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mardi 5 janvier 2016

TDAH : les recommandations de bonne pratique

31/12/2015





S. IANNUZZI*, S. DE BOURNONVILLE**
*Docteur en psychologie, hôpital Bicêtre, Kremlin-Bicêtre, **Psychologue, Paris
La Haute Autorité de santé a publié en décembre 2014 des recommandations (Conduite à tenir en médecine de premier recours devant un enfant ou un adolescent susceptible d’avoir un déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité. Recommandation de bonne pratique (RBP) émise par la Haute Autorité de santé (HAS), 2014.) de bonne pratique sur la conduite à tenir en médecine de premier recours devant un enfant ou un adolescent susceptible d’avoir un déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité. Aucune donnée de la littérature identifiée n’ayant permis de fonder des recommandations sur des preuves, celles-ci reposent sur un accord d’experts au sein du groupe de travail, validé par un groupe de lecture.
Le texte distingue le médecin de premier recours, qui a une bonne connaissance de l’enfant, le suit régulièrement et peut apprécier sur le long terme son évolution développementale, du médecin spécialiste du trouble (ayant acquis une compétence dans le diagnostic et la prise en charge du TDAH) qui pose le diagnostic. Le texte est développé autour des quatre étapes de la prise en charge :
• repérage et engagement de la démarche diagnostique par le médecin de premier recours ;
• rôle du médecin de premier recours dans l’attente du diagnostic : orientation vers un spécialiste et mesures d’accompagnement individuel, familial et scolaire ;
• rôle du médecin de premier recours dans le suivi, une fois le diagnostic posé par un spécialiste ;
• coordination entre le médecin de premier recours et les autres intervenants de santé.

Repérage

Quand et comment la démarche diagnostique doit-elle être engagée par le médecin de premiers recours ? Le médecin de premier recours étant souvent l’interlocuteur privilégié et de confiance pour l’enfant et sa famille, il est au premier plan pour repérer d’éventuels troubles préjudiciables à l’enfant. La démarche diagnostique pour le TDAH doit être initiée quand des signes évocateurs sont présents dans les différents milieux de vie de l’enfant, c’est-àdire tant dans la vie familiale, sociale que scolaire. Les problèmes rencontrés peuvent être de divers ordres et concerner à la fois les aspects attentionnels (enfant facilement distrait, qui ne parvient pas à maintenir son attention, qui a du mal à se mettre au travail, etc.), l’hyperactivité (il est agité, ne reste pas assis, gigote, manipule ses affaires, perturbe les autres, etc.) et l’impulsivité (il se montre impatient, précipité, coupe la parole, etc.). Les parents les décrivent souvent comme bâclant leur travail, difficile à gérer dans les groupes, trop spontané, etc. Ce sont parfois des enfants qui ont peu d’amis malgré un bon contact, qui changent constamment d’activités, qui ont des résultats scolaires irréguliers et qui sont peu autonomes. Ces signes diffèrent en fonction de l’âge de l’enfant, du stade de développement, du milieu scolaire et des contextes de vie (la situation familiale, le modèle éducatif, les éventuelles situations de violence, de souffrance, etc.). La persistance des difficultés dans le temps est une caractéristique du TDAH, mais l’expression du trouble varie en fonction des facteurs évoqués. À l’adolescence, par exemple, les aspects d’inattention et d’impulsivité restent importants et peuvent exposer à des conduites à risque tandis que l’hyperactivité tend à diminuer.
Ces plaintes observées sont très variées et aucune n’est, à elle seule, spécifique du TDAH. Pour qu’ils soient conformes aux critères diagnostiques, les signes évocateurs de TDAH doivent être présents avant l’âge de 12 ans, persister dans le temps (minimum 6 mois), survenir dans plusieurs milieux de vie et avoir des répercussions négatives sur le fonctionnement familial, social, scolaire, extrascolaire. Dans la mesure où les plaintes diffèrent en fonction des styles éducatifs, la connaissance de l’enfant et de sa famille permettra d’ajuster au mieux les soins secondaires en tenant compte des possibilités d’accès. Pour une appréhension fine de la plainte et du retentissement sur l’enfant et son environnement, il est recommandé de proposer un ou plusieurs entretiens cliniques avec les parents pour aborder les différentes sphères de la vie de l’enfant :
– médicale : antécédents personnels et familiaux, historique du développement de l’enfant, consommation de substances psycho-actives, etc. ;
– sociale : dynamique familiale, fratrie, style éducatif reçu, entente parentale, etc. ;
– scolaire : exigences académiques, relation avec les pairs et l’enseignant, difficultés d’apprentissage, etc. ;
– psychologique : relations avec autrui, estime de soi, irritabilité, comportement provocateur ou inhibition, autonomie quotidienne, gestion de la frustration, etc. Un entretien seul avec l’enfant s’avère utile, principalement à l’adolescence. Outre l’identification des centres d’intérêt, il devra aborder des sujets plus personnels tels que le ressenti face aux difficultés, les moyens mis en place pour y pallier et la souffrance vécue (dépression, idées suicidaires, usage d’alcool et d’autres substances psychoactives, etc.).  Les données transmises dans ces recommandations ne sont pas exhaustives et n’ont pas de caractère systématique. L’entretien est à adapter au cas par cas et n’a pas vocation à remplacer les entretiens ultérieurs, qui seront menés lors de la consultation spécialisée en vue de poser un diagnostic. Par ailleurs, il n’existe pas de signe neurologique ou physique permettant de confirmer le diagnostic de TDAH, mais un examen clinique complet doit être proposé. Les comorbidités et les diagnostics différentiels avec le TDAH sont nombreux et doivent être explorés. Ainsi, s’il existe un trouble psychiatrique ou des difficultés psycho-affectives associés (trouble anxieux, opposition avec provocation, trouble envahissant du développement, trouble de l’humeur, contexte de maltraitance, troubles du sommeil, etc.), l’orientation vers un psychiatre et/ou un psychologue est envisagée. Si les difficultés associées concernent les apprentissages (langage écrit et oral, calcul, graphisme, difficultés de coordination), il est conseillé de consulter des rééducateurs (orthophonistes, psychomotriciens, ergothérapeutes, etc.) ou un neuropsychologue spécialisé dans ce type de prise en charge. Devront également être envisagées certaines maladies neurologiques (neurofibromatose de type 1, épilepsie, syndrome de Gilles de la Tourette, etc.), une précocité ou une déficience intellectuelle. Des questionnaires peuvent être utilisés par le médecin de premier recours dans la démarche diagnostique. Le groupe de travail propose d’utiliser l’échelle SNAP-IV rating scale ou les échelles de Conners qui comportent des critères relatifs aux symptômes principaux (inattention, hyperactivité et impul sivité). S’il le juge nécessaire, une évaluation psychométrique par un psychologue peut être demandée par le médecin de premier recours afin de confirmer une première orientation diagnostique et de donner des pistes pour d’éventuelles comorbidités.

Rôle du médecin de premier recours dans l’attente du diagnostic

Lorsque le diagnostic est envisagé par le médecin de premier recours, il lui est recommandé d’informer l’enfant et sa famille de cette hypothèse diagnostique, de les orienter vers un médecin spécialiste qui, à l’aide d’une évaluation plus approfondie, pourra confirmer le diagnostic et orienter vers une prise en charge adaptée. Dans l’attente de la consultation spécialisée (qui peut parfois prendre plusieurs mois), le médecin est en mesure :
– d’apporter des conseils et des stratégies pour aider à gérer le quotidien ;
– de proposer un suivi régulier pour évaluer les mesures proposées ;
– d’établir un lien avec les professionnels du milieu scolaire (médecin et psychologue scolaires, etc.) et de soins (orthophoniste, psychomotricien, psychologue, etc.) ;
– de prendre en charge les éventuelles comorbidités déjà identifiées. Le lien avec l’école est primordial afin de prévoir des aménagements pédagogiques adaptés.

Ceux-ci doivent être choisis en fonction de chaque enfant, de son niveau, de la sévérité du trouble, des comorbidités, etc. Il s’agira, par exemple, de placer l’enfant proche de l’enseignant et du tableau, loin de distracteurs, lui confier certaines missions lui permettant de se déplacer, lui donner des consignes courtes et les répéter si besoin, s’assurer qu’il se met au travail, l’aider à organiser son espace de travail, etc.

Rôle du médecin de premier recours dans le suivi

Lorsque le diagnostic de TDAH est posé, une prise en charge globale est proposée. Elle comprend des mesures non médicamenteuses (psychologiques, éducatives et sociales) qui peuvent être associées selon les cas à une prise en charge pharmacologique par méthylphénidate (seul traitement disponible et indiqué en France). Le choix de ces prises en charge est à ajuster en fonction de leurs accessibilités. Un certain nombre d’entre elles ne sont pas prises en charge financièrement par la collectivité. Les interventions proposées peuvent comporter plusieurs axes :
– une prise en charge des symptômes du TDAH ;
– la prise en charge des comorbidités ;
– une information sur le trouble et un soutien de l’enfant et de sa famille ;
– des conseils pour guider la famille et l’école dans l’approche éducative. Un suivi de proximité régulier de l’enfant et de sa famille doit être réalisé par le médecin de premier recours. La fréquence et les modalités du suivi dépendent des thérapeutiques proposées (tous les 3 à 6 mois, sauf en cas de traitement médicamenteux qui nécessite une visite tous les 28 jours) et de l’importance des difficultés rencontrées. L’objectif de ce suivi est d’évaluer l’évolution des symptômes et d’adapter les thérapeutiques. Ce suivi se fait bien entendu en lien avec le médecin spécialiste et les professionnels de santé intervenant auprès de l’enfant. Étant donnés les éléments évoqués, il est important, lors des visites de suivi, de considérer les différents domaines concernés par le TDAH : médical, psycho social, scolaire, éducatif et psychologique. Le médecin interrogera l’évolution du fonctionnement familial, du comportement de l’enfant et des relations interpersonnelles dans les différents milieux de vie, des progrès scolaires et des adaptations mises en place. L’entretien doit également évoquer le vécu psychologique : la perception du TDAH par l’enfant et sa famille, leur adhésion aux modalités thérapeutiques, l’évolution de l’estime de soi, les compétences et succès personnels de l’enfant. Le suivi médical observe l’évolution des symptômes spécifiques du TDAH, des comorbid ités, de la tolérance et de l’observance du traitement médicamenteux, le cas échéant. En cas de difficultés de prise de traitement, on surveille les causes et les effets indésirables (niveau d’appétit, la qualité du sommeil, maux de tête, etc.), ainsi que la courbe
staturo-pondérale, la pression artérielle et la fréquence cardiaque. Il est recommandé d’orienter l’enfant vers le spécialiste primo-prescripteur.

Coordination entre le médecin de premier recours et les autres intervenants

L’un des rôles principaux du médecin de premier recours est d’échanger à la fois avec le médecin spécialiste pour le tenir informé de l’évolution ou des éventuelles difficultés, mais également avec les autres professionnels prenant l’enfant en charge (orthophoniste, psychologue, psychomotricien, ergothérapeute, etc.) et les professionnels de l’Education nationale par l’intermédiaire du médecin scolaire ou de l’infirmière scolaire.

Conclusion

Nous avons repris ici les idées principales illustrées par quelques exemples. Néanmoins, cet article ne dispense pas d’une lecture attentive des recommandations. Le lecteur y trouvera des exemples pratiques et des annexes très détaillées sur les bilans spécialisés, les comorbidités, les conseils à destination des parents et enseignants, les règles de prescription du méthylphénidate, le rôle des professionnels de l’Education nationale, les échelles de dépistage et les critères diagnostiques du TDAH. Nous retiendrons de cette lecture l’importance du travail avec le réseau de proximité dans l’évaluation et l’ajustement des prises en charge, ainsi que l’intégration de différentes approches thérapeutiques qui fait la spécificité française.

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