LE MONDE | | Par Margherita Nasi
La frontière entre travail et loisir, subordination et épanouissement, plaisir et contrainte, semblerait de moins en moins évidente à en croire la recrudescence de l’usage du mot « passion » à propos du travail. Et pourtant, le nombre de travaux de recherche portant sur ce sujet est faible. C’est de ce double constat contradictoire que qu’est né l’ouvrage Le travail passionné. L’engagement artistique, sportif ou politique, sous la direction des sociologues Marc Loriol et Nathalie Leroux.
Comment lire et interpréter cette résurgence de l’usage du mot « passion » dans le cadre du travail ? La question de la passion soulève de nombreuses interrogations qui traversent les différents articles de ce livre : une première tient au caractère polysémique de la notion de passion, à la fois entendue comme facteur aliénant et comme énergie créatrice.
Il s’agit aussi de prendre en compte la dimension sociale et collective de la passion, puisque la glorification de l’engagement peut être vue comme une attente sociale de plus en plus prégnante, avec des cadres invités à s’engager totalement dans leur activité. Ainsi, l’envie de faire un travail passionnant « peut bien être exploitée par certains employeurs afin d’accroître la durée du temps du travail et éventuellement de proposer des rémunérations moindres et des perspectives de carrière plus limitées ».
La passion au travail peut aussi être source de conflits d’intérêts si elle conduit à valoriser un certain niveau de qualité allant à l‘encontre des objectifs de rentabilité à court terme et de productivité des directions. « A un engagement spontané, né d’une passion commune pour les missions et les fins du métier, la direction peut être tentée de substituer un engagement contrôlé où les aspirations et valeurs des salariés sont récupérées pour les faire correspondre aux objectifs de rentabilité ».
En analysant un prisme d’activités professionnelles relatives aux mondes de l’art, du sport et de l’engagement politique, en mobilisant diverses perspectives, l’ouvrage montre à quel point cette injonction à la passion est paradoxale et ambivalente.
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