La série « Westworld », dont la troisième saison vient d’être diffusée aux États-Unis sur la chaîne HBO, met en scène des robots esclaves des humains dans une sorte de Disneyland où tout est permis. Mais certains d’entre eux s’affranchissent de nous. La philosophe de l’éthique Laurence Devillairs a bien voulu nous livrer quelques clés pour comprendre ce mouvement d’émancipation… et pour nous dire pourquoi il nous concerne de très près.
« Avec Westworld, on est en plein dans la troisième génération de films ou de séries qui cherchent à comprendre l’homme à partir de ce qui n’est pas humain. La première génération, c’était La Planète des singes (Franklin Schaffner, 1968), où l’on essayait de comprendre l’humain à partir de l’animal. La deuxième génération, c’était E.T. (Steven Spielberg, 1982), où l’on a essayé de comprendre l’homme à partir des extraterrestres. Dans Westworld, la troisième génération, on essaie désormais de penser l’homme à partir des robots. Et, à chaque fois, ce qui n’est pas humain se révèle plus humain, au sens moral du terme : dans La Planète des singes, les singes sont plus civilisés que les hommes ; E.T. est plus généreux que les hommes ; et dans Westworld, c’est Dolorès, un robot, qui se révèle la plus humaine. L’homme n’a eu de cesse d’essayer de se comprendre en se confrontant à ce qui n’est pas lui. C’est ce qu’a fait la philosophie : la définition de l’homme comme “animal raisonnable” cherche à saisir la part d’animalité chez l’homme pour mieux l’en distinguer. Il en va de même pour nous : nous ne pouvons pas nous comprendre nous-même sans admettre aussi ce nous faisons à l’autre. C’est Levinas qui a raison : la métaphysique est une éthique, c’est-à-dire qu’on ne peut pas comprendre la nature de l’homme si l’on ne se pose pas la question morale de ce que l’homme fait à l’autre (que l’autre soit un singe, un robot, un extraterrestre ou un humain).
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