Si le nombre de suicides dans une population est toujours trop élevé, John Snowdon (exerçant à la Faculté de Médecine de Sydney, en Australie) rappelle qu’il n’est pas nécessaire de dénaturer les faits (en prétendant qu’il existerait une « épidémie de suicides ») pour inciter les pouvoirs publics à renforcer les moyens humains et matériels permettant de développer une prévention plus efficace du suicide.
Si les recherches épidémiologiques montrent qu’environ 80 % des suicides sont commis par des sujets souffrant d’une problématique psychiatrique (en particulier une dépression), on constate aussi que les maladies mentales ne résument pas les contextes prédisposant au suicide, en particulier chez les personnes âgées. Certains chercheurs estiment même que le suicide pourrait résulter “le plus souvent” de “facteurs de stress psychosociaux”, plutôt que d’affections psychiatriques.
Plus d’hommes que de femmes, sauf en Chine
À l’appui de cette thèse, un argument réside dans le fait que le taux des suicides commis par des hommes est, en Australie “comme dans la plupart des pays”, trois fois plus élevé que celui des suicides de femmes (il s’agit là des suicides accomplis, et non des “simples” tentatives). Or comment expliquer ce triplement du risque par le truchement des seules pathologies psychiatriques, dans la mesure où une telle différence (de 1 à 3) n’est pas retrouvée dans leur prévalence selon le sexe, car les fréquences de ces maladies mentales sont presque identiques pour les deux sexes ? Les statistiques comparatives indiquent à ce propos que la Chine fait exception à cette “règle” d’un taux de suicides masculins plus élevé que celui des femmes : “dans les populations urbaines de Chine, le taux des suicides masculins et féminins sont similaires.”
L’auteur s’interroge aussi sur les raisons pour lesquelles le taux des suicides chez les hommes les plus âgés demeure “si élevé, contrairement aux femmes très âgées” : les femmes résisteraient-elles mieux à “la fragilité” liée au vieillissement ? Il est possible que les hommes soient “plus vulnérables quant à la dégradation de l’estime de soi” avec l’âge, moins aptes à s’adapter, et “soucieux d’éviter de devenir un fardeau pour les autres.” Cette dernière hypothèse résulte d’une comparaison entre les suicides des octogénaires, considérés “souvent comme plus compréhensibles” que les suicides des sexagénaires ou des septuagénaires. À une moindre échelle, ce phénomène peut rappeler certains cas de “suicide assisté” chez le vieillard (sénicide) ou la “ritualisation du suicide” chez les Inuits[1].
Dr Alain Cohen
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