Depuis le début du mois de juin, des centaines de personnes se retrouvent à la rue sans solution. Le 115 ne peut plus répondre à toutes les demandes.
En cette fin de confinement, les consignes de l’Etat – seul compétent en matière d’hébergement – vis-à-vis des sans-abri sont claires : pas de remise à la rue sans solution pour les 177 600 personnes hébergées grâce à la prolongation, jusqu’au 10 juillet, épidémie oblige, de la période dite « hivernale ». Toutes les associations gestionnaires de centres d’hébergement reconnaissent l’effort du gouvernement, chiffré à plus de 2 milliards d’euros, pour mettre à l’abri le plus grand nombre de personnes, y compris des publics jusque-là invisibles, en mobilisant, voire réquisitionnant, 13 300 chambres d’hôtel. Dans la plupart des départements, même en Seine-Saint-Denis, le numéro d’urgence 115 a réussi à répondre à toutes les demandes, ce qui ne s’était pas vu depuis longtemps.
La consigne d’éviter toute sortie sèche, adressée par le ministre du logement aux préfets dans une circulaire datée du 3 juin, précise : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir (…) y demeurer dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée (…) vers une structure d’hébergement stable ou de soin ou vers un logement. » Un bon principe qui, une fois la parenthèse du confinement refermée, se heurte à la rude réalité immobilière francilienne.
En Ile-de-France, les hébergeurs, hôtels, paroisses, centres de vacances, s’impatientent de récupérer leurs locaux pour reprendre une vie normale, mais les solutions pour un « hébergement stable » n’existent pas. Ainsi, en Seine-Saint-Denis, où le record des chambres d’hôtel réservées avait été battu – près de 2 500 au total – « les remises à la rue sont, depuis début juin, massives », selon Gérard Barbier, président d’Interlogement93, qui gère le 115 à l’échelon du département. Dans la seule semaine du 1er au 7 juin, 100 personnes se sont vu notifier, en langage administratif, « des fins de prise en charge » et 69 autres les 15 et 16 juin. « Une femme a tenté de se réfugier aux urgences de l’hôpital Jean-Verdier de Bondy qui, pour cause de Covid, l’a refusée, et nous a appelés, mais nous n’avions pas de solution », rapporte ainsi Maxence Delaporte, responsable opérationnel du 115 de Seine-Saint-Denis. Les « demandes non pourvues » explosent de nouveau, entre 200 et 270 personnes par jour qui appellent le 115 en vain et, parmi elles, beaucoup de familles avec enfants et de ménages.
Le Samusocial de Paris, qui centralise les réservations de chambres d’hôtel pour la plupart des départements d’Ile-de-France, se retrouve lui aussi en difficulté. Le 16 juin, par exemple, 407 personnes en famille, dont 130 femmes, ont appelé le numéro d’urgence, mais aucune solution n’a pu leur être proposée : « On retrouve le niveau de demandes non pourvues d’avant la crise du Covid », précise un porte-parole.
« Nous sommes totalement mobilisés »
Pour dresser un état des lieux et chercher des solutions, le préfet d’Ile-de-France a, le 29 mai, missionné le groupement d’intérêt public Habitat et interventions sociales (GIP-HIS), qui mène les évaluations sociales de chaque personne hébergée provisoirement, au risque de relancer le débat sur le recensement des sans-papiers : « Ces évaluations ne se sont pas toujours faites dans de bonnes conditions, parfois par téléphone, critique un travailleur social de Seine-Saint-Denis. Ils font le boulot que nous n’avons pas voulu faire, en insistant sur la situation administrative des étrangers. » Le GIP-HIS n’a pas souhaité répondre à nos questions.
« Nous sommes totalement mobilisés par la recherche de nouvelles places et de solutions, assure Sylvain Mathieu, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement. Il faut accélérer les sorties de centres d’hébergement pour faire de la place, remettre en route les demandes d’asile qui ouvrent l’accès à un dispositif d’accueil et redémarrer les processus d’attribution de logements sociaux : en Ile-de-France, les préfets ont instruction de trouver 3 000 logements sociaux. »
Anne-Claire Mialot, préfète déléguée à l’égalité des chances en Seine-Saint-Denis, soulève, elle, « la nécessité d’un équilibrage territorial des places d’hébergement, car la Seine-Saint-Denis, avec un ratio de 10 places pour 1 000 habitants, accueille deux fois plus de sans-abri que, par exemple, les Hauts-de-Seine [5,7 places pour 1 000 habitants]. Il faut que tout le monde joue le jeu », souhaite-t-elle.
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