toute la nuit ?” rétorque Ieva Vaitkeviciute en guise de conclusion.
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