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jeudi 10 octobre 2013

Google contre la mort

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 
Google a annoncé, le 18 septembre, la création de Calico, qui poursuit le but d'allonger significativement la durée de vie humaine. De grandes ambitions nourrissent cette filiale de Google, qui vise le long terme - dix à vingt ans - et compte explorer des voies technologiques innovantes jamais envisagées pour retarder puis "tuer" la mort.
Cette création n'est pas le premier pas de Google dans la biologie, puisque sa filiale 23andMe est spécialisée dans le séquençage ADN. La naissance de Calico est lourde de conséquences pour le monde de la santé, mais aussi pour la France. Si Google investit dans la lutte contre le vieillissement, c'est bien parce que la médecine repose de plus en plus sur les technologies de l'information. Comprendre notre fonctionnement biologique suppose la manipulation d'immenses quantités de données : le séquençage ADN d'un individu représente par exemple 10 000 milliards d'informations. Seul Google semble en mesure de domestiquer ce déluge de données indispensable pour lutter de façon personnalisée contre la maladie.

Dépasser les limites actuelles de l'espérance de vie humaine suppose de modifier notre nature par des interventions technologiques lourdes en utilisant tout le potentiel des NBIC (nanotechnologies - qui opèrent à l'échelle du milliardième de mètre, et donc des constituants cellulaires -, biologie, informatique et sciences cognitives). La fusion de la biologie et des nanotechnologies donne à l'humanité un immense pouvoir.
Reste que cette accélération des sciences de la vie est porteuse d'interrogations philosophiques et politiques vertigineuses. Jusqu'où pouvons-nous modifier notre nature biologique, notre ADN, pour faire reculer la mort ? Faut-il suivre les transhumanistes, qui comptent des leaders parmi les dirigeants de Google et prônent une modification illimitée de l'homme pour combattre la mort ? Google est d'ores et déjà l'un des principaux architectes de la révolution NBIC et soutient activement le transhumanisme, notamment en parrainant la Singularity University, qui forme les spécialistes des NBIC.
Personne en France n'aurait imaginé qu'une petite start-up née dans un garage puisse devenir, en quinze ans, la société la plus puissante du monde. La prospérité de nos enfants dépendra de notre capacité à rattraper notre retard dans les technologies NBIC. Mais qui réalise que la Corée du Sud investit deux fois plus en recherche que la France ?
La méfiance française envers le progrès, dont le principe de précaution est le symbole et le moteur, accélère notre déclin économique et technologique. Le contraste est saisissant avec les années 1900, lorsque la France était la Californie du monde en étant à la pointe de toutes les technologies (auto, avion, électricité, chimie, téléphone, photo...). Comment la France va-t-elle survivre économiquement dans un XXIe siècle où les NBIC déterminent la puissance des nations, alors que sa classe politique ignore cette problématique ? Aucun président de la République n'a encore prononcé le mot "NBIC" !
Jacques Attali, qui introduisit François Hollande comme conseiller à l'Elysée en 1981, avait prédit l'émergence d'une médecine hypertechnologique dès 1979. Pourrait-il aujourd'hui le convaincre d'être le président qui fera entrer la France dans le siècle des NBIC ?

Chirurgien urologue, président de DNAVision (l.alexandre@dnavision.be).

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