24/01/14 En faisant l'acquisition de la plateforme de téléconsultation Lim Star à visée gériatrique, l'Ehpad creusois de Chambon-sur-Voueize prend une longueur d'avance sur de nombreux établissements. L'expérimentation de téléconsultation en psycho-gériatrie est suivi de près par l'ARS Limousin et le Conseil général de la Creuse.
C'est dans un cadre campagnard, plutôt plaisant même en plein hiver, que l'Ehpad et Service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) Le chant des rivières de Chambon-sur-Voueize (Creuse) prend place à 25 kilomètres de Montluçon. Intégré au cœur du village, seuls manquent à ce tableau les professionnels de santé. Un projet* de maison de santé dans le voisinage de l'Ehpad existe, mais cela n'est encore qu'un projet. En prenant la direction du Chant des Rivières, Gaële Jackson, directrice de l'Ehpad, a en quelque sorte souhaité faire venir coûte que coûte les médecins dans son établissement. Et pourquoi pas virtuellement ?
Une plateforme tout en discrétion
Au fond d'une pièce dédiée, un chariot blanc sur roulettes où trône un écran d'ordinateur, une webcam et des outils médicaux connectés passeraient presque inaperçus. Il s'agit d'une plateforme de télémédecine baptisée "Lim Star" conçue par la société alsacienne Néolinks. La pièce de l'Ehpad qui accueille cette plateforme comporte ce chariot, quelques chaises et une petite table, rien d'extraordinaire à première vue. Et pourtant ce matériel innovant semble devoir insuffler une vraie révolution de la prise en charge des résidents de l'Ehpad de Chambon-sur-Voueize. En s'approchant de l'objet, on aperçoit un clavier lisse lavable pouvant être facilement désinfecté mais aussi un stéthoscope, un dermatoscope ou encore un otoscope. Bientôt, l'Ehpad devrait acquérir un échographe pour compléter la panoplie. Tous ces outils d'examen clinique sont reliés à un ordinateur, de façon à pouvoir transférer les données qu'ils collectent. Un lit permet de réaliser des consultations de résidents couchés.
L'Ehpad précurseur pourrait aussi servir d'exemple plus largement sur le territoire, souligne Valérie Simonet, présidente du Pays de Combraille-en-Marche (mais aussi maire de Bussière-Nouvelle et conseillère générale). Une vision prospective largement partagée par Patrice Dubreil, directeur de la délégation territoriale de l'ARS Limousin en Creuse.
Des outils connectés
À l'Ehpad, Monsieur X s'est prêté à une démonstration de téléconsultation dermatologique virtuelle. Il n'en est pas à sa première : les équipes de télévision de France 3 se sont intéressées à l'expérimentation. Il s'assoit sans rechigner dans la chaise face à l'écran d'ordinateur. Une fois installé, son accompagnatrice pour la séance règle la visio caméra pour que la tête du résident-patient apparaisse dans l'encart à droite. En fond d'écran, pour la démonstration, Madeleine Bourzeau salue le patient, et la séance peut commencer. Le résident cobaye reconnaît la cadre de santé et il lui sourit. S'il s'agissait d'une vraie consultation, le patient au préalable aurait signé un document de "consentement éclairé". Outre l'identité du résident et la date, deux phrases constituent ce document : "J'ai été informé des modalités de la consultation que je vais avoir avec le docteur X le X" et "Je donne mon accord et accepte le procédé de téléconsultation". Sur le chariot, les divers matériaux d'aide à la consultation sont connectés. Pour cette pseudo-visite dermatologique c'est le dermatoscope qui sera utilisé pour zoomer sur le bouton que le patient veut montrer au professionnel... ce dernier en ligne enclenche la prise de photographies afin d'étudier le cas et de proposer un diagnostic... De son côté, le patient-résident semble faire abstraction de la machine. Naturellement, à terme, les médecins auront recours à une messagerie sécurisée, signale Gaële Jackson.
La télémédecine au fil de l'eau
Cet outil va donc permettre à l'Ehpad creusois d'expérimenter la télémédecine mais aussi la télexpertise. Il peut ainsi permettre à deux professionnels de santé de se consulter. Pour l'instant, l'établissement a franchi un premier pas en se dotant de ce chariot, mais le cadre d'utilisation reste à construire. Et surtout, il faut maintenant contractualiser avec les médecins, former les utilisateurs de la plateforme et lever quelques tabous. Premier constat, les postulats de départ font consensus. Le manque de médecins, mais aussi le gain de confort pour les résidents fragilisés qui ne sont plus obligés de se déplacer, ont été confirmés par les premières utilisations de la plateforme de télémédecine.
L'Ehpad a déjà mis en place des téléconsultations en contractualisant avec le CH de Saint-Vaury pour le suivi psycho-gériatrique. Cinq résidents peuvent ainsi consulter une fois tous les quinze jours un spécialiste. La première consultation s'est déroulée de visu. Le suivi à distance mis en place se fait maintenant au même rythme que des consultations traditionnelles mais dans l'établissement, et sans les difficultés liées aux transports de résidents, rapporte la directrice.
Quant au financement, là aussi il faudra être innovant. Pour l'instant, l'établissement étant soumis au forfait global, les consultations de psycho-gériatrie ont donc pu être mises en place sans difficulté. Pour ouvrir la plateforme à d'autres consultations avec recours aux outils téléconnectés, il reste encore à construire autour de la plateforme un plan médical, à passer des conventions avec les établissements et les spécialistes, à définir une liste des pathologies et des téléconsultations envisageables. Mais aussi à définir avec les caisses d'assurance maladie des modalités de facturation. La plateforme prévoit d'ailleurs un accès carte vitale.
Le chantier ouvert à l'Ehpad de Chambon-sur-Voueize peut paraître gigantesque. Seulement, le contexte oblige l'établissement creusois à avancer. La directrice souligne en effet que la démographie médicale, et tout particulièrement les médecins généralistes et spécialistes, font cruellement défaut sur le territoire. Le seul médecin généraliste encore en activité à Chambon-sur-Voueize devrait prendre prochainement sa retraite. Qui le remplacera ? Par ailleurs, les résidents de l'Ehpad sont parfois fortement dépendants. Les consultations à l'extérieur se présentent aussi comme de véritables épreuves. L'expérimentation de la plateforme est suivie de près par l'ARS et le Conseil général. Autre argument de poids, le prix de la plateforme. Le coût de l'expérimentation revient à moins de 50 000€, subventionnés à moitié par le Fonds européen de développement régional (Feder) Massif central. Reste à convaincre les professionnels.
Lydie Watremetz, à Chambon-sur-Voueize
*Le Pays de Combraille-en-Marche porte un projet de pôle de santé constitué de 4 zones infra-territoriales sur Boussac, Evaux-les-Bains/Chambon sur Voueize, Chénérailles et Auzances.
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