Mardi 28 janvier 2014
Le professeur Louis Jehel, chef du service de psychiatrie et psychologie médicale, psychotraumatologie et addictologie, à l'hôpital Pierre-Zobda-Quitman, revient sur l'affaire Vincent Lambert et la question de la fin de vie.
Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne) a suspendu, il y a quinze jours, la décision du CHU de Reims d'une euthanasie passive pour Vincent Lambert, un patient tétraplégique en état de conscience minimale, et dont le sort est au coeur d'un conflit familial. Comment réagissez-vous en tant que médecin à une telle décision ?
On se retrouve dans une situation aberrante dans la mesure où c'est un tribunal administratif qui intervient sur une décision strictement médicale. Un tribunal administratif n'a pas la compétence médicale pour savoir quelle est la bonne décision à prendre. Il peut simplement se prononcer au vu des procédures, et donc sur la forme, mais il ne peut pas intervenir sur le contenu. Or, c'est ce qui se produit puisqu'il se prononce sur une décision médicale et vient la modifier, en se substituant à la difficulté de faire entendre quelque chose de commun aux différents membres de la même famille.
Qui doit décider de la fin de vie d'un patient majeur ? Sa famille, l'équipe médicale ? Doit-on prendre en compte le souhait du malade, même s'il remonte à plusieurs années ?
Lorsqu'on peut effectivement retrouver la trace écrite ou orale d'un message d'une personne sur son intention de ne pas voir prolonger les soins au-delà du raisonnable face à la gravité d'une situation, c'est extrêmement précieux. Cependant, certaines personnes de la famille préfèrent garder un doute avec l'idée qu'il faut persévérer jusqu'au bout pour maintenir l'espoir d'une réanimation efficace. Mais c'est vraiment l'équipe médicale qui a la connaissance de l'état de santé et des ressources possibles pour déterminer jusqu'où on peut aller au vu des éléments de compréhension dont elle dispose. C'est bien là toute la complexité de l'exercice. C'est pourquoi il est important que ce soit une équipe médicale expérimentée, et pas un seul médecin, qui interagisse avec la famille, avec des temps de rencontres et de discussions suffisamment approfondis, pour faire partager à la famille les éléments de connaissance de la situation et ce qui est possible ou non. Ce n'est pas la famille qui possède ces éléments de connaissance et les perspectives possibles de vie du malade, mais uniquement l'équipe médicale, la famille donne son ressenti et sa perception de la situation avec l'interférence des liens affectifs avec le patient, la représentation qu'elle peut se faire de la détresse traversée par cette personne et ses propres croyances.
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