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lundi 27 mars 2017

Un petit pas dans la compréhension du syndrome de stress post-traumatique






L’environnement influence la méthylation de l’ADN[1], principal moyen de régulation de l’activité transcriptionnelle [2] conditionnant l’expression des gènes. Dans une étude réalisée sur 126 vétérans de la guerre du Vietnam atteints de SSPT selon les critères du DSM-IV-TR (âge moyen : 63ans) et 122 sujets-contrôles, une équipe de Séoul et Goyang (Corée du Sud) a mis en évidence une association positive entre une hyperméthylation du promoteur du gène BDNF (codant pour le BDNF, facteur neurotrophique issu du cerveau)[3] et le syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

Vu la difficulté d’évaluer directement la méthylation du BDNF dans le tissu cérébral, les auteurs ont étudié la méthylation du promoteur du BDNF dans les leucocytes de la circulation péripéhrique. Il a été montré que « le BDNF peut traverser la barrière hémato-encéphalique », avec l’existence d’une « corrélation positive entre les niveaux de BDNF dans le sang et l’hippocampe. »

Hyperméthylation du promoteur du BDNF en cas de SSPT chez les vétérans

Après analyses sanguines effectuées par pyroséquençage[4], on observe une « méthylation de l’ADN plus élevée de quatre sites (ou « îlots ») CpG (dinucléotides CpG) [5] au niveau du promoteur du BDNF » chez les sujets souffrant d’un SSPT, comparativement aux sujets sans SSPT. Outre ces niveaux élevés de méthylation des sites CpG du promoteur du BDNF, des antécédents d’exposition importante sur des théâtres d’opérations militaires et des « problèmes d’alcool » sont aussi « associés de façon significative avec un diagnostic de SSPT. »
Rappelons que le BDNF (une neurotrophine impliquée dans la plasticité synaptique, la neurogénèse et le renforcement à long terme de la mémoire, y compris traumatique) constitue une éventuelle cible pharmacologique, dans la mesure où son expression est diminuée en cas de SSPT ou de dépression (conformément à l’hypothèse neurodégénérative de la dépression) mais qu’elle tend à se redresser sous l’effet des antidépresseurs (prescrits aussi contre le SSPT), comme les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et l’imipramine[6].

Un bond dans la pharmaco épigénétique

Le rôle de cette méthylation du promoteur du BDNF demeure toutefois « incertain » : s’agit-il là d’un facteur étiologique ou d’une conséquence du SSPT ? L’hyperméthylation du gène BDNF pourrait résulter de l’exposition au combat et intervenir ainsi en première ligne dans la pathogénèse du SSPT. Hypothèse alternative : l’hyperméthylation du BDNF précédant un traumatisme aurait au contraire un effet protecteur contre le développement ultérieur d’un SSPT. Mais face à des traumatismes répétés, ce mécanisme pourrait finalement « s’épuiser » et cette méthylation initialement protectrice se transformerait alors paradoxalement en facteur de vulnérabilité.
Des études ont déjà montré qu’un stress maternel in utero ou un trauma postnatal peuvent ainsi affecter l’ensemble des modifications épigénétiques d’une cellule (épigénome). Certains traumatismes, notamment en bas-âge, auraient alors un effet cumulatif sur la méthylation, faisant le lit d’un SSPT ultérieur et de sa persistance.
S’il est trop tôt pour apprécier pleinement ce rôle du BDNF dans le SSPT, le degré de méthylation de son gène en fait cependant un bon candidat comme marqueur pour le diagnostic de cette pathologie. Un biomarqueur facilement accessible par simple prise de sang, si la méthylation leucocytaire du BDNF reflète fidèlement (comme on le pense) celle du tissu cérébral, malgré la barrière hémato-encéphalique. Un petit pas dans la compréhension de la physiopathologie du SSPT, mais un bond de géant en pharmaco(épi)génétique ?

Dr Alain Cohen

RÉFÉRENCES
Kim TY et coll.: Epigenetic alterations of the BDNF gene in combat-related post-traumatic stress disorder. Acta Psychiatr Scand., 2016: 135: 170–179.

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