Un collectif de 21 psychiatres d’Australie et de Nouvelle-Zélande lance un cri d’alarme sur l’avenir « inquiétant » de leur discipline dans ces pays. Dans l’hémisphère austral, l’enseignement universitaire de la psychiatrie semble en effet aussi préoccupant que sous nos latitudes, avec un «déclin » des vocations parmi les jeunes médecins, une situation préjudiciable pour la bonne continuité du secteur clinique et de la recherche. Mais pourtant, s’étonnent les auteurs, ces difficultés de recrutement des futurs spécialistes surviennent à une époque où les connaissances dans le domaine des neurosciences « connaissent paradoxalement un essor sans précédent ! »
L’attrait médiocre pour le métier de psychiatre ne se résume sans doute pas à une affaire d’argent, mais cet aspect du problème n’est pas négligeable. Les auteurs rappellent ainsi que les crédits pour les carrières dans la recherche et l’enseignement restent limités. En Australie, les salaires proposés vont généralement de 40 000 à 70 000 dollars australiens par an (27 000 à 48 000 euros) après cinq ans d’études dans la spécialité (en supplément des études de médecine, et après un à deux ans d’internat). Et en Nouvelle-Zélande, les postes sont encore moins nombreux et le « salaire maximal est de 80 000 dollars néo-zélandais » (55 000 euros, soit environ 4 500 euros par mois). Si ces salaires dans le milieu hospitalo-universitaire ne sont pas à dédaigner, ils ne peuvent pas rivaliser avec les perspectives de « meilleurs revenus » dans des cliniques privées ou des cabinets où «l’autonomie de pratique » est également un critère apprécié par les nouveaux psychiatres, indépendamment de la concurrence matérielle entre ces deux modes d’exercice.
Les auteurs ne se contentent pas de s’attrister sur cette faillite annoncée de la psychiatrie universitaire (et par ricochet de l’ensemble de la discipline, puisque les futurs spécialistes sont formés par leurs pairs engagés dans la voie de l’enseignement et de la recherche), mais suggèrent plusieurs pistes pour redresser cette situation « dangereuse » :
1°) Rendre l’enseignement « aussi gratifiant et stimulant que possible », et transmettre «la nature profondément passionnante des connaissances scientifiques » sous-tendant la psychiatrie.
2°) Présenter aussi aux étudiants le versant « positif » dans l’évolution des pathologies, c’est-à-dire montrer que l’état de certains patients peut s’améliorer, et ne pas se cantonner à la présentation (souvent intra-hospitalière) des troubles les plus graves où la chronicité des situations peut décourager les médecins et montrer surtout un tableau biaisé de l’ensemble des problématiques. De plus, les spécialistes en formation devraient pouvoir « participer à des activités académiques comme la recherche et l’enseignement dispensé aux étudiants en médecine. »
3°) Les pouvoirs publics doivent « s’assurer que la santé mentale dispose de ressources suffisantes » et considérer « la recherche en psychiatrie comme une priorité. »
4°) Les programmations budgétaires doivent « garantir la planification de la relève » (dans les postes d’enseignants (maîtres de conférences, professeurs, et professeurs agrégés : lecturers, senior lecturers, associate professors).
5°) Enfin, il est nécessaire (et cela dès l’école) de « mener des efforts collectifs pour déstigmatiser la maladie mentale », notamment grâce à des programmes comme Mindmatters[1] et Kidsmatter[2], car les ravages de la stigmatisation se répercutent aussi sur l’intérêt (ou le manque d’intérêt) porté à ce sujet par les professionnels.
Dr Alain Cohen
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