Dossier en 4 parties
En attente du vote de la loi de Santé créant les GHT, de nombreux acteurs de la psychiatrie publique s'inquiètent des conséquences pour les hôpitaux spécialisés à intégrer de tels groupements pluridisciplinaires. Que ces craintes soient fondées ou non, la mobilisation s'amplifie en régions. Mais la ministre de la Santé, Marisol Touraine, se veut rassurante.
Partie 1/4
La psychiatrie publique est fortement mobilisée pour des GHT dédiés
Depuis près d'un an, de nombreux acteurs de la psychiatrie publique sont mobilisés, au niveau national, sur la problématique de la création de GHT spécifiquement psychiatriques. Des motions de CME de CH spécialisés commencent à abonder en ce sens dans différentes régions.
Depuis plusieurs mois, de nombreux directeurs d'établissements spécialisés, syndicats de psychiatres et présidents de commissions médicales d'établissements (CME) sont mobilisés sur l'article 27 créant les groupements hospitaliers de territoire (GHT) et l'obligation pour les établissements publics de santé d'adhérer à l'un de ces GHT, "sauf dérogation tenant à sa spécificité dans l’offre de soins régionale". Ainsi, dès février 2015, l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm) propose que soit prévue la possibilité de créer des GHT spécialisés en santé mentale qui "pourraient inclure comme membres associés des établissements MCO ayant une activité de psychiatrie". Si elle défend le caractère obligatoire de la participation aux GHT, ces participations doivent cependant rester "souples" afin de "s'adapter à la grande diversité des situations de terrain". Elle demande de ce fait qu'un établissement puisse "être membre ou au moins associé à plusieurs" d'entre eux. Dans une lettre rendue publique le 16 juillet, adressée à la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, les principaux représentants institutionnels, professionnels, syndicaux et associatifs de la psychiatrie publique (voir encadré) demandent un positionnement clair sur la possibilité pour les hôpitaux psychiatriques d'adhérer à plusieurs GHT. Ils sollicitent en effet l'attention de la ministre sur "le climat de confusion qui règne au sujet des conditions de mise en œuvre" de ces groupements dans le champ de la psychiatrie (lire ci-contre).
Des motions de CME se multiplient en région
Si les interpellations du ministère se sont poursuivies jusqu'à cet automne, donnant lieu à une réponse écrite de Marisol Touraine en date du 16 octobre (lire partie 4 du dossier), plusieurs CME de CH spécialisés ont adopté dans le même temps, au fil de ces derniers mois, des motions pour réclamer des GHT psychiatriques. Fin septembre, la Conférence des présidents et vice-présidents de CME des établissements exerçant en psychiatrie de Rhône-alpes votent une motion alertant sur les contraintes budgétaires pesant sur la discipline. Elle indique alors que les GHT "ne sauraient s’envisager qu’à la condition de préserver les moyens de la psychiatrie et de défendre la diversité de ses organisations et de ses structures territoriales". À cette fin, elle demande donc "la constitution de GHT psychiatriques qui réunissent l’ensemble des établissements de santé ayant une activité en psychiatrie sur un territoire donné". Au même moment, la communauté médicale de l'EPS Ville-Évard à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis) fait savoir qu'il n'est pas question d'intégrer le futur GHT préfiguré par l'ARS d'Île-de-France avec le CHI André-Grégoire de Montreuil, le CHI Robert-Ballanger d'Aulnay-sous-Bois et le GHI Le Raincy-Montfermeil. Elle explique notamment que "la psychiatrie n'est pas une spécialité mais une discipline médicale au même titre que la médecine, la chirurgie et l'obstétrique". "Elle nécessite une organisation spécifique", tonnent les auteurs. Ils estiment qu'un GHT "consiste à faire rentrer la psychiatrie dans une caricature aggravante de l'hospitalo-centrisme alors même que notre discipline traite actuellement les quatre cinquièmes de ses patients en ambulatoire". La communauté médicale du CH Léon-Grégory de Thuir (Pyrénées-Orientales) s'élève elle aussi dans une motion contre "la fusion de la psychiatrie dans les disciplines MCO au sein de GHT limitées (...) aux prises en charges brèves hospitalo-centrées". Elle souhaite être l'établissement support d'un GHT associant les représentants des usagers, les établissements et services sociaux et médico-sociaux, les cliniques psychiatriques du département et les conseils locaux de santé.
Des inquiétudes sur les financements et les moyens
Sans exclure de conclure des partenariats ou associations avec des GHT constituées d'établissements MCO, afin de structurer les interfaces MCO-psychiatrie, des CH spécialisés ou EPSM revendiquent également des GHT spécifiques. La CME et plusieurs chefs de pôle du CH Esquirol à Limoges (Haute-Vienne) demandent ainsi la création d'un groupement "constitué par les établissements sanitaires et médico-sociaux spécialisés", jugeant qu'un groupement "généraliste englobant la psychiatrie est inadapté" à leur territoire et comporte un "risque de dissolution des ressources" allouées à la psychiatrie. Selon eux, un GHT dédié permet de remplir "toutes les missions" de la psychiatrie, en particulier celles spécifiques, par exemple les soins sans consentement, en lien avec les acteurs institutionnels concernés. Le 15 octobre dernier, la CME du CH des Murets (Val-de-Marne), vote elle aussi pour "préserver les budgets alloués à la psychiatrie et le maintien d'effectifs soignants nécessaires à la qualité et la sécurité des soins". Du côté de la Creuse, la communauté médicale du CH de La Valette à Saint-Vaury estime elle aussi "dommageable" la création d'un GHT généraliste "du fait de financements différents" (dotation globale en psychiatrie versus T2A pour le MCO), avec un "risque très probable de déviation de budget" vers les services de MCO, de non-renouvellement de personnel et de formation limitée. Bref, au "détriment de la psychiatrie, qui deviendra secondaire et non prioritaire".
Des dérogations aux GHT parfois demandées
Le 22 octobre, la CME du CH Henri-Laborit de Poitiers (Vienne) demande même via une motion une dérogation d'appartenance à un GHT "au vu du diagnostic de territoire et pour préserver l'organisation territoriale de la psychiatrie et les partenariats spécifiques nécessaires au parcours de soins des personnes atteintes de troubles psychiatriques". Ceci sans renoncer, comme le prévoit la loi, à être associée au groupement constitué par les établissements MCO du département pour les domaines du projet médical qui le concernent. Pour l'EPS Barthélémy-Durand, à Étampes (Essonne), il n'a pas en revanche semblé pertinent de solliciter une dérogation à la participation à un GHT "bien que le texte de loi ouvre cette possibilité du fait de sa position spécifique sur le territoire de l'Essonne et du sud de l’Île-de-France", a indiqué la direction àHospimedia. La CME et le collège médical ont souhaité s'exprimer officiellement en votant à l'unanimité une motion en faveur d'un GHT psychiatrique du sud de l'île de France (lire partie 3 du dossier) et contre l'intégration de l'EPS à un GHT MCO du 91. Une position suivie par le conseil de surveillance, ainsi que par le député maire d'Étampes. "Chacun de ces acteurs a souhaité communiquer sa position à l'ARS et au ministère". L'inquiétude majeure à cette intégration dans un groupement se fonde, comme celui de Ville-Évrard, d’une part "sur l’analyse des enjeux locaux" des établissements MCO sur le territoire "(restructuration, fermeture d’activité, contrainte budgétaire majeure…) dont le développement de l’activité de psychiatrie n’est pas une priorité" et, d'autre part, "sur l’absence de sanctuarisation des crédits alloués à la santé mentale".
Une alerte nationale collective lancée en juillet à Marisol Touraine
Les signataires du courrier adressé à Marisol Touraine sont : Pierre Thomas, président du Collège national des universitaires de psychiatrie ; Annick Perrin-Niquet, présidente du Comité d’études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie (Cefi-Psy) ; Christian Müller, président de la Conférence nationale des présidents de CME de CH spécialisés ; Michel Triantafyllou, président du Syndicat des psychiatres d'exercice public (Spep) ; Norbert Skurnik, président de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp) ; Marc Bétrémieux, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) ; Bernard Granger, président du Syndicat universitaire de psychiatrie (SUP) ; Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy) ; Béatrice Borrel, présidente de l'Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam).
Partie 2/4
Marisol Touraine assure que le projet de loi permettra de créer des GHT consacrés à la psychiatrie
Que prévoit précisément le projet de loi sur les futurs groupements hospitaliers et coopérations pour les établissements spécialisés en psychiatrie ? Au delà des assurances récentes données par Marisol Touraine sur la possibilité de GHT consacrés à la psychiatrie, restent les décrets d'application et le champ qui sera donné aux ARS.
Dès l'automne 2014, alors que la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT) a commencé à être évoquée dans le cadre des travaux préparatoires au projet de loi de Santé, les acteurs de la psychiatrie publique ont été en alerte. Quid des établissements psychiatriques dans ces GHT ? Quid des spécificités liées à cette discipline au sein de GHT pluridisciplinaires ? Ces acteurs ont donc été particulièrement attentifs aux déclarations de la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, lors de sa visite au CH Sainte-Anne à Paris, en septembre 2014 (lire ci-contre). La ministre a annoncé à cette occasion avoir entendu des craintes s'exprimer. "Que les choses soient claires : le principe de l'appartenance d'un établissement de santé à un seul GHT ne s'appliquera pas aux établissements publics de santé mentale" (EPSM), annonce-t-elle. Mais, en mai 2015, le rapportintermédiaire de la mission GHT conduite par Jacqueline Hubert et Frédéric Martineau à la demande du ministère préconise pour sa part qu'il "n'est pas souhaitable de voir se développer des GHT de spécialité". Ils soulignent que l’élaboration du projet médical partagé constituera une étape critique dans la constitution des groupements et que ce projet "se doit donc d’intégrer toutes les spécialités, sans exception". Les rapporteurs soulignent que c'est à ce titre qu'ils ont "proposé un amendement spécifique [au projet de loi de Santé] garantissant que les établissements publics spécialisés en santé mentale s’inscrivent dans un GHT, tout en pouvant par ailleurs, avec leurs autres partenaires (secteur ambulatoire, secteur privé), continuer d’organiser des complémentarités".
Création de communautés psychiatriques de territoire
Le projet de loi de Santé a en effet été amendé sur les GHT, pour la psychiatrie, lors de son passage en 1re lecture à l'Assemblée au printemps 2015. Une version qui a de grandes chances de figurer dans la loi définitivement votée. Les députés auront le dernier mot dans la nouvelle navette parlementaire consécutive à l'échec d'un texte de compromis en commission mixte paritaire (CMP) le 27 octobre dernier. Au palais Bourbon a en effet été adopté fin mars unamendement gouvernemental à l'article 13 indiquant que "les établissements de service public hospitalier signataires d’un même contrat territorial de santé mentale peuvent constituer entre eux une communauté psychiatrique de territoire pour la définition et la mise en œuvre de leur projet médical d’établissement selon des modalités définies par décret". D'autre part, à l'article 27 créant l'obligation aux établissements publics de santé d'appartenir à un GHT, c'est unamendement du député Denys Robiliard (SRC, Loir-et-Cher), adopté, qui complète le nouveau dispositif. Le texte amendé prévoit que "les établissements publics de santé autorisés en psychiatrie peuvent, après accord du directeur général (...) [de l’ARS] dont dépend l’établissement support du GHT concerné, être associés à l’élaboration du projet médical de groupements auxquels ils ne sont pas parties", dans le cadre des communautés psychiatriques de territoire. Mais, malgré ces amendements, des inquiétudes ont continué à sourdre dans les communautés médicales d'établissements spécialisés en psychiatrie, de directeurs d'hôpitaux et syndicats de psychiatres, sur la place qui serait donnée à la psychiatrie dans la future organisation sanitaire sur le territoire et le maintien d'une spécificité du secteur.
Des GHT psychiatriques conditionnés au diagnostic territorial
À la suite des courriers envoyés à plusieurs reprises au ministère, par l'Association des établissements participant au service public de santé mentale (Adesm), par exemple, Marisol Touraine a exprimé sa position le 16 octobre dans un message écrit dont Hospimedia a eu copie. Celui-ci a été adressé à plusieurs destinataires, parmi lesquels la la Conférence des présidents des CME de CH spécialisés et le Collège national des universitaires de psychiatrie. Elle insiste sur le fait que la lecture du projet de loi "ne doit souffrir d'aucune ambiguité". Marisol Touraine souligne que les établissements publics de santé spécialisés en psychiatrie "doivent être membres d'un GHT sauf exception tenant à leur spécificité dans l'offre de soins territoriale". Et de poursuivre en assurant : "le projet de loi permet la constitution de GHT dédiés à la psychiatrie dès lors que le diagnostic territorial conduit en lien avec l'ARS le justifie". Elle ajoute que "le préalable à tout GHT est celui de la construction par les équipes médicales d'un projet médical commun". La ministre explique par ailleurs avoir "enrichi les modalités de coopération existantes (...) par la création de communautés psychiatriques de territoire" (CPT). Ces communautés "sont destinées à permettre à plusieurs établissements exerçant une activité de psychiatrie et qui ne seraient pas membres d'un même GHT, de construire un projet médical commun pour cette discipline". Grâce à elles, "l'ensemble des établissements exerçant une activité de psychiatrie inscrits dans une dynamique territoriale hospitalière polyvalente dans le cadre des GHT pourront préserver des partenariats spécifiques nécessaires aux parcours de soins des personnes atteintes de troubles psychiatriques". Marisol Touraine indique faire confiance "aux territoires et à leurs acteurs pour engager les coopérations pertinentes en mettant en œuvre les outils les plus adaptés aux réalités de terrain". Enfin, elle s'engage "à ce que la plus grande vigilance soit assurée s'agissant des financements alloués à la psychiatrie". "Des travaux seront très prochainement engagés", affirme-t-elle, "afin d'étudier les conditions d'une meilleure identification de ces financements tant au sein des établissements autorisés en psychiatrie que dans les futurs GHT".
Des enjeux clés à surveiller pour les acteurs de la psychiatrie
Qu'ils soient rassurés ou non par les assurances données par la ministre, les partisans d'éventuels GHT dédiés à la psychiatrie devraient donc désormais porter leur attention sur deux enjeux clés : l'élaboration des décrets d'application des GHT et des CPT ; l'élaboration des diagnostics territoriaux par les ARS, pour justifier d'une organisation spécifique pour les établissements spécialisés. D'ailleurs, dans un communiqué commun le 30 octobre, les principaux représentants institutionnels, professionnels, syndicaux et associatifs de la psychiatrie publique* prennent acte de la volonté exprimée par la ministre "que soit prise en compte la spécificité territoriale de la discipline". Ils seront à cet égard "particulièrement vigilants à ce que l'ensemble des orientations mentionnées par la ministre se traduisent concrètement dans les dispositifs de soins et de prévention mis en œuvre par la DGOS, la DGS et les ARS dans les territoires pour la psychiatrie et la santé mentale", écrivent-ils. L'accent mis sur les CPT, "qui devraient être généralisées, confirme la pertinence de ces dispositifs qui ont vocation à réunir, autour d'un contrat et de projets territoriaux, l'ensemble des acteurs et établissements exerçant une activité de psychiatrie, en y associant les institutions médico-sociales", commentent les co-signataires. Enfin, ces derniers, "très préoccupés de la constante dégradation" du financement de la psychiatrie, ne peuvent qu'approuver l'annonce de "la mise en place prochaine de travaux sur le sujet mais tiennent à renouveler avec force leur demande que ceux-ci s'inscrivent plus largement dans le cadre d'un comité national de pilotage de la psychiatrie et de la santé mentale". Un comité qu'ils appellent de leur vœux depuis maintenant plusieurs années et dont l'installation est d'ailleurs prévue dans le plan psychiatrie et santé mentale (PPSM) 2011-2015.
Un communiqué commun des principaux acteurs de la psychiatrie publique
Les signataires du communiqué en réponse à la lettre de Marisol Touraine sont : Pierre Thomas, président du Collège national des universitaires de psychiatrie ; Annick Perrin-Niquet, présidente du Comité d’études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie (Cefi-Psy) ; Christian Müller, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissement (CME) de CH spécialisés ; Michel Triantafyllou, président du Syndicat des psychiatres d'exercice public (Spep) ; Norbert Skurnik, président de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (Idepp) ; Marc Bétrémieux, président du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH) ; Bernard Granger, président du Syndicat universitaire de psychiatrie (SUP) ; Claude Finkelstein, présidente de la Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (Fnapsy) ; Béatrice Borrel, présidente de l'Union nationale de familles et amis de personnes malades et/ou handicapées psychiques (Unafam).
Partie 3/4
Les appétences des ARS à se saisir de la question de GHT en psychiatrie se révèlent contrastées
La propension des ARS à engager des travaux sur la pertinence d'éventuelles GHT de psychiatrie apparaît très inégale selon les régions. Des raisons diverses sont avancées : la prématurité du débat alors que les ARS se réorganisent et que la loi de Santé n'est pas encore votée. Parfois, on confie que la question est "taboue" ou encore "politique".
Sans prétendre rendre compte de l'exhaustivité des cas de figure dans les différentes régions, une enquête menée par Hospimedia auprès de l'ensemble des ARS cette dernière quinzaine d'octobre révèle que l'appétence de ces dernières à vouloir se saisir de la question d'éventuels groupements hospitaliers de territoires (GHT) dédiés à la psychiatrie est très inégale. Si toutes les ARS semblent avoir engagé des travaux sur les futurs GHT, une bonne partie annonce n'avoir pour l'heure travaillé qu'avec les établissements MCO. Certaines balaient la question de GHT spécifiques en arguant que celle-ci est prématurée, compte tenu que la loi de Santé n'est même pas encore votée définitivement. Ou justifient leur absence de réponse sur cette problématique par le chantier "prioritaire" de la réorganisation des ARS dans le cadre de la réforme territoriale (quand bien même leur région n'est pas touchée par la réforme, NDLR). Certaines directions d'ARS affichent pour leur part ouvertement que la psychiatrie et la santé mentale sont une priorité dans leur région et communiquent volontiers sur la question. A contrario, d'autres confient "en off" que la psychiatrie est une "question taboue". Une ARS signale avec un pragmatisme désabusé que la question d'un groupement aurait pu se poser dans la région mais que les principaux CH spécialisés "ont beaucoup de mal à travailler ensemble". Enfin, des responsables de FHF régionales confient que, comme pour toute réorganisation hospitalière envisagée, les enjeux sont "politiques" et que les élus locaux montrent naturellement au créneau par crainte que les établissements de santé présents dans leurs circonscriptions ne sortent perdants de la réforme et agitent le spectre des pertes d'emploi ou de dotations éventuelles. Signe avant-coureur qu'une situation contrastée était naturellement prévisible, toutes les ARS ne disposent toujours pas à ce jour de responsable référent dédié pour la psychiatrie. Une situation déjà décrite dans une enquête présentée en 2013 lors de la 2e journée "Actualité et enjeux de la psychiatrie et de la santé mentale", organisée par la FHF (lire ci-contre).
Ce panorama global étant posé, voici quelques focus sur des situations à ce jour en région, en gardant à l'esprit que celles-ci seront naturellement appelées à évoluer dans les prochains moins, avec la promulgation du cadre législatif définitif et l'avancée des concertions nationales et régionales.
Alsace
Au sein de l'ARS Alsace, un médecin est chargé des questions spécifiques à la santé mentale et psychiatrie. L'agence a engagé des travaux sur les GHT et un projet d'organisation régional a été présenté en février 2015. Dans ce projet, l'agence envisageait une GHT de psychiatrie dans le Bas-Rhin mais l'hypothèse n'aurait, en définitive, pas été retenue par la FHF régionale. En ce qui concerne le CH de Rouffach, il n’est pas envisagé de s’inscrire dans un GHT psychiatrique, indique à Hospimedia la direction du CH. L'établissement "œuvre sur deux territoires alsaciens de tailles équivalentes" (l’un centré sur Colmar, l’autre sur Mulhouse). Il est prévu de s’entendre avec les établissements MCO de ces villes, qui gèrent également des secteurs psychiatriques, sur des projets médicaux pour "améliorer en commun la prise en charge urbaine des malades et développer encore plus une psychiatrie dans la communauté".
Basse-Normandie
La FHF Basse-Normandie indique que des travaux sont engagés sur les GHT avec des EPSM associés à la démarche et qu'une "très prochaine réunion régionale de tous les établissements afin de proposer des principes fondateurs aux groupements" doit se tenir. Une réunion régionale spécifique aux EPSM (privés et publics) "s’est tenue tout dernièrement et d’autres rencontres sont à venir", précise la fédération régionale. Mais les travaux ne sont pas encore aboutis et des échanges sont encore programmés entre l'ARS, les établissements de santé MCO et les EPSM d'ici la fin novembre.
Bourgogne
L'ARS Bourgogne annonce avoir fait de la santé mentale "une de ses priorités stratégiques". Pour ce faire, deux chefs de projet ont été désignés, des conseillères techniques du directeur de l'organisation des soins, un médecin et un cadre administratif. Une instance régionale de psychiatrie et de santé mentale a par ailleurs été mise en place, regroupant l'ensemble des acteurs, et quatre groupes de travail ont été installés. Des travaux sur les groupements hospitaliers sont engagés depuis deux ans maintenant et six GHT ont été définis, sur la base du schéma régional de l'organisation des soins (SROS). Sur la place de la psychiatrie, "plusieurs alternatives ont été proposées" aux établissements et l'ARS leur a demandé, ainsi qu'à l'Association des établissements participant au secteur public de santé mentale (Adesm), de faire une proposition. À ce stade, la position régionale serait que chaque CH spécialisé (CHS) intègre le GHT MCO de son territoire mais qu'au niveau régional puisse être mise en place une structure régionale de la psychiatrie et de la santé mentale, sous forme d'association par exemple.
Bretagne
L'ARS Bretagne, qui dispose d'un responsable référent en psychiatrie, a engagé des travaux sur les GHT depuis 2014 mais ces travaux n'ont pas intégré l'association des hôpitaux psychiatriques à ces groupements. Des travaux sur des GHT dédiés à la psychiatrie ne seraient pas parvenus à l'ARS de la part des établissements publics de santé mentale (EPSM) de la région.
Champagne-Ardenne
La FHF Champagne-Ardenne a lancé des travaux associant les EPSM aux GHT "généralistes, de même que les Ehpad autonomes qui le souhaitent". Aucune démarche n'a été lancée pour des GHT spécialisés en psychiatrie, annonce-t-elle, précisant que de tels groupements ne paraissaient pas "cohérents pour la plupart des directeurs, même d'EPSM, pour la majorité d'entre eux".
Corse
Dans l'île de Beauté, il n'y a qu'un EPSM, à Castelluccio en Corse-du-Sud. Au Nord, les secteurs de psychiatrie sont rattachés au CH de Bastia (Haute-Corse). À la suite de travaux avec la direction générale de l'ARS de Corse, il a été décidé que le CH de Castelluccio sera rattaché au GHT Sud et le GHT du Nord intégrera l'offre sectorisée liée au CH de Bastia, selon une logique départementale, a indiqué la FHF de Corse.
Franche-Comté
L'ARS Franche-Comté a engagé des travaux sur les futurs GHT dès janvier 2015 et souhaite l'intégration de la psychiatrie dans les GHT MCO, indique la direction du CHS du Jura. Par ailleurs, des travaux sur des GHT psychiatriques ont été engagés entre les établissements spécialisés de Bourgogne-Franche-Comté sous l'égide des délégués des deux régions, en lien avec les établissements MCO. Le CHS du Jura signale que leur CME n'a pas voté de motion sur les GHT mais se prononce favorablement pour un GHT psychiatrique et/ou une communauté psychiatrique de territoire, sous forme associative.
Île-de-France
En Île-de-France, l'ensemble des établissements de santé, y compris psychiatriques, participent à la réflexion sur les futurs GHT, fait savoir la FHF francilienne. Et des travaux ont été engagés sur l'éventualité de GHT psychiatriques, car des demandes sont parvenues à la fédération d'établissements spécialisés de la région. Selon d'autres sources, l’ARS a engagé des travaux sur les futurs GHT depuis fin 2014 mais les hôpitaux psychiatriques n'ont pas été sollicités pour les découpages envisagés. Des échanges à l’échelle des départements ont donc eu lieu avec l’ARS au début de l’été et ont été poursuivis en septembre sous l'égide de la FHF. Initialement, l’ARS "a affiché une volonté forte d’intégrer de manière systématique les établissements psychiatriques non parisiens aux GHT généralistes", informe le directeur d'un EPSM. Et de préciser : "Si leur position n’a pas à ce jour fondamentalement évolué, les responsables de l'ARS ont ouvert la porte au dialogue". L'ARS envisagerait à ce jour deux GHT uniquement psychiatriques : un GHT pour la psychiatrie parisienne autour du CH Sainte-Anne (l'actuelle CHT) et un GHT spécialisée sur les départements du Sud de Paris, dont le périmètre ne fait pas encore consensus. Ce projet pourrait par exemple réunir les établissements spécialisés de l'Essonne, du Sud des Hauts-de-Seine et de l'ouest du Val-de-Marne. À ce stade, l'EPS Barthélémy Durand à Étampes (Essonne), la Fondation Vallée à Gentilly (Val-de-Marne) et l'EPS Erasme à Antony (Hauts-de-Seine) sont "aujourd'hui fortement mobilisés en faveur du GHT psychiatrique" du Sud parisien.
Midi-Pyrénées
Les travaux conduits par la FHF en Midi-Pyrénées sont partis d’une analyse des coopérations en cours et en projet au sein de la région, en interrogeant tous les CH quelque soit leur activité, signale la fédération. Les hôpitaux psychiatriques de la région ont donc "naturellement été intégrés" à l’analyse et à ces travaux. Mais aucun travail spécifique n'a été conduit pour la psychiatrie, du fait du "faible nombre d'établissements ayant cette seule activité (deux CH)". Si aucune demande à ce stade n'est parvenue à la fédération sur des GHT dédiés, la mobilisation de l'Adesm au niveau national pourrait cependant "conduire à de telles demandes et n'exclut pas d'engager une réflexion spécifique".
Limousin
L'ARS du Limousin, en attente de la "stabilisation définitive de la loi de Santé", ne souhaite pas communiquer sur le sujet. De plus, en cours de fusion avec les ARS Aquitaine et Poitou-Charentes, l'agence estime qu'il convient d'attendre la position commune qui sera adoptée par la nouvelle ARS issue de cette fusion.
Lorraine
Pour l'ARS Lorraine, il est encore "prématuré" d'évoquer le sujet des GHT puisque le projet de loi de Santé n'est pas encore voté et que les décrets d'application restent à écrire. La FHF de Lorraine signale pour sa part que des discussions sur les GHT ont été engagées mais seulement dans le secteur MCO. La Conférence des présidents de CME de la région serait partisane d'un groupement pluridisciplinaire, dans lequel figurerait la psychiatrie, avec "peut être un statut particulier".
Nord-Pas-de-Calais
En Nord-Pas de Calais, le débat régional sur une évolution de l'organisation de la psychiatrie n'est pas encore engagé, signale le directeur de l'EPSM de l'Agglomération lilloise et délégué régional de l'Adesm, Jean-Marie Maillard. Cependant, une réunion associant les directeurs d'EPSM et les présidents de CME de la région est planifiée au début du mois de décembre, pour étudier les particularités régionales et proposer des pistes de travail à l'ARS en lien avec la FHF régionale. Soulignant que la ministre, Marisol Touraine, confirme dans son courrier que la loi permettra d'envisager des GHT selon les spécificités régionales, ainsi que les CPT (lire partie 2 du dossier), Jean-Marie Maillard indique que les propositions en région "seront vraisemblablement fondées sur cette nécessaire souplesse qui doit être laissée aux établissements pour proposer des évolutions adaptées à des organisations médicales concertées".
Outre-Mer
La FHF Océan Indien signale que pour la Réunion et Mayotte, les hôpitaux psychiatriques ont été intégrés dans les réflexions sur les futurs GHT. L'ARS Guyane souligne pour sa part qu'il n'existe pas d'EPSM sur son territoire mais des services de psychiatrie rattachés à un établissement de santé. Enfin, la FHF Pacifique Sud rappelle que la région, comprenant la Nouvelle Calédonie, Wallis et Futuna et Polynésie française, n'est pas soumise à la règlementation du ministère de la Santé : les compétences sont dévolues à leurs gouvernements, hormis l'agence de santé Wallis et Futuna, établissement public de l'État. Cependant, elle signale qu'en Nouvelle-Calédonie, les deux établissements MCO et l'EPSM ont initié une démarche de mutualisation de leurs services logistiques et "l'esquisse d'un projet médical partagé".
Pays de la Loire
Les travaux conduits sur les futurs GHT engagés depuis le début de l'année 2015, sous l'égide de la FHF Pays de la Loire (PDL), ont intégré "dans une réflexion globale les problématiques propres aux hôpitaux psychiatriques et de façon plus large, celle des services psychiatriques présents dans des hôpitaux généraux", informe la fédération régionale. Elle souligne que "l'ensemble des acteurs de la psychiatrie publique a largement été associée et a pu prendre part aux débats et aux échanges organisés en région sur les GHT". Alors que la commission médicale d'établissement (CME) du CHS de la Sarthe a fait savoir qu'elle souhaitait constituer un groupement spécialisé pour le département ou demander une dérogation à l'obligation intégrer un groupement (lire partie 2 du dossier), la FHF régionale indique que "la position très particulière de cet établissement" n'est pas celle de la fédération et que les arguments propres à cet EPSM "ne sont ni repris, ni relayés par les acteurs de la psychiatrie publique des autres territoires de la région". Enfin, la fédération informe que ses instances "sont en cours de consultation sur la question des GHT, avec en perspective une convention régionale le 6 novembre prochain qui se prononcera très officiellement sur le sujet".
Picardie
L'ARS Picardie fait savoir qu'elle compte un référent thématique transversal en son sein. Une réunion de réflexion a été présidée par le directeur général de l'ARS en début d'année 2015 avec les établissements de santé pilotes des actuelles CHT pour envisager l'évolution du dispositif de coopération en général et plus particulièrement les possibilités de modulation du périmètre géographique dans ce cadre. À ce jour, un établissement de santé mentale (sur trois en Picardie) est membre d'une CHT et les deux autres sont au mieux sont associés aux CHT existantes. L'idée de GHT psychiatrique a pu être évoquée par certains établissements publics de santé mentale (EPSM) mais, à ce stade, la réflexion n'a pas été approfondie en ce sens, selon l'ARS. Dans le contexte de la réforme territoriale, la question de la création des GHT doit se poursuivre à l'échelle de la région Nord Pas de Calais Picardie. La FHF Picardie signale qu'elle n'a pas été saisie de demandes d'EPSM sur ce sujet. Cependant, elle informe que le délégué régional de l'Adesm va saisir les directeurs des CHS picards pour connaître leur position quant à une demande éventuelle de GHT psychiatrique.
Provence-Alpes-Côte D'Azur (Paca)
L'ARS Paca, qui dispose d'une responsable référente en psychiatrie, signale laconiquement que "les travaux sont actuellement à l'étude" sur la question d'un éventuel GHT. La FHF Paca informe pour sa part qu'elle a constitué un groupe de travail médico-administratif avec l’ARS sur le thème des GHT depuis la fin 2014 qui s’est réuni à plusieurs reprises, avec, dés le départ une réflexion portant à la fois sur le MCO et la psychiatrie. Une majorité des acteurs de la psychiatrie en région, ont exprimé leur préférence à appartenir à des GHT généralistes plus tôt qu’à des GHT spécialisés, signale la FHF régionale, qui précise qu'un seul établissement serait favorable à un GHT spécialisé. La fédération est donc a priori favorable à des GHT comprenant MCO et psychiatrie mais tient à rappeler que "les arbitrages définitifs relèvent du pourvoir planificateur de l’ARS, appliquant la politique voulue par le Ministère qui ne semble pas avoir définitivement tranche ce sujet". Le directeur du CH Édouard Toulouse à Marseille, Gilles Moullec, membre du bureau national de l'Adesm, annonce à Hospimedia que la CME de l'établissement a adopté le principe d'une motion, qui sera adoptée le 10 novembre. L'Adesm défend en effet dans les Bouches-du-Rhône la pertinence d'un GHT spécialisé. Ce dernier regrouperait le CH Édouard Toulouse et le CH Valvert à Marseille, ainsi que le CH de Montperrin à Aix-en-Provence. À ce GHT seraient associés plusieurs membres : l'Assistance publique-hôpitaux de Marseille (AP-HM), le CH de Martiques et éventuellement le CH d'Arles.
Rhône-Alpes
Dès mai 2015, une préfiguration des GHT constitués a été distribuée aux directeurs d'établissement de Rhône-Alpes, ont indiqué à Hospimedia les directeurs de plusieurs hôpitaux, dans le cadre d'une démarche intitulée par l'ARS : "Dialogues stratégiques territoriaux". Des travaux spécifiques à la psychiatrie n’ont jamais été envisagés, signale un directeur de CH. Le seul GHT spécifiquement psychiatrique en Rhône Alpes aurait pu être entre le CH de Saint-Cyr au Mont d'Or et le CH du Vinatier (les hôpitaux étant situés dans le même département, le Rhône, et très proches de Lyon) mais ce projet n’a pas été envisagé ni par l’ARS, ni par les établissements. Le CH du Vinatier devrait être le seul hôpital à bénéficier d’une dérogation pour ne pas être dans un GHT et celui de Saint-Cyr au Mont d'Or devrait intégrer un GHT avec le CH de Villefranche-sur-Saône. Du côté du CH Alpes-Isère, on signale qu'une réflexion est initiée "sur l'arc alpin" sur un GHT psychiatrique, tout en souhaitant "dans ce cas de figure devenir membre associé des différentes GHT MCO".
Partie 4/4
Jacqueline Hubert, DG de CHU de Grenoble, co-rapporteur de la mission sur les GHT
Jacqueline Hubert, DG de CHU de Grenoble, co-rapporteur de la mission sur les GHT
"Si dans certaines configurations, les GHT psychiatriques se justifient, pourquoi pas...?"
Chargée par Marisol Touraine en décembre 2014 avec Frédéric Martineau d'une mission sur la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT), Jacqueline Hubert, directrice générale du CHU de Grenoble, évoque à la demande d'Hospimedia la question d'éventuelles créations de GHT psychiatriques.
Hospimedia : "Dans le rapport d'étape sur la mise en place des GHT remis en mai 2015 à Marisol Touraine, vous écrivez, avec Frédéric Martineau, qu'il n’est pas souhaitable de voir se développer des groupements de spécialité. Et que c'est à ce titre que vous avez proposé un amendement spécifique garantissant que les établissements publics spécialisés en santé mentale s’inscrivent dans un GHT...
Jacqueline Hubert : C'était effectivement notre point de vue, sur plusieurs aspects. L'un de ces aspects, c'est la mutualisation des moyens permise par ces GHT. Les hôpitaux psychiatriques, comme les autres, doivent faire des achats en commun, avoir une direction de l'information médicale (DIM) commune. On ne voit pas quelle spécificité ferait qu'ils n'intègrent pas cette mutualisation des moyens. Autre aspect, le parcours de soins. Nous avons expliqué que nous allions dédier des parcours au sein de ces GHT. Or s'il y a bien un parcours de soins qui se déroule au sein de plusieurs établissements, c'est le parcours de psychiatrie ! Par exemple, le patient qui arrive aux urgences pour une tentative de suicide va ensuite être pris en charge en psychiatrie générale ou en pédopsychiatrie s'il s'agit d'adolescents arrivés aux urgences pédiatriques. Alors, on pourrait faire des GHT de cardiologie, des GHT de cancérologie ? La psychiatrie est une discipline comme une autre... Tout aussi respectable que les autres disciplines, évidemment, et traitée comme les autres disciplines. Il y a des parcours qui sont divers et c'est la raison pour laquelle nous avions plaidé pour l'inscription des établissements spécialisés dans les GHT, tout en pouvant par ailleurs, avec leurs autres partenaires, continuer d’organiser des complémentarités. Cela n'interdit évidemment pas que les établissements psychiatriques s'organisent entre eux et aient des projets communs !
H. : Ils pourraient s'organiser entre eux précisément au sein d'un GHT psychiatrique...
J. H. : Je sais qu'à Paris, il y a une communauté hospitalière de territoire (CHT) de psychiatrie qui fonctionne très bien. À l'échelle de Paris, peut-être que ça se justifie tout à fait. Tout ce qui marche, il ne faut pas le casser... La loi va sans doute être votée ainsi, en stipulant que, dans des cas spécifiques, sur proposition de l'ARS, il peut y avoir des GHT de psychiatrie. Si dans certaines configurations géographiques ça se justifie, pourquoi pas. Mais il devra y avoir validation de l'ARS et ces GHT doivent se fonder sur un projet médical. Pour autant, les patients psychiatriques, dans leur parcours de soins, devront être également traités en MCO... Il faut en tenir compte. Mais de toute façon, en qualité de rapporteurs, nous donnons un avis, ce sont des préconisations. Nous ne sommes pas là pour revoir l'organisation de toute l'hospitalisation française !
H. : Justement, certains établissements souhaiteraient appartenir à un GHT psychiatrique et être associés à un GHT MCO. Est-ce envisageable ?
J.H. : Non, on ne peut pas appartenir à plusieurs GHT. On peut en revanche avoir un projet médical partagé avec plusieurs GHT, c'est toujours ce que nous avons toujours affiché. Ce qui est important, essentiel même, c'est le parcours patient. Qu'il y ait GHT de psychiatrie ou pas, il faudra quand même que le parcours du patient psychiatrique qui est à l'hôpital général soit décrit et qu'il y ait des collaborations entre le MCO et la psychiatrie ! Le parcours de psychiatrie, c'est un parcours comme un autre et le patient de psychiatrie est un patient comme un autre. Ce pour quoi nous plaidons, ce sont des parcours cohérents pour les patients et un égal accès aux soins sur le territoire.
H. : Certains CH spécialisés craignent d'être isolés au sein de GHT constitués d'établissements MCO. Ils allèguent une absence de sanctuarisation des crédits alloués à la psychiatrie et redoutent de voir leur sort lié à celui d'hôpitaux qui pourraient , selon leurs dires, combler leurs difficultés financières sur les budgets des EPSM.
J.H. : Je pense que ces établissements n'ont pas compris ce qu'est une GHT, puisque chacun garde sa personnalité morale — ce que d'aucuns ont pu nous reprocher— et chacun garde son budget. Donc je ne vois pas comment il pourrait y avoir confusion des genres. Dans les GHT, les établissements mutualisent les achats et un certain nombre de fonctions : c'est générateur d'économies ! Ils peuvent au contraire trouver un avantage financier dans la mutualisation. Que l'on m'explique comment les établissements MCO pourraient opérer une captation sur la dotation annuelle de financement (DAF) des établissements psychiatriques ? Ce n'est matériellement pas possible.
H. : Certains hôpitaux psychiatriques, détracteurs des GHT, avancent qu'entrer dans un tel groupement, c'est s'enfermer dans l'hospitalo-centrisme, alors que la psychiatrie travaille depuis des années à s'ouvrir sur la ville, le médico-social et les prises en charges ambulatoires, le parcours dans le cadre de la sectorisation. Les GHT sont-ils des structures hospitalo-centrées ?
J.H. : Je viens de sortir d'un congrès sur la télémédecine où l'on vient juste de dire l'inverse. Les GHT doivent justement, par la télémédecine, permettre de meilleures communications avec la médecine de ville... Le GHT ce n'est pas l'hospitalo-centrisme, c'est mettre une gradation des soins entre établissements publics, créer un groupe public pour une meilleure efficience. Cela n'interdit pas de parler avec les autres acteurs de soins, qui précisément entrent dans le parcours de soins ! Première étape, le GHT permet aux hôpitaux de parler entre eux, ensuite évidemment, avec les autres acteurs ! Je ne vois pas en quoi appartenir à un GHT serait plus aliénant que les structures hospitalières actuelles. En plus, ce n'est pas du tout la manière dont nous avons présenté les choses et dont nous allons essayer de les mettre en œuvre au travers de quelques modèles que nous allons mettre sur pied.
H. : Votre rapport de mai 2015 était qualifié de rapport intermédiaire. Quelle forme va désormais prendre votre mission ?
J.H. : Nous allons suivre le vote de la loi de Santé et les derniers amendements qui vont passer. Ensuite, nous aurons un regard sur l'élaboration des textes d'application et surtout sur l'élaboration de la boîte à outils, à destination des établissements, pour accompagner la mise en place des GHT. Avec le Dr Martineau, nous coordonnons les travaux de groupes multiples qui se penchent sur les achats en commun, le DIM commun, sur le projet médical de territoire, sur la convention constitutive, sur la télémédecine, etc. Actuellement, nous travaillons au modèle financier, qui est extrêmement important. Et nos préconisations seront finalisées dans les prochains mois, avec la sortie de cette boîte à outil très concrète".
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