LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | | Par Catherine Mary
C’est pour cela que nous voudrions que la question des vêtements soit envisagée, car nous avons parfois l’air de romanichels, et la distribution des vêtements a parfois l’air d’un marché aux puces, les belles robes sont toutes froissées. » Malgré son ton docile, cette requête exprimée en 1950 dans le journal interne de l’hôpital du Vinatier, à Bron (Grand Lyon), n’en est pas moins chargée de sens. Car dans l’habit porté par la personne internée à l’hôpital psychiatrique se joue la représentation qu’une société se fait du fou et de la place qui lui est donnée. C’est la question explorée par l’exposition « Sens dessus dessous », qui se tient jusqu’au 3 juillet au Vinatier, l’un des plus grands hôpitaux français.
A la portée des malades
Durant la seconde guerre mondiale, 45 000 personnes meurent en France derrière les murs des asiles, livrées à la famine par le régime de Vichy. Le modèle asilaire vole donc en éclats à la Libération. La psychothérapie institutionnelle est pensée pour humaniser les asiles et en casser l’ordre hiérarchique. Les médecins « tombent la blouse » pour se mettre à la portée des malades, la psychiatrie se déplace en ville avec la création des hôpitaux de jour et des centres médico-psychologiques. Avec l’arrivée, en 1952, du Largactil, le premier neuroleptique, la contention chimique remplace la contention physique, limitant le recours à la camisole sans pour autant le supprimer.
Que dire du pyjama, uniforme rudimentaire marqué du sigle de l’hôpital ? Encore en usage au Vinatier, il tient une grande place dans l’exposition. Il permet de débarrasser le patient psychotique de ses vêtements souvent crasseux à son arrivée à l’hôpital et participe au projet thérapeutique en l’aidant à sortir du déni. Mais il marque aussi son appartenance à l’institution en le stigmatisant et en le dissuadant de s’évader. Si l’exposition évoque les alertes du contrôleur général des lieux de privation de liberté au sujet de ces dérives, la question de la dignité n’est pas posée aussi clairement qu’elle le mérite. Et les démonstrations de détournements du pyjama par les patients, s’en faisant des turbans ou retournant leur veste pour masquer le sigle de l’hôpital, ne suffisent pas à convaincre du bien-fondé de son usage.
« Sens dessus dessous », Ferme du Vinatier, Bron (Rhône). Tél. 04-81-92-56-25.http://www.ch-le-vinatier.fr/ferme
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire